C’est la troisième série grands ados que signe Guillaume Le Cornec, et force est de constater que ces « Passants Noirs » donne fortement envie d’aller lire ses œuvres précédentes (aux éditions du Rocher et Plein Vent). Des personnages à l’intrigue, tout y est fort, juste et palpitant, et couronné du Prix Cognac 2023 du meilleur roman jeunesse.
L’auteur nous jette dès les premières lignes en plein musée des Beaux-Arts de Lyon, pour faire se rencontrer ses deux héros. Enzo n’a pas la vie facile, jeune homme en pleine rébellion, en colère contre plein de gens et son père en premier. Père qui l’a abandonné... après avoir tiré sur sa mère... et s’être servi d’elle pour voler des tableaux à Orsay. Enzo a donc remis toute son existence en question, dommage collatéral d’un casse à 200 millions. Sa mère, elle, se relève péniblement, se noyant dans son travail au musée.
Manon est aussi en rébellion contre sa famille, les Mougins, immense fortune liée à la production d’engrais chimique mondial. Elle déteste sa mère, ambitieuse et arriviste. Seuls comptent son petit frère et son père, écarté de la direction du groupe à la mort du patriarche, car jugé trop tendre, tendance décroissant.
Et voilà que des tableaux leur parlent. Les deux grands ados, trop intelligents pour leur bien, trop curieux pour leur santé, trop discrètement contents d’avoir un alter ego avec qui en parler, vont donc tirer sur cette ficelle et tenter de trouver quel événement leur cerveau a occulté.
Guillaume Le Cornec construit son roman comme un vrai thriller psychologique à multiples entrées. Plus les ados fouillent dans leur passé, et donc celui de leur famille, plus les dangers se multiplient. Parfois ils s’interrogent : ce grand baraqué qui les suit, est-il de la mafia, de la police ? A qui rend-il des comptes ? Très vite, ils apprennent la discrétion, mais ils n’en demeurent pas moins audacieux, mettant sur écoute l’avocat de la famille Mougins, cousin de Manon, avant de lui lancer un petit Scud pour le faire réagir. L’auteur nous faire suivre des héros qui malgré leur âge en ont déjà bavé, et n’ont pas froid aux yeux. Manon a une aisance financière qui aplanit certaines difficultés, Enzo un aplomb parfois effrayant pour confronter les gens à ses déductions dignes de Sherlock Holmes : à force de traquer son père, il décèle les liens entre des faits apparemment éloignés avec une certaine facilité.
C’est donc très bien ficelé, on est loin des décisions bêtes un peu forcées pour ralentir l’intrigue, au contraire ces 280 pages sont denses, entremêlant les deux histoires familiales, découvertes du présent et révélations du passé, le tout sur un thème très actuel (un scandale de pollution chimique) aux multiples ramifications. L’auteur ne délaisse pas non plus les sentiments de ses héros à fleur de peau, à cet âge de maladresses et d’amour absolu : un clash sur un geste mal interprété, la révélation de l’homosexualité de Manon et de sa passion dévorante viennent renforcer la vraisemblance des personnages.
Enfin pour ceux qui connaissent un peu Lyon, c’est pas désagréable de croiser des adresses connues. (Et allez au musée !)
Comme à chaque fois qu’un roman parle de peinture (Je repense à « Lune et l’autre »), je regrette toujours un peu que l’éditeur n’ait pas casé une reproduction, même noir et blanc. Allez donc voir La Vague de Courbet conservée à Lyon (puisque, comme on l’apprend dans le roman, l’auteur en a peint plusieurs avec des variations) et Passants de Daumier (bien flippants en effet) qui donne son titre à ce premier tome presque auto-conclusif. Vous ne resterez pas sur votre faim, mais faudrait-il se forcer de beaucoup pour dévorer la suite, « Une étude en jaune » ?
Titre : Les Passants Noirs
Série : Les Murmures, tome 1/3
Auteur : Guillaume Le Cornec
Couverture : Olivier Bonhomme
Éditeur : Seuil Jeunesse
Collection : 12+
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 281
Format (en cm) : 20 x 13 x 2
Dépôt légal : janvier 2023
ISBN : 9791023518290
Prix : 14 €