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Silence de la Cité (Le)
Élisabeth Vonarburg
Gallimard, Folio SF, n°720, roman (Canada, 1981, 1998), Science-Fiction, 400 pages, décembre 2022, 9,20€

Suite au Déclin, une partie des survivants s’est retranchée dans des cités automatisées à l’abri de l’extérieur, pendant que l’autre partie vit à la surface, exposée à diverses mutations. Bien plus de filles que de garçons naissent, ce qui laisse présager de la prochaine disparition de l’humanité. Des scientifiques dans une cité tentent d’enrayer cette mécanique inéluctable à force croisements à partir de matériels génétiques cherchés à la surface. Ils pensent toucher au but quand Élisa sort de leurs tubes. Capable de régénération et de changer son apparence, elle incarne l’espoir d’une humanité future.



« Le silence de la cité » a été récompensé par le Prix Boréal, le Grand Prix de la Science-Fiction française et le Prix Rosny Aîné en 1982. Ce roman se situe avant « Chroniques du pays des mères » dont il explore les prémisses.

Les Cités n’abritent plus que de rares habitants vieillissants, malgré les traitements rallongeant leur vie. Quand ils ne peuvent plus se déplacer, les ommachs, les hommes-machines, leur offrent une solution de mobilité. C’est ainsi que Paul sort à l’extérieur en la personne d’un ommach pour faire son marché chez les habitants, à la recherche de mutations qui iraient dans le sens de ses recherches. Les auto-régénérations chez les enfants attirent particulièrement soin attention. Quand Élisa, le nouveau fruit de ses expérimentations, arrive et qu’elle fait montre de guérisons toujours plus rapides aux diverses mutilations qu’il lui inflige, il comprend qu’il est sur la bonne voie.
Comment ne pas prendre Élisa d’affection, elle qui grandit au milieu de rares adultes, dont un ommach qu’elle désigne comme son grand-père et Paul, celui qui joue le rôle d’un père la torturant pour un intérêt qu’il estime supérieur ? Leur relation s’avère très ambiguë : père, amant, souffre-douleur... Quelle est la place d’Élisa dans la Cité ? Y a-t-elle un avenir ? La figure du père l’étouffe, la bride et elle trouve de l’aide chez les rares habitants de la Cité encore en vie.
« Le silence de la cité », c’est son histoire. Elle sait les espoirs qui ont été placés en elle, comprend qu’elle a des devoirs et cherche à sa façon à offrir la possibilité à l’humanité de survivre. Pour cela, elle est obligée de faire des choix, ils peuvent être heureux comme malheureux, mais elle ne baisse pas les bras, essayant de se détacher de l’influence des cités pour apprendre à ses descendants à s’en passer. Les cités représentent le passé qui les a conduits dans une impasse. Le déroulement s’avère vraiment intéressant à travers plusieurs parties, la mettant en contact ou non des autres, ceux de l’extérieur. Les deux mondes peuvent-ils s’entendre, œuvrer dans un but commun ?

Quarante ans après sa parution (le roman a dû être repris en 1998 par l’auteure), « Le silence de la cité » est toujours d’une belle actualité. En premier lieu sur la condition des femmes dans la société. Avec la grande différence de natalité (1 garçon pour 4 filles), le fossé s’est encore agrandi. Elles sont devenues de véritables esclaves à la solde des hommes minoritaires, mais au rôle d’autant plus important pour la perpétuation de la race. Fort de ce constat, les femmes ont un statut sacrifiables, car si nombreuses. Une situation révoltante dont certaines essaient de sortir en gagnant la liberté par le combat, peut-être leur seule possibilité d’exister dans une société si inégalitaire. Élisa incarne une figure quasi divine dans cette confrontation entre sexes. Un acte fort et une transformation contre nature l’ont élevée à ce rang et quand elle réapparaît des années plus tard, elle apporte un vent de changement.
On peut aussi y voir un message de tolérance à travers les mutations de la lignée Élisa, offrant des capacités bien supérieures à la seule régénération des tissus. La distinction entre sexes n’a plus lieu d’être, d’où la nécessité d’avoir une plus grande ouverture d’esprit.
Autre thématique : la science et les moyens de parvenir à des résultats. Ici, le procédé s’avère particulièrement révoltant, la fin justifie les moyens et ce n’est pas parce que quelqu’un peut se régénérer, que le mutiler volontairement est excusable. Et malgré toute sa bonne volonté, Élisa n’est pas sans répéter les erreurs de Paul, son géniteur.
Et comment ne pas remarquer aussi comment les survivants ont été scindés en deux camps : d’un côté, une minorité dans les cités offrant tout le confort et s’éteignant petit à petit, et de l’autre, la majorité obligée de s’adapter aux conditions et de se priver de la technologique toute puissante ?

Élisabeth Vonarburg explore ici les origines de « Chroniques du pays des mères ». En 400 pages, elle offre un récit prenant et toujours d’une belle actualité, notamment sur la condition des femmes, la tolérance et les inégalités dans la société. À travers un tableau inquiétant et ses diverses thématiques, « Le silence de la Cité » fait réfléchir le lecteur en le plaçant dans les traces d’Élisa élevée comme si elle représentait le dernier espoir de l’humanité.
Un grand roman de Science-Fiction écrit par une grande dame de l’imaginaire francophone. À lire !


Titre : Le silence de la cité
Auteur : Élisabeth Vonarburg
Couverture : Aurélien Police
Éditeur : Gallimard (Alire, 1998 ; éditions Mnémos, 2021)
Collection : Folio SF
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 400
Format (en cm) : 10,8 x 17,8
Dépôt légal : décembre 2022
ISBN : 9782072985829
Prix : 9,20 €


Pour contacter l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
21 janvier 2023


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