« La nouvelle image du monde qui est en train de se mettre en place dans la physique de base est celle d’un monde sans espace et sans temps. L’espace et le temps usuels vont tout simplement disparaître du cadre de la physique de base, de la même façon que la notion de centre de l’univers a disparu de l’image scientifique du monde. À leur place, il reste des relations entre les objets. »
Sous un titre volontairement provocateur, Carlo Rovelli défend une hypothèse audacieuse : le temps n’existe pas. Que l’on se rassure : on continuera bel et bien à consulter sa montre pour prendre le train et pour constater que le train est en retard, mais le monde considéré par le physicien ne se situe pas à ce niveau. Il s’agit du monde du niveau quantique, aux échelles atomiques et subatomiques, le monde à l’échelle infinitésimale, celle de la distance de Planck, si petite qu’il faut aller la chercher non pas trois rangs derrière la virgule, comme le millimètre, mais à plus de trente rangs au-delà.
Mais qu’est-ce donc que le temps ? Nul ne le sait vraiment. Et Carlo Rovelli nous fait comprendre à quel point il est difficile à saisir : on le mesure par le pouls humain, les mouvements d’un pendule, l’oscillation énergétique d’un atome de césium, mais on ne mesure pas le temps lui-même : nous ne le mesurons qu’à travers des phénomènes naturels. Le temps, pour Carlo Rovelli, est « un postulat plus que le résultat d’une observation. » Dès lors, en marge de la théorie des boucles à la naissance de laquelle Carlo Rovelli a contribué – une théorie de physique fondamentale concurrente à la théorie des cordes – il paraît possible de remettre son existence en cause. Il est vrai que dans le monde quantique, où deux états opposés d’un même objet peuvent coexister simultanément, les théories les plus originales peuvent être évoquées.
« Le monde actuel a été construit et pensé par ceux qui dans le passé ont été capables de rêver. Seuls de nouveaux rêves peuvent donner naissance à notre futur. »
À travers ces théories, Carlo Rovelli fait une véritable leçon d’histoire des sciences. Car il n’affirme rien, il reste à la fois modeste, et prudent : une théorie non confirmée n’est rien d’autre qu’une hypothèse. Cette prudence est prétexte à la considération de l’histoire des théories scientifiques. Une théorie des théories, pourrait-on dire. Pas de vérité universelle, pas de théorie qui ne doive un jour être contredite, dépassée, améliorée. La meilleure, c’est celle qui colle le mieux au réel. Celle de Newton n’était pas exacte, celle d’Einstein non plus. Il ne s’agit pas de rejeter, bien au contraire, mais de garder un esprit suffisamment critique pour être capable de passer à l’étape suivante. C’est ainsi que la science – et particulièrement la physique – progresse. Tout en gardant à l’esprit que si les meilleures théories sont celles qui collent le mieux à l’observation et dont les prédictions sont vérifiées, ces vérifications à l’échelle quantique demeurent encore souvent bien au-delà des possibilités techniques actuelles.
« L’enseignement de le science devrait être l’enseignement du doute et de l’émerveillement. »
Il est donc beaucoup question d’histoire des sciences et notamment d’Anaximandre de Milet, auquel Carlo Rovelli a par ailleurs consacré un volume entier, mais aussi de figures contemporaines du monde de la physique. Et si, dans la part autobiographique de ce volume, Carlo Rovelli ne sous-estime jamais les mille et une embûches réservées au chercheur, s’il dit, non sans malice, conseiller à certains étudiants de chercher une voie plus facile, il reste un défenseur enthousiaste de l’enseignement des sciences. “La science devrait être enseignée pour ce qu’elle est”, précise-t-il, “une aventure humaine fascinante, un enchaînement de périodes de grande confusion, d’exploration patiente de nouvelles solutions, de sauts conceptuels vertigineux, d’éclairs de compréhension où les pièces du puzzle s’assemblent brusquement (…) C’est une longue histoire pleine de magie et de beauté.” Un beau retour sur une vocation, sur la passion de la recherche, sur la conviction du fait qu’il est toujours possible d’avancer. Un enthousiasme qui n’a rien de focalisé : “Il y a autant de beauté, d’intelligence, d’humanité et de mystère dans une page de Schubert que dans une page d’Einstein ”, conclut Carlo Rovelli. Si « Et si le temps n’existait pas » peut apparaître à première vue comme une autobiographie ou comme l’histoire de la découverte d’une nouvelle théorie en physique fondamentale, le propos de ce petit ouvrage de moins de deux cents pages est donc en réalité plus vaste. On trouvera dans ce volume bien d’autres éléments brassés par la philosophie humaniste de l’auteur, par son goût des sciences et des arts, et par son indéfectible optimisme.
Titre : Et si le temps n’existait pas ?
Auteur : Carlo Rovelli
Couverture : Juri V / Shutterstock
Éditeur : Dunod
Collection : Dunod Poche
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 174
Format (en cm) : 11 x 18
Dépôt légal : septembre 2023
ISBN : 9782100856145
Prix : 9,90 €
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« L’Aventure Apollo » par Charles Frankel
« Pasteur à la plage » par Maxime Schwartz et Annick Perrot
« Schrödinger à la plage » par Charles Antoine
« L’Aventure extrordinaire des plantes voyageuses » par Katia Astafieff
« Les plantes font leur cinéma » par Katia Astafieff
« À la recherche de l’arbre-mère » de Suzanne Simard
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« À la découverte des araignées et autres arachnides » par Christine Rolin