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Démons du Shérif McKenzie (Les)
Jean-Pierre Favard
Le Héron d’Argent, roman (France), western fantastique, 606 pages, octobre 2021, 24,90€

Alors que s’abat sur son village un épisode neigeux bien peu de saison, le shérif McKenzie entreprend de narrer à son jeune, naïf et impressionnable adjoint des faits survenus 10 ans auparavant, au sortir de la Guerre de Sécession. Éclaireur sudiste, il est capturé par la troupe de cavalerie de Custer et assiste, impuissant et terrifié, au massacre de sa compagnie par des créatures cauchemardesques, mi-hommes mi-chevaux. Gardé en vie pour une raison qu’il ignore, il est missionné par Custer pour retrouver un homme qui aurait approché le chef cheyenne Black Kettle. Le général nordiste, à l’ascension fulgurante, cherche à s’approprier la magie des natifs, quitte à la détourner à son seul bénéfice.



Jean-Pierre Favard quitte (momentanément) les forêts sombres du Morvan et les noirs sapins de Franche-Comté pour nous emporter dans un flamboyant western fantastique aux accents plus que crépusculaires.

Sous la forme du récit encadré, en ce soir de neige qui annonce la mort du Diable, son personnage revient sur le parcours, qu’il aura accompagné, du général Custer, jusqu’à la sanglante bataille de Little Big Horn.
L’auteur s’appuie sur de la documentation historique, et s’attache à coller avec réalisme au parcours du sulfureux général. Jusqu’à un certain point. Car il fait de la magie indienne une puissance détournée à son profit pour servir sa carrière, s’assurer ses victoires.
Mais Custer n’est que la face visible de cette histoire, l’aspect public. En creux, alternant les narrateurs, c’est une tragédie familiale qui nous est comptée. Favard n’hésite pas à réécrire certaines scènes clés, comme le massacre de la tribu de Black Kettle, de différents points de vue, notamment de deux petits-enfants du chaman, qui survivront, un temps séparés, et assureront l’héritage de leur clan. Et, on le découvrira en temps voulu, l’homme que doit trouver McKenzie, est lui aussi lié, intimement, au chaman. Pour le personnage-narrateur, c’est aussi son destin tragique, un amour perdu à cause de la magie noire, un asservissement total à son Diable de maître. McKenzie est un être souvent lâche et veule, car il sait qu’il n’est pas en mesure de s’opposer à son maître, mais patiemment il participera au travail de sape qui aboutira à Little Big Horn (je ne dévoile rien, c’est de l’Histoire !). La leçon à en tirer, pour tout puissant, est de ne jamais fouler au pied quelque créature que ce soit, de crainte qu’elle provoque un jour sa chute.

Il serait dommage de davantage dévoiler l’intrigue. Favard joue avec les époques, parfois la chronologie autant qu’il alterne les points de vue, des Blancs comme des Amérindiens, changeant de ton pour mieux nous pénétrer de la folie de Custer, de la peur qui agite McKenzie depuis qu’il a rencontré le général-démon, du chagrin de Rain Cloud après la mort de son grand-père... Il donne aussi la parole à la femme de Custer, qui l’accompagnait dans ses campagnes (une source de scandale, la dame étant peu timide). Tout comme il joue avec la forme du récit encadré, se permettant quelques allusions par avance, pour mieux faire monter le suspense.

Si on a découvert le talent de Jean-Pierre Favard sur des formes courtes, son roman « La Nuit de la Vouivre » couronné du prix Masterton avait confirmé qu la longueur ne lui faisait pas peur. Son « Démons du Shérif McKenzie » rassemble deux volumes en un seul pavé de 600 pages, agréablement rehaussé d’illustrations couleurs signée Krystal Camprubi et sous une couverture de Pascal Quidault un poil terrifiante. Si la redite exhaustive de certaines scènes d’un autre point de vue peut faire tiquer, tout comme les interventions de Mme Custer qui brisent un peu l’ambiance fantastique, l’ouvrage ne souffre pas de longueurs et tient en haleine jusqu’à la conclusion, délivrant régulièrement de grosses décharges d’adrénaline, dans ces scènes iconiques du genre, mais aussi de grands moments d’émotion lorsqu’il joue sur les ressorts tragiques.

Une double anthologie de western fantastique est à paraître bientôt chez l’éditeur belge Livr’s. Après un tel coup de maître, on ne sera pas surpris de trouver Jean-Pierre Favard aux commandes (et au sommaire) de l’un des deux volumes.


Titre : Les démons du shérif McKenzie
Auteur : Jean-Pierre Favard
Couverture : Pascal Quidault
Illustrations intérieures : Krystal Camprubi
Éditeur : Le Héron d’Argent
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 606
Format (en cm) : 23,5 x 15,5 x 6
Dépôt légal : octobre 2021
ISBN : 9791094173510
Prix : 24,90 €



Nicolas Soffray
27 mars 2023


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