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Galaxies n°83 (Nouvelle Série)
Directeur de publication : Pierre Gévart
Revue, n°83, SF - nouvelles - articles - critiques, juillet 2023, 192 pages, 11€

Le jury du Prix Alain le Bussy a livré son verdict pour l’édition 2023. C’est Goliathus avec « La visitation », une SF du terroir, qui le remporte. Un vieux couple d’agriculteurs dans un coin paumé assiste à un étrange phénomène sur le chemin du retour à la ferme. Ils ne parviennent pas à mettre des mots sur ce qu’ils ont vu et préfèrent oublier, mais la réalité les rattrape. Pas de grands effets, mais l’impossible qui arrive et qui change la vie de ce couple. Le choix des personnages et le côté intimiste donnent un texte décalé qui a bien mérité cette distinction.



“Grande marée” de Timothée Rey est bien plus complexe et difficile à aborder. Le langage est très travaillé, l’histoire est déjà écrite pour la personne qui s’introduit dans une bibliothèque. Est-elle actrice ou spectatrice de ses actes ? Perturbante et intrigante tout du long, cette nouvelle demande à être apprivoisée pour l’apprécier.

Le texte “Quand les pierres rêvent” d’Ariane Gélinas est déjà paru dans « Solaris 181 » en janvier 2012. La brève présentation de l’auteure ressemble étrangement à celle de l’époque et est donc périmée depuis dix bonnes années, notamment au niveau de sa production bien plus conséquente aujourd’hui. Là on est dans le recyclage jusqu’au bout et ce n’est pas rendre justice à cette auteure outre-atlantique aux écrits pleins de poésie. Celui-ci nous plonge dans le désert, dans une fin annoncée quand Mina est irrésistiblement attirée par les sables et que son mari la suit pour comprendre. C’est beau, triste et envoûtant.

Dans cette quatrième livraison des “Chroniques d’Ukraine”, il est question de la science-fiction ukrainienne d’époque soviétique, un pan entier passé sous un relatif silence par les précédents intervenants, alors qu’il est d’importance comme démontré dans le mini-dossier. La courte nouvelle “Seulement ensemble” d’Ernest Marinine présente un étrange couple, chacun compensant la faiblesse de l’autre. Pas de science rébarbative au programme mais des sentiments, ce qui n’était pas courant. Suivent deux articles sur des auteurs décrits comme fondamentaux à cette période : le premier sur Oles Berdnyk ne m’a guère emballé je dois l’avouer, au contraire du second sur Volodymyr Vladko. Il a écrit des romans qui ont fasciné des générations de lecteurs et qui ne sont pas sans faire penser à ceux de Jules Verne. Le papier signé Viatcheslav Nastetski et Vitali Karatsoupa s’avère des plus intéressants et tient de la belle découverte.

En-dehors des plus de 80 pages de chroniques de livres, bandes dessinées et cinéma et du brillant focus musical sur Hawkwind dû à Jean-Guillaume Lanuque qui intervient aussi dans “[S]Trips&BD” aux côtés de Fabrice Leduc, le gros morceau de ce « Galaxies » est consacré à Serge Brussolo.
En charge de cet imposant dossier, tant Serge Brussolo a fait feu de tout bois depuis ses débuts dans les années 1970 : Didier Reboussin qui reconnaît d’emblée qu’il est impossible de balayer toute sa production dans la place ici impartie. Aussi, c’est avec intérêt que le lecteur aborde la face émergée de l’iceberg Brussolo.
L’entretien d’une vingtaine de pages remonte à 1993, mais il a été réactualisé dernièrement par Serge Brussolo. Il se découpe en deux parties : sa jeunesse et l’écrivain. Ses jeunes années ont pour le moins été difficiles, sa famille vivant dans le dénuement mais il ne s’en plaint jamais, reconnaissant que c’était le lot de beaucoup de gens après guerre. L’envie d’écrire l’a gagné rapidement et sa facilité à construire des histoires en a interpellé plus d’un, pensant qu’un adulte se cachait derrière. Déjà là, Brussolo, c’était tout ou rien, on l’aimait ou non, pas de juste milieu. Il est devenu écrivain à force de travail, d’abnégation et on ne peut que s’en féliciter. L’ensemble s’avère très instructif et donne une image de lui, sûrement éloignée de celle que l’on imaginait.
L’écrivain ne s’est pas cantonné à un seul genre, son imagination le portant à embrasser bien des voies surprenantes qui lui sont propres. Quelques aspects sont ainsi explorés, quelques jalons posés pour les lecteurs : le Thriller par Pierre-Gilles Pélissier, les éléments (l’eau, l’air, le feu) dans son œuvre par Laurent Genefort et la période Anticipation par Didier Reboussin. Bien sûr, les esprits chagrins regretteront toujours que tel pan de sa carrière n’ait pas été abordé. Elle est si vaste que l’on pourrait longtemps creuser (par exemple, l’année 1998 chez Présence du Futur), mais il fallait bien faire des choix et ils s’avèrent dignes d’intérêt. Une bibliographie sélective présentée par Didier Reboussin donne une idée de l’importance de la production brussolienne. Concluent ce dossier la nouvelle “La cité des Mortambules” de Philippe Caza bien dans le ton sur l’univers d’Almoha et les trois premiers courts chapitres de « La saga des abîmes » dont la suite est accessible gratuitement sur le site de l’auteur, à cette heure indisponible !

Ce « Galaxies » est placé dans l’ombre imposante et intimidante de Serge Brussolo, écrivain aux visages multiples et à nul autre pareil pour raconter des histoires propres à faire vibrer les lecteurs. Le dossier permet de mieux le cerner et instille le désir de le découvrir comme de trouver les perles encore non lues.
Un grand cru !


Titre : Galaxies Nouvelle Série
Numéro : 83 (125 dans l’ancienne numérotation)
Directeur de publication : Pierre Gévart
Couverture : Frédéric Michaud
Traducteurs : Viktoriya et Patrice Lajoye pour la nouvelle et les articles du dossier Chroniques d’Ukraine
Type : revue
Genres : SF, études, critiques, entretiens...
Site Internet : Galaxies
Dépôt légal : juillet 2023
ISSN : 1270-2382
N° ISBN : 9782376251835
Dimensions (en cm) : 13,3 x 21,1
Pages : 192
Prix : 11 €


Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
18 août 2023


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