Jean-Marc Sire effleure à peine l’imaginaire dans “Temporary High”. La vie de Celia est rythmée par les routines qui lui donnent la force d’affronter le quotidien. La moindre anicroche la plonge dans l’aventure : rencontre de nouvelles personnes, nouveau magasin où elle croit qu’un dragon (cela suffit-il pour inscrire le récit dans l’imaginaire ? Et pourquoi déranger cette créature pour aussi peu ?) la renseigne... L’ensemble est agréable mais hors sujet ici.
Plus longue nouvelle au sommaire : “Les pleurs de la sirène” dans laquelle Henri Bé revisite le mythe d’Orphée et d’Eurydice. Une sirène voulant briser la malédiction qui l’a poussée sous les eaux apporte le malheur. L’auteur insère habilement un grain de sable dans le mythe avec l’histoire de cette sirène sortie provisoirement des eaux. Le lecteur en arrive même à douter du mythe, de ce qu’il en connaît. L’exercice peut sembler facile, mais il n’en est rien et Henri Bé s’en sort très bien, livrant un beau texte.
Xavier Lhomme régale à force jeux de mots autour de l’univers télévisuel. “Celsius 233” relate la mort de Djone Fournié et ses catastrophiques conséquences, faute de transmission de savoir. Dans le futur, l’écrit a disparu et la parole a déformé les mots, rendant juste les sons (Djone pour John). C’est amusant, vraiment bien tourné. Cinq pages à parcourir avec le sourire en n’hésitant pas à lire des passages à haute voix pour en saisir le sens caché.
Aude Hage présente un étrange texte avec deux punks comme personnages principaux. L’un, Pimpon, arrive à converser avec la mer, lui demandant gentiment certaines choses, et celle qu’il considère comme sa mère s’exécute au grand étonnement de son comparse Jojo qui voit tout le bénéfice qu’ils pourraient tirer d’une telle relation. Bien sûr, en n’étant pas raisonnable, la situation ne peut que déraper. “Le punk et l’Amer” s’apparente au bizarro avec un élément totalement aberrant qui sert de moteur au récit. Là les conséquences sont sévères et le lecteur doit accepter cette surenchère pour que la nouvelle fonctionne. L’auteure saupoudre aussi son récit de touches d’humour et surprend à bien des points de vue, notamment avec le choix de punks ce qui fait daté, même si le No future est toujours d’actualité. Un texte clivant mais à découvrir.
Pour finir, un auteur confirmé : Jean-Louis Trudel avec “Les hommes rapiécés”. Le mal de Frankenstein sévit en Europe, il s’attaque à des parties du corps en les nécrosant. Priatus en souffre et le trafiquant Wiktor, nom loin d’être anodin, l’utilise comme mule pour passer des composants biotechs à Londres où Priatus espère voir une dernière fois sa fille. Sa mission se résume-t-elle uniquement à faire transiter illégalement des marchandises ? Ou y a-t-il un but caché ? Sur fond de crise migratoire, de civilisations vieillissantes et malades... de la science-fiction à court terme qui ne peut que faire réfléchir sur les enjeux de demain.
Ce numéro 73 d’« AOC » présente de beaux textes au sommaire. De la surprise, de l’humour, de la revisite... il y a largement de quoi contenter tout un chacun.
Titre : AOC
Numéro : 73
Directrice de publication : Evelyne Beuzit
Rédacteur en chef : Olivier Bourdy
Couverture : Emma Weakley
Illustrations intérieures : Jean-Marc Sire via Midjourney, Marthe Machorowski, Rolain Delinois, Jubo et Janski Beeeats
Type : fanzine
Genre : Science-fiction, fantasy, fantastique
Site Internet : le club Présences d’Esprits
Période : été 2024
Périodicité : trimestrielle
ISSN : 1772-3442
Dimensions (en cm) : 13 x 20
Pages : 78
Prix : 4 €
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