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Solaris n°227
L’anthologie permanente des littératures de l’imaginaire
Revue, n°227, science-fiction / fantastique / fantasy, nouvelles – articles - critiques, été 2023, 162 pages, 13,95$ CAD

Ce « Solaris 227 » débute par la nouvelle lauréate du Prix Solaris 2023 : “Ce qu’on laisse derrière” d’Isabelle Piette. Travaillant dans un laboratoire, Kara ne peut fermer les yeux sur le sort futur d’Alyk, un pseudo-poulpe destiné à devenir le cerveau d’un vaisseau spatial. Ce dernier n’a pas le choix de sa vie, alors qu’il est pleinement conscient. Aussi, Kara fuit avec lui, laisse tout derrière elle, juste désireuse de lui éviter la vie d’esclavage qui l’attend.
De l’aventure est au programme avec une montagne à franchir, mais aussi une belle relation entre une femme et une créature de laboratoire sensible et aux immenses capacités, à qui le libre arbitre est refusé. Le mix entre action et réflexion est bien dosé et la nouvelle prenante tout du long.



Après cette lecture, comment ne pas penser aux Intelligences Artificielles et à leurs progrès, interrogeant toujours plus sur leur sort futur ?
La première nouvelle publiée en 1992 par Mario Tessier : “Ad Majorem Dei Gloriam”, pose très bien le débat. Un homme d’église, aussi scientifique, exprime ses doutes après la rencontre avec SURIEL, une IA. Lui qui pensait rapidement la placer face à ses contradictions, lui mettre sous le nez ses codes dictant sa conduite, doit déchanter et ne peut lui dénier l’acquisition d’une certaine conscience. L’homme a-t-il le droit de s’octroyer le pouvoir divin de la création d’un être vivant ? Trente ans après, ce texte s’avère toujours d’actualité et le remettre en avant est très pertinent. En effet, les IA interpellent et, même si on est loin de leur émancipation, car trop éloignées de ce que l’on définit comme la conscience, il est difficile ne ne pas éprouver une certaine méfiance à leur encontre.
“Les carnets du Futurible” reprennent justement ce sujet : “L’Intelligence artificielle, ou ChatGPT veut avoir un mot avec vous”. Historique de la recherche en intelligence artificielle, les modèles de langage de type ChatGPT qui fait beaucoup parler aujourd’hui, les IA en SF, Intelligence et conscience... autant de points parmi d’autres abordés par Mario Tessier qui permettent de mieux cerner le rapport complexe entre humains et IA. Un très beau dossier, propice à nourrir la réflexion autour de cette création artificielle destinée à faciliter notre vie et qui sait, peut-être la supplanter...

Jonathan Reynolds sait comment faire frissonner les lecteurs. Coralie est harcelée par des élèves cherchant sa copine Danika. Elle nie savoir où la trouver, mais la vérité éclate quand Coralie rentre chez elle. Les deux se racontaient l’histoire de “Capitaine Bâbord et la sirène”, dont Coralie se récite des extraits pour se donner du courage et éloigner l’horreur de la situation. Dans un registre qui convient parfaitement à l’auteur, ça remue et instille le malaise sans coup férir.

Avec “Ce que je peux dire de lui”, Karim Kattan livre une étonnante nouvelle. Le personnage a rencontré à de nombreuses reprises rien moins qu’un dieu. Difficile de situer cette nouvelle dans le temps, tant elle est riche en anecdotes qui peuvent donner de fausses idées. Plein de thèmes sont abordés et le texte est bien plus complexe que ce que l’on pourrait penser de prime abord. Étonnant et déroutant à la fois.

Seule traduction au sommaire : “Entre ombre et lumière” de Su J Sokol à laquelle je n’ai rien trouvé. Sasha a droit à un interrogatoire musclé. D’abord mené par Monsieur Jones, puis Monsieur Smith ! En gros, il est torturé pour des motifs contradictoires : que peut-il révéler ? Peut-il se taire ? Même si je pense comprendre ce que l’auteur a voulu dénoncer, cela n’est guère convainquant et son message (y en a-t-il seulement un !) est noyé dans un ensemble brouillon.

Nouvelle rubrique à parution annuelle : “Le cabinet des curiosités surnaturelles”, animée par Sébastien Chartrand. Pour cette première apparition, il nous fait visiter “L’aile des spécimens fantastiques”. Tout d’abord, il explicite le cadre de cette rubrique alléchante, propice à nourrir l’imagination des lecteurs et auteurs. La grande ménagerie aux nombreuses espèces improbables, le jardin aux plantes dégageant des effluves dont il vaut mieux se méfier, les minéraux et les terrariums aux étrangetés interrègnes remplissent allègrement une trentaine de pages nourries de contes et légendes. Le rédacteur a effectué un travail de recherche et de compilation remarquable. Rendez-vous est déjà pris dans un an !

Ce « Solaris » ne manque pas d’atouts avec un important volet sur la question des IA qui balaye aussi bien le présent que le futur sur la question. Le passé et ses croyances alimentent aussi l’imaginaire de chacun avec une nouvelle rubrique des plus sympathiques. Deux articles de haut vol et des bonnes nouvelles pour la majorité nous donnent un bon cru.


Titre : Solaris
Numéro : 227
Direction littéraire : Jean Pettigrew, Pascal Raud, Daniel Sernine, Francine Pelletier et Élisabeth Vonarburg
Couverture : Grégory Fromenteau
Illustrations intérieures : François Pierre Bernier, Julie Ray, Émilie Léger, Sagana Squale, Laurine Spehner, Érick Lefebvre et Suzanne Morel
Traductions : Émilie Laramée (Entre ombre et lumière)
Type : revue
Genres : nouvelles, articles, critiques
Site Internet : Solaris ; numéro 227
Période : été 2023
Périodicité : trimestrielle
ISSN : 0709-8863
ISBN : 9782924625934
Dimensions (en cm) : 13,3 x 20,9
Pages : 162
Prix : 13,95 $ CAD



Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
28 août 2023


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