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Galaxies n°82 (Nouvelle Série)
Directeur de publication : Pierre Gévart
Revue, n°82, SF - nouvelles - articles - critiques, avril 2023, 192 pages, 11€


Trois nouvelles figurent au sommaire. “Phoenix” (premier accessit ex æquo du Prix Le Bussy 2022) se déroule dans l’urgence, celle de fuir une communauté dont le dirigeant veut briser tout rêve d’ailleurs et celle de partir avant que le soleil meurtrier ne monte trop haut dans le ciel. Une fille sait qu’elle doit quitter les caves d’une Phoenix moribonde sous peine d’asphyxie. Même si cela brise son père, il le comprend parfaitement et l’aide à retaper un avion pour lui offrir l’espoir d’un avenir. Sur fond de réchauffement climatique, une histoire profondément humaine, où il est encore permis de rêver. Une belle entame tout en douceur signée Jean-François Chaussier, avant la SF militaire de Jeremy Szal.
Protégés qu’ils sont par leur armure de combat, “Les hommes de l’Union ne meurent jamais”. Ramez est à la tête d’un groupe de soldats pour une mission ambiguë sur une planète colonisée. Il a déjà frôlé la correctionnelle et les choses ne semblent pas s’améliorer pour lui. Qui de l’homme ou de l’armure perfectionnée est vraiment aux commandes ? Cette nouvelle n’est pas sans rappeler par certains côtés “Exorciser ses fantômes” d’Eric Brown ou encore plus récemment “Collatéral” de Peter Watts. La technique est-elle au service de l’homme ? Ou le supplante-t-elle ? Vaste débat qui n’a pas fini d’inspirer les auteurs de SF. Sur fond musclé, un texte non dénué de réflexion.

Pour les troisième “Chroniques d’Ukraine”, pas de rédactionnel, mais une nouvelle de Max Kidrouk. Gagner le pôle nord de Mars est si onéreux que, plutôt que de monter une expédition officielle forcément coûteuse, un prix a été voté avec récompense au premier qui gagnerait le pôle. Une équipe de quatre personnes s’est lancée dans cette course. Espérant devancer une autre expédition partie peu après, la responsable fait fi de toute prudence en brûlant les étapes. Réussir ou périr semble son credo. Pas de plan B si les choses tournent mal. On aurait pu penser que “Au plus proche du pôle” allait se résumer à une course contre la montre, mais il n’en est rien. Pas d’idée de génie tirant tout le monde de la panade, pas de système D pour toucher au but... mais l’esprit de sacrifice. La conclusion ne manque pas de beauté et l’image finale est forte. Comment ne pas faire le parallèle avec la guerre en Ukraine ? Écrite en 2023, cette nouvelle y est encore inédite.

Le théâtre et la science-fiction, voilà qui n’est pas banal et demande éclaircissement tant l’association est peu fréquente. Le dossier du présent « Galaxies » creuse justement le sujet. Sous la houlette de Ugo Bellagamba, plusieurs interventions permettent de mieux le cerner, de montrer que le théâtre de SF existe, ce qui n’est pas évident au départ, comme le prouve la remarque : « Le théâtre de science-fiction, ça existe ? » entendue lors de la 49e Convention nationale française de Science-Fiction à Bergerac. Annie Mura s’en empare justement pour argumenter et liste tout un ensemble de pièces jouées en France depuis 1953. Un bref aperçu donne à chaque fois une idée du thème exploré. Dans le même ordre, Philippe Mura offre une “Esquisse de chrono-bibliographie du théâtre conjectural francophone (1684-1951)”. Hormis certaines pièces connues, d’autres restent des énigmes quant au sujet traité. Il faut saluer ici l’énorme travail de recherche et compilation d’Annie et Philippe Murat.
Émilie Gévart nous parle d’une œuvre qui a inspiré maints metteurs en scène : « Frankenstein » de Mary Shelley, et a connu différents traitements au fil du temps. L’interview de Rémi Prin qui a adapté « Solaris » de Stanislas Lem illustre justement le défi que cela représente. Ugo Bellagamba présente “Quand les utopies entrent en scène”. Le sous-titre “ou la quête inachevée de la représentation idéale” donne bien le ton du papier fort intéressant et faisant le parallèle entre le thème du théâtre et celui de l’utopie.
Pour Hélène Cruciani, les universitaires éprouvent un intérêt grandissant pour le théâtre de SF. Et petit retour sur la naissance du Prix Aristophane créé en 2017 par Ugo Bellagamba et Pierre Gévart et récompensant une pièce de SF en un acte.
Justement ce que propose Thimothée Rey avec “En attendant la concordance de phase”. C’est là que le lecteur comprend vraiment le défi que représente le moindre effet à reproduire et les choix, les astuces à trouver pour que le public saisisse l’histoire. J’avoue être circonspect sur l’emploi d’hologrammes pour montrer que les deux personnages n’interagissent pas avec notre réalité. Le fait qu’ils puissent manipuler une bouteille qui ne se vide jamais me semble anéantir la conception qu’ils sont détachés de notre plan matériel. Vraiment pas simple et la perception des événements doit différer suivant chacun.
Caza nous offre “Une saynète à l’hôpital Titan ouest”, tout sauf sérieuse et qui prête à sourire, à défaut de pouvoir être adaptée.
En conclusion du dossier copieux, le point de vue de ChatGPT tient de l’anecdote.
L’ensemble a le grand mérite de poser les bases du théâtre de science-fiction et de prouver par l’exemple qu’il existe bien. Des articles documentés permettent d’appréhender le défi que cela représente suivant le thème choisi. De plus, écrire une pièce ne suffit pas à la faire exister, encore faut-il qu’elle soit montée, ce qui demande des moyens et du temps. Chaque représentation la fait vivre et les moyens de diffusion ne sont de loin pas comparables au cinéma. Il faut avouer que cela donne envie de découvrir plus avant ces pièces, car elles le méritent rien que pour encourager cet art.

Au rang des chroniques, les lecteurs sont gâtés, il y a de tout pour satisfaire tout un chacun : du cinéma, des séries télé, des livres, de la BD et du manga, et même des expositions. Soixante-dix pages,certaines méritant de sortir la loupe !

Un numéro de « Galaxies » qui a le grand mérite de mettre en avant le théâtre de science-fiction dans un dossier fort intéressant. De plus, il est bien entouré avec de belles nouvelles au sommaire.
Une bonne pièce qui nous est jouée là !


Titre : Galaxies Nouvelle Série
Numéro : 82 (124 dans l’ancienne numérotation)
Directeur de publication : Pierre Gévart
Couverture : issue du spectacle Carthage, encore de Jean-Luc Lagarce, créé en 2015
Traducteurs : Jean-Michel Calvez (Les hommes de l’Union ne meurent jamais), Viktoriya et Patrice Lajoye (Au plus proche du pôle)
Type : revue
Genres : SF, études, critiques, entretiens...
Site Internet : Galaxies
Dépôt légal : avril 2023
ISSN : 1270-2382
N° ISBN : 9782376251774
Dimensions (en cm) : 13,3 x 21,1
Pages : 192
Prix : 11 €


Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
25 mai 2023


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