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Sang d’Encre (Le), tome 1
Nena Labussière
Le Rouergue, épik, roman (France), fantasy, 588 pages, août 2024, 21,50€

Une maladie mystérieuse dévore la cité de de Kaalun, faisant le sang bleu et la peau écailleuse, et va jusqu’à toucher le prince héritier. Olga la Noire, une jeune femme connue comme guérisseuse et rebouteuse, est appelée par le roi Saul Tyr, en désespoir de cause. Taiseuse, celle qui soulageait les maux des petites gens impose un dispensaire au château, ouvert à tous, en échange de soins au prince. A la surprise des conseillers royaux, cela lui est accordé, comme l’embauche d’un serviteur. Rejetant les ambitieux et fils de médecins incompétents, elle recrute Follet, conteur rouquin au crin-crin toujours accordé, qui voit dans ce travail le moyen d’accéder aux Archives et ses recueils de contes d’autrefois...
Sur ces entrefaites, le légat des Cimes arrive avec sa fille Ilse, tandis qu’au Sud, le cousin du roi, Markus Breki prépare un mauvais coup sous le nez de la gouverneure...



Pour son premier roman, la libraire Nena Labussière nous livre un pavé de fantasy de très haute volée. Je reprends sans vergogne la comparaison de Marie Carteron en 4e de couv’ : on est entre « Game of Thrones » et « Le Royaume de Pierre d’Angle ».

« Game of Thrones », parce que l’intrigue fait la part très très belle aux secrets, notamment de filiation et de succession, et aux trahisons. Chacun, dans l’entourage du roi effondré par la maladie de son fils, joue sa partition. L’intendante n’est pas claire, la femme du Sénéchal, créature qu’on devine à demi fée, trame un sale coup avec la complicité de l’Archiviste, quant à la Première Lame, loin de défendre le château il rencontre en secret Markus Bekri, le cousin du roi qui cache mal ses envies de coup d’état. Il plane sur tout ce monde l’ombre de l’ancienne reine, folle, parvenue au pouvoir par la force, imposant son fils comme roi au mépris de la Loi Antique qui faisait alterner sur le trône Tyr et Lettfeti, loi née du sacrifice de leurs ancêtres pour mettre à bas la dernière grande fée.
Le procédé est classique mais efficace : on apprend cette histoire par Follet qui la conte au public. L’Histoire est devenue légende, il y a du vrai et du faux, peu de nuance et beaucoup de non-dits. Et au fil des pages, on découvre que le sang des fées est toujours là, dilué, avec des gens capables de se changer en corbeau ou en renard, et des petites magies dont leurs possesseurs ont parfois à peine conscience, ou qui se réveillent à la faveur des événements. Lentement mais sûrement, le roman médiéval se teinte de merveilleux, le récit de scories d’une magie d’autrefois. Des miettes toujours capables de faire le mal, mais peut-être aussi le bien.

« Le Sang d’Encre » n’est pas aussi dramatique que « Le Royaume de Pierre d’Angle » qui, bien que s’attachant aux pas de tous ses personnages, penche diablement (jusqu’à la fin du tome 3, là où s’arrête pour l’instant ma lecture) dans le drame shakespearien, dans le fond mais aussi dans le forme. il me semble ici que les choses sont moins étouffantes et même si la focale est resserrée, l’essentiel du temps, sur Kaalun, on respire malgré les rebondissements et les révélations spectaculaires.
Il y a quelque chose d’assez télévisuel, dans le bon sens du terme, dans l’écriture de ce premier tome : des chapitres très courts (souvent 5 à 8 pages), avec un personnage-point de vue et un lieu, dans une unité de temps très courte. Outre la maitrise littéraire d’un vocabulaire, d’une métrique propre à chacun, Nena Labussière fait montre d’un talent de monteuse-scénariste pour que ses personnages se renvoient ainsi la balle. Elle ne perd pas inutilement le lecteur avec des flash-backs, au profit d’un respect de la chronologie qui rend bien plus lisible ses multiples points de vue qui s’enchainent et plus rarement se recoupent.

Je m’en voudrais de trop en révéler. C’est très bien écrit mais sans difficulté, c’est dense, riche de nombreux secrets qui éclatent au grand jour, d’intrigues qui s’entremêlent et se percutent, d’une pointe de chaos, d’hypothèses qu’il faudra attendre la suite pour confirmer ou infirmer... L’autrice joue magnifiquement avec nos espoirs de happy end en faisant lentement se rapprocher le prince Devlin et Ilse, héritiers naturels de la couronne, avant de tout fracasser dans un banquet de noces qui, si elle ne sont pas rouges comme chez Martin, mais glaciales, nous laisse sous le choc.

Moins interminable que la saga fleuve de Martin, moins saupoudré de sexe et de violence superflus, mais tout aussi dense quant au reste, ce premier tome du « Sang d’encre » est un très bon roman de fantasy réunissant à la perfection les ingrédients qui font le succès du genre, sans originalités superflues, et j’espère que la sobre et magnifique couverture de Patrick Connan saura séduire le plus grand nombre, car le contenu est aussi sombre qu’enchanteur.


Titre : Le Sang d’Encre
Série : tome 1/2
Autrice : Nena Labussière
Couverture : Patrick Connan
Éditeur : Le Rouergue
Collection : épik
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 588
Format (en cm) : 20,5 x 14 x 5
Dépôt légal : août 2024
ISBN : 9782812626203
Prix : 21,50 €



Nicolas Soffray
10 septembre 2024


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