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Carnets de l’apothicaire (Les), tome 4
Natsu Hyuuga
Lumen, roman (Japon), romance/thriller historique, 379 pages, août 2024, 17€

Un an a passé. Mao Mao ne travaille plus dans l’enceinte de la cité impériale mais tient boutique à côté du Palais Vert-de-gris. Elle prend soin de Cho-u, gamin du clan Shi éradiqué suite à leur complot. Luomen a (re)pris sa place au hougong, et Jinshi n’est plus intendant, maintenant que sa véritable identité est connue. Malgré une balafre, il reste très séduisant.
Si la situation politique peut sembler apaisée, il n’en est rien. Divers signes laissent présager une invasion de grillons et une possible famine, présage néfaste au règne impérial. Enfin, il faut nouer des alliances, aussi Jinshi est-il « encouragé » à étudier des prétendantes lors d’une mission diplomatique à l’Ouest, en compagnie de Dame Aduo et Dame Lisha, inquiète d’une possible parenté entre elle et l’empereur.
Au milieu de tout cela, Mao Mao ne peut s’empêcher de voir des choses, parfois d’y mettre son grain de sel, d’autres fois de subir les événements et de chercher à les esquiver. Surtout quand Lahan, son cousin aussi retors que Lacan, est de la partie.



On ne change pas une recette qui fonctionne, dit-on. Ce 4e tome (5e dans la VO) entame un nouvel arc après la répression du complot des Shi contre l’empereur, incarné par les manigances de Suilei. Petits mystères et plan plus large cohabitent, et nous n’en voyons qu’un petit bout par la lorgnette d’une Mao Mao curieuse et facilement intriguée mais aussi prompte à ne pas se mêler de ce qui ne la regarde pas. Une attitude très souvent frustrante pour le lecteur, laissé sur sa faim après que la jeune héroïne ait formulé des hypothèses pleines de promesses et mette son mouchoir dessus, ou pire, quand une évidence crève les yeux et qu’elle déclare avec obstination ne pas vouloir s’y intéresser. Le procédé littéraire est bien rodé, voire même usé par Natsu Hyuuga.

Comme dans les tomes précédents, on apprécie les recherches, les traces d’érudition à la base des petits mystères qui cachent de grosses révélations : ici, des grillons peu fameux mélangés aux sauterelles grillées, mets de choix, mettent la puce à l’oreille de nos héros sur une invasion d’insectes et la possible mauvaise récolte de céréales à suivre. Las, on aime moins quand l’auteur commet des erreurs enfantines (p.239 par exemple, des aliments frits sont préparés... au four).
Au chapitre des trucs bêtas qui continuent de me chagriner, ces façons de dire deux fois la même chose (page 112, Jinshi est invité deux fois à manger, avant et après un saut de section ; page 172 on parle de long en large du déguisement précédent du divin eunuque), ou une chose et son contraire immédiat (page 175, les champs sont en friche puis couverts de blé...), ou de se mélanger les pinceaux : page 209, lors de l’affaire des papetiers de la famille du médicastre, les chiffres de leurs loyers ou de leur dette sont farfelus et changeants, dus au mois, à l’année ou la décennie...
J’ai moins trouvé de passages où l’auteur se démène pour garder secret l’identité de personnages présents à grand renfort de circonvolutions nominatives, mais il y en a toujours. Si ce procédé fonctionne à l’image, il est totalement abscons à l’écrit.

Concernant l’intrigue, on découvre de nouveau personnages, notamment le bienveillant intendant du palais vert-de-gris. Lors du voyage vers l’Ouest, Basen est davantage exploité, d’autant que Jinshi est incognito. On est content de retrouver Dame Aduo, la concubine « renvoyée », et les révélations de l’épilogue raviront les lecteurs qui crieront « je le savais ! » quand bien même l’auteur avait lui-même mis fin à certaines possibilités.
Je m’interroge sur l’idée de déplacer Lishu durant cette mission diplomatique, tout comme de la mettre en concurrence avec d’autres prétendantes alors qu’elle est toujours concubine impériale. Mais elle est au cœur d’un mystère (est-elle du même sang que l’empereur ?) qui occupe Mao Mao tout le dernier tiers du tome, d’une romance impossible... D’autres complots se font jour avec une tentative de meurtre avec un tigre, et Lahan s’avère encore plus dangereux et tordu que Lacan.
Mao Mao continue de traiter Jinshi bizarrement, le couvant lorsque personne ne les regarde et que le jeune homme peut être simple et sincère, le battant froid en public. Mais sa reconnaissance implicite comme fille de Lacan ouvre, en fin de volume, de nouvelles perspectives sur l’évolution de la romance avec le beau ex-faux-eunuque.

Constat délicat en conclusion : si l’auteur sait relancer l’intrigue générale et toujours mêler petits et grands mystères, on sent de l’essoufflement (le duel de boisson rappelle celui contre Lacan) et certaines pistes scénaristiques interrogent. À mon goût, c’est toujours aussi mal écrit, sans qualité littéraire et pire, avec des méandres inutiles et des scènes mal lisibles du premier coup, et enfin une héroïne prétexte à laisser en plan le lecteur hameçonné pour créer d’inutiles et artificiels suspenses. Le recentrage initial sur le Palais vert-de-gris, les autres courtisanes ne dure guère. Ce volume est une impulsion pour relancer un arc, et pour le moment on a guère à se mettre sous la dent que des prétextes comme la crainte infondée de consanguinité de Lishu. Si les anecdotes sont ce qui donne du corps à une histoire, celle-ci donne la sensation d’être rembourrée au petit bonheur.
On a envie de savoir, le décor est joli et l’intrigue aguichante, mais force est de reconnaître que j’ai lu ce tome encore plus à reculons que le précédent.


Titre : Les carnets de l’apothicaire (kusuriya no hitorigoto 5, 2016)
Série : tome 4
Auteur : Natsu Hyuuga
Traduction du japonais (Japon) : Jean-Baptiste Flamin & Sascha Boucheron
Couverture et illustrations intérieures : Touko Shino
Éditeur : Lumen
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 379
Format (en cm) : 23 x 14 x 5
Dépôt légal : août 2024
ISBN : 9782371024496
Prix : 17 €


Tome 1
Tome 2
Tome 3


Nicolas Soffray
30 août 2024


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