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Petits Mystères en Campagne
Juliette Sachs
Eyrolles, Pop’Littérature, roman (France), feel-good & cosy mystery, 279 pages, avril 2023, 17,90€

Largué par son mari qui lui préfère une plus jeune, Marion, 45 ans, doit fermer son agence de détective parisienne et retourne vivre dans la maison de ses parents, à Crouzon, petit village d’Auvergne, avec sa fille de 17 ans pas vraiment enthousiaste. Pour la mère divorcée, c’est revenir là où elle a grandi, où tout le monde la connaît et se connaît. Mais le village n’est pas aussi calme qu’il y paraît : des cambriolages ont lieu dans les maisons où les lycéens organisent des fêtes un peu arrosées. Quand Lola se retrouve à la gendarmerie deux fois de suite, Marion décide d’y mettre le nez, aidée par Grégory, son amour de jeunesse, propriétaire du bar-restaurant et faute de mieux, son patron !



Ce second roman de Juliette Sachs oscille entre sentimental et cosy mystery. La balance penche davantage vers le premier, avec tous les ingrédients habituels : une séparation qui oblige une femme à repartir de zéro, un retour aux sources dans son village d’enfance, la rénovation de la maison parentale comme symptôme d’un nouveau départ. Au milieu, la gestion de Lola, 17 ans, qui aurait préféré vivre avec son père à Nice plutôt que s’enterrer en pleine cambrousse, et une garde mal partagée car monsieur est évidemment lâche, passant tout à sa nouvelle et jeune compagne.

Forcément, Marion retrouve ses connaissances du lycée : Grégory, son amour de jeunesse qu’elle a larguée en montant faire ses études à Paris. Grégory, marié mais séduisant quadra, qui lui offre la place de serveuse dans son bar-restaurant, un job qui la tire bien d’embarras, mais où ils sont amenés à se côtoyer tous les jours. Les phrases ambiguës fusent, Marion s’enflamme pour un rien, espérant secrètement reprendre là ils s’étaient arrêtés.

Mais un autre homme entre dans sa vie : Arnaud, gendarme, dragueur lourdingue mais aussi père de Tristan, le nouveau petit copain de Lola. Si Marion accepte sa première invitation, le soir de son arrivée, c’est pour ne pas se mettre les forces de police à dos (si jamais elle rouvrait un service de détective) : le type que Lola qualifie vite de boloss et qu’elles affublent du sobriquet de Tronche de Chouette, en sus d’être un enquêteur très médiocre, s’accroche lourdement, se montre jaloux et possessif. Dans la légèreté globale du roman, Arnaud est presque flippant, très réaliste de ces hommes qui pensent que les femmes leur sont dues, et que le polo bleu et quelques galons leur donnent tous les droits.

La rivalité non déclarée entre les deux mâles donne lieu à des échanges tendus (souvent à la gendarmerie pour récupérer une ado en GAV) rendus presque ubuesques par la propension de Marion à laisser ses pensées les plus vulgaires sortir à voix haute [1], frôlant régulièrement l’outrage. Des sorties de gonds bien peu compatibles avec un job de détective ? Pas forcément, puisqu’elle nous l’apprendra, sa spécialité, c’est la surveillance et la filature. Pour le reste, faire parler des suspects, collecter des indices, émettre des hypothèses, disons qu’elle est... moins douée, comme on le voit dans sa vie sentimentale. Sa propension à se faire des films et à laisser dériver ses pensées, la laissant les yeux dans le vague et la bouche ouverte, lui joue souvent des tours, à avoir l’air bête devant Grégory.

Si le premier cambriolage a lieu chapitre 12, il faut attendre le chapitre 23 pour que les instincts d’enquêtrice supplantent les montagnes russes hormonales, et le 32 (sur 41) pour qu’elle ressorte son matériel : disons-le, moi qui étais venu pour le côté cosy mystery, je suis resté un peu sur ma faim. D’autant que la résolution n’est pas franchement une surprise ni un sommet du genre avec confrontation des suspects. Si la conclusion ouverte laisse entendre la possibilité d’une suite, il y a un notable manque d’enjeux puisque le village n’est pas un haut lieu du banditisme et qu’au niveau sentimental tout se termine au beau fixe. Fans d’Agatha Raisin et de villages remplis de secrets et d’assassins en puissance [2], vous pouvez je crois passer votre chemin, on est ici dans du plus léger.

Non, le réel intérêt est la trame sentimentale, de voir ces deux quadras se tourner autour 25 ans après leur rupture et d’une autre vie de chacun de leur côté. C’est bien écrit, les non-dits et les ambiguïtés entre eux, s’ajoutant aux pensées de Marion (nous sommes en narration interne) qui passe du rouge aux joues au feu aux fesses, font monter la tension, et l’autrice a la bonté de ne pas nous infliger ce jeu du chat et de la souris sur 5 saisons, comme dans les séries américaines. De fait, « Petits mystères en campagne » a des allures de pilote de ces séries françaises estampillées TF1, où mystère(s) et rebondissements sentimentaux s’entremêlent pour faire passer un bon moment, avec suffisamment de réalisme pour qu’on y croie, sans sombrer dans la surenchère de meurtres à gogo ou, comme dit plus haut, de mauvais marivaudage à rallonges. C’est pas méchant, ça ne ruine pas vos derniers espoirs en l’être humain, et en plus c’est bien écrit.

On sourira aussi aux extraits du journal de Lola, dans un style très ado parisienne (ou l’idée qu’on s’en fait), qui permettent certaines ellipses ou un autre éclairage sur certains événements.

Un bon petit roman léger et drôle qui, s’il n’était pas ma tasse de thé, se lit sans déplaisir ni prise de tête, le genre parfait pour l’été ou une détox de télé.


Titre : Petits mystères en campagne
Autrice : Juliette Sachs
Couverture : studio Eyrolles
Éditeur : Eyrolles
Collection : Pop’Littérature
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 279
Format (en cm) : 20,5 x 14 X 2
Dépôt légal : avril 2023
ISBN : 9782416009266
Prix : 17,90 €



Nicolas Soffray
11 mai 2023


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