Avec « Orichalque », vous voici à 5 jeux publiés. Mais quel a été votre parcours pour y parvenir ? Quelle a été la bascule qui vous a fait passer de joueur à créateur ?
Je suis ce que certains pourrait appeler un passionné. J’ai toujours modifié les règles des jeux que j’avais à la maison, en allant d’« HeroQuest » à « D&D », et en passant par « Magic : The Gathering ». J’ai toujours cherché à optimiser l’expérience de jeu.
C’est à 35 ans que j’ai pris conscience que j’avais cette envie de faire des jeux et de les partager au plus grand nombre.
Vous aviez déjà collaboré avec Bruno Cathala sur « Queenz ». « Orichalque » a-t-il été une « excuse » pour retravailler ensemble ou est-ce vos discussions qui vous ont amené à ce jeu ?
Avec Bruno, on s’entend bien, on se comprend et c’est naturel de développer un jeu lorsque l’on est ensemble. « Orichalque » ne sera pas le dernier jeu avec nos noms associés.
- Queenz - Mandoo Games
« Orichalque »est présenté comme offrant l’expérience d’un 4X en 45 minutes. Comment avez-vous pensé les mécaniques pour y parvenir, d’une certaine manière, tout en proposant une expérience ludique satisfaisante à un public plus large ?
« Orichalque » fait partie des jeux qui ont eu un temps de développement long. Les pierres se sont assemblées une à une. Depuis le début, nous avons visé un jeu à la fois simple et profond, pour le rendre le plus agréable possible à un maximum de joueurs.
La thématique des Atlantes était-elle présente au départ ? Ou bien les mécaniques étaient-elles à la base du jeu et d’autres thématiques auraient-elles pu convenir ?
La thématique Atlantidéenne est arrivée assez vite et s’est imposée comme très cohérente avec ce que l’on cherchait à transmettre. Parfois lorsque l’on signe un jeu, l’éditeur décide de modifier le thème. Et bien pour « Orichalque », nous étions tellement en accord sur l’histoire que le jeu racontait, que nous avons décidé de le figer au moment de la signature du contrat d’édition.
- Rainforest - Funny Fox
Dans un 4X, l’interaction directe est plus forte que dans « Orichalque » puisque celle-ci se trouve uniquement dans la prise des cartes/territoires sur la rivière centrale. Auriez-vous aimé qu’elle soit plus forte et pas seulement qu’on se limite à capturer des créatures fantastiques ? Si oui, de quelle manière aurait-elle pu être mise en place tout en restant accessible à tous publics ?
Personnellement, je trouve que l’interaction dans « Orichalque » est déjà très forte pour cette catégorie de jeux. En effet, il ne faut pas oublier qu’il se passe également tout un jeu dans la possession et l’acquisition des pouvoirs des Titans. Au cours du développement du jeu, nous avons même fait le choix de retirer une mécanique qui permettait de faire perdre de l’orichalque aux adversaires. Personnellement, je trouve que dans « Orichalque » le dosage d’interaction actuel est équilibré. Et pour les joueurs (très) avertis, il n’est pas impossible qu’un jour une extension viennent pimenter leurs parties sur ce point spécifiquement.
Nous trouvons qu’« Orichalque » peut être considéré comme un jeu passerelle, qui permet à de nouveaux curieux d’entrer dans le monde du jeu de société moderne. Aviez-vous pensé la conception du jeu ainsi ou vous n’avez pas cherché une cible particulière ?
On a tout d’abord fait un jeu qui nous plaisait à tous les deux. Et puis ensuite nous avons ajusté les contours pour que le jeu soit abordable. En fait, je pense que c’est surtout car il propose une règle courte et une expérience de jeu tonique qu’« Orichalque » est mis en avant aujourd’hui. Son système de condition de victoire très épurée termine de lui donner cette sensation de passerelle que vous soulevez.
- Orichalque - Catch Up Games
Vous avez établi un système de course aux points, comme on peut le trouver dans « Dune Imperium », effet qui donne du punch au jeu, chaque manœuvre pouvant coûter la victoire. Là encore, comment cette mécanique est-elle apparue ? Était-elle originelle ou l’avez-vous incluse pour donner ce pep’s au jeu ?
La première idée du jeu a été la mécanique de ces cartes proposant un terrain ET une action dans une rivière. La seconde a été d’avoir un jeu sans points de victoire, mais avec une condition de victoire nette. Cette mécanique fait donc partie de l’ADN d’« Orichalque ».
Du fait que Bruno Cathala soit votre partenaire de création, vous aurez probablement le droit à une comparaison avec « King Domino » à cause de la pose de tuiles/territoires, pourtant la sensation est véritablement différente. Et c’est une mécanique qui semble vous attirer (voir « Rainforest »). Mais comment s’est construite cette mécanique pour simuler l’eXploration et l’eXtension, 2 des mamelles du 4X ?
L’idée dans « Orichalque » c’est d’explorer, mais pas n’importe comment. Il faut le faire de manière avisée pour se laisser la place d’attirer les Titans tout en préparant la construction des temples et des bâtiments d’amélioration. Bref, c’est assez naturellement que l’on a imaginé cette mécanique de pose de tuiles en cherchant à générer un dilemme entre les différentes envies du joueur. Le sel du jeu réside dans la capacité à offrir un choix tendu aux joueurs.
- Le prince des ours - Auzou
Comment avez-vous équilibré les plateaux joueurs tous différents et avec 2 niveaux de difficulté ?
En premier lieu, c’est le nombre d’emplacements ainsi que le nombre de presqu’îles sur les plateaux personnels qui donnent cette sensation de difficulté. La forme des îles ainsi que le port de démarrage permettent d’offrir une expérience à la fois différente sans toutefois faire diverger le jeu.
Comment travaillez-vous avec Bruno Cathala ? Sous forme de brainstorming d’où émergent les idées ou bien un travail chacun de son côté puis une réunion des idées pour départager et choisir ?
Cela dépend des phases et des moments. Au début du développement on s’est passé le jeu et chacun de nous deux avançait dans les propositions. Et vers la moitié du développement, nous avons avancé ensemble pour finaliser le jeu.
- Rauha - GREEEgames
Avez-vous eu l’occasion de travailler avec l’illustrateur, ou d’influer sur la conception des graphismes pour la jouabilité ?
Personnellement, je n’ai jamais été en contact avec Paul Mafayon. Les remarques et suggestions sur les graphismes, c’est l’éditeur qui les a centralisées. Sur ce projet, je peux dire que l’éditeur a été à l’écoute de tous les retours, et je trouve que le rendu est l’image de ce travail d’équipe.
Comment s’est déroulé le travail avec Catch Up Games ? Y a-t-il eu beaucoup de modifications entre le prototype que vous avez proposé et le jeu final ?
Nous sommes arrivés avec un jeu très abouti. C’est un vrai plaisir de travailler avec Clément, d’ailleurs suite à « Orichalque », j’ai signé plusieurs jeux avec les Catch Up Games. C’est une maison d’édition avec qui j’apprécie travailler. Je trouve que leurs points forts sont leur grande réactivité et leur capacité à donner du caractère aux jeux qu’ils éditent.
- Heroquest - Hasbro
Quels sont les jeux qui vous inspirent ? Appréciez-vous plutôt des mécaniques, des auteurs, des univers ?
Ce qui m’attire dans un jeu c’est surtout la sensation de jeu avant tout. De manière générale, je suis ouvert à tous les jeux.
Quelles sont vos techniques de travail ? Avez-vous des routines ?
Je travaille beaucoup en co-autorat, donc pas de routines ou de techniques particulières, cela dépend des envies du moment et du fonctionnement de mes collaborateurs. S’adapter... toujours.
Comment concevez-vous vos prototypes ?
C’est une question que l’on me pose fréquemment. Et la réponse est simple :
Powerpoint -> Imprimante -> papier étiquette A4 -> papier coloré épais / cartonnette -> ciseaux !!!
Quels conseils pourriez-vous donner à un.e apprenti.e créateur.trice de jeux ?
Ne garder pas votre jeu secrètement. Montrer le à un maximum de personnes. C’est un très bon moyen pour avoir des retours constructifs. Et si vous souhaitez l’emmener vers le monde de l’édition, n’ayez pas peur de pousser les portes.
Quel est le futur de la création de Johannes Goupy
Ça, seul l’avenir nous le dira.
Très concrètement, il y a « Rauha » qui vient de sortir et qui pourrait bien ravir les joueurs qui ont été touchés par « Orichalque ». C’est un jeu coréalisé avec un auteur qui est bien connu dans le milieu : Théo Rivière, et il est édité chez les GRRREGames, éditeurs Grenoblois, comme moi.
- From The Moon - La Boite de Jeu
Et juste ensuite doit arriver le lancement de « From the MOON » en KickStarter, qui est mon tout premier KS. Je l’attends d’une manière très spécial celui-ci. Je le cosigne avec Gilles Lasfargues avec qui j’ai fait « Le Prince des Ours ». Et il est édité par Benoit Bannier à La Boite de Jeu.
Un nombre important de projets devraient également arriver en boutique en 2023, avec différents co-auteurs tel que Corentin Lebrat avec qui travailler est tellement plaisant !
Bref tout plein de jeux pour 2023, gardez l’œil ouvert !!
Merci beaucoup pour vos réponses Johannes.
À lire sur la Yozone :
la chronique d’« Orichalque »
Illustrations © D.R. les éditeurs