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Aurignac
créé par Loïc Lamy, illustré par Loïc Vaiarello
Oka Luda, 14 octobre 2022

L’hiver glacial s’est abattu dans cette vallée fouettée par les vents. Néandertal scrute les éclairs de foudre lancés par Mère Nature qui frappent la terre en colonnes de feu. Il espère que les mammouths sont proches car la survie de sa tribu dépend de la chasse. Il a aperçu au loin des hommes qui lui ressemblent, ils portent d’étranges outils.
De l’autre côté de la vallée, Sapiens a aussi vu cette tribu si semblable aux siens. Il caresse son loup apprivoisé. Au lever du jour, la tribu se tiendra prête pour la chasse. Mais devra-t-il mener un autre type de combat pour que sa famille puisse vivre ici ?
La rencontre entre ces deux mondes préhistoriques est imminente. À quel prix ?



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C’est quoi ce jeu ?

Après des incursions dans le western (« Deadwood », le cuba des années 50 (« Mafia de Cuba » ou la ligue Hanséatique du 12ème siècle (« Marchands du Nord », Loïc Lamy ne nous propose rien de moins qu’un voyage sur les pas d’un homme de Néandertal, d’un homo Sapiens, et de Mère Nature.
Le premier doit développer ses tribus, le deuxième réaliser des œuvres pariétales, et la troisième mener la vie dure à tout être vivant qui peuple ces âpres contrées.

La proposition de ce jeu est une immersion totale aux confins les plus reculés de l’histoire des hommes, et ce, en mode asymétrique.

Dans la boîte

Dans une boîte carrée, à la couverture entre ombre et lumière, se découpe le nom d’Aurignac en lettres de feu.
L’offre de matériel est très satisfaisante, ni trop, ni trop peu. Vous trouverez un plateau de la vallée graphiquement soigné où les joueurs vont s’affronter. Les représentants de chaque tribu vont y évoluer au milieu de glacis et de prairies afin d’en constituer leur territoire de chasse. La règle de jeu est dense et soignée, peu aérée parfois afin d’éviter des dépenses de papiers inutiles.

En plus du plateau central, chaque joueur dispose de son plateau personnel, celui de Néandertal étant différent de celui de Sapiens. S’y ajoutent des meeples pour le premier et des cartes pour le second. Mère Nature détient seulement des cartes à semer tout au long de la partie pour accentuer le chaos.
Des ressources en bois et en forme de jetons sont à glaner sur le plateau commun pour symboliser les offrandes de Mère Nature, comme le bois, le silex, la nourriture, les peaux, les os d’animaux, les bois de renne. Ces ressources se récupèrent en cueillette, en troc, en forêt… Quant aux tuiles animaux, elles seront capturées par les chasseurs émérites.

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On note un léger bémol sur les cartes, un peu fines qui risquent de s’abîmer avec le temps, ce qui serait dommage car l’ensemble du matériel est de belle facture, le tout fabriqué dans un souci écologique évident.

L’on appréciera également l’épaisseur des plateaux servis par des illustrations immersives de ce que l’on projette de la préhistoire. N’hésitez pas à relire les aventures d’Ayla dans la série « Les enfants de la terre » de Jean M.Auel pour apporter un éclairage littéraire à cette période en dehors de vos partie d’« Aurignac ».

Ce jeu réussit à apporter une vraie valeur ajoutée par son iconographie lisible, claire et soignée sur tous les supports. Cette lisibilité rend le jeu particulièrement accessible et facilite une prise en main rapide dans un univers graphique aux teintes étudiées dont on soulignera encore une fois l’aspect immersif. Ce jeu a été fait dans un souci historique en collaboration avec le musée de l’Aurignacien dans la Haute Garonne afin d’être au plus près des découvertes préhistoriques de la région.

L’éditeur Oka Luda qui aime les jeux avec un bon karma adhère à la charte des Eco Friendly Game en réalisant un jeu qui respecte des normes précises pour la fabrication du matériel et qui ne contient aucun plastique. Donc pas de sachets. Amis origamistes, c’est le moment de dévoiler vos talents.

Comment on joue ?

Nous sentions depuis quelques temps que l’asymétrie devenait un gameplay de plus en plus présent, avec plus ou moins de bonheur. Parfois, elle est si présente qu’elle en devient trop complexe, et tombe dans l’écueil du gimmick un peu artificiel.

Dans « Aurignac », l’asymétrie est au service du thème.

Les joueurs peuvent incarner Néandertal, Sapiens ou Mère Nature.
Ils ont 10 saisons pour remplir chacun leur mission : fonder 7 tribus pour Néandertal, réaliser 3 œuvres sur les 5 possibles pour Sapiens. Dans ce laps de temps, Mère Nature s’évertuera à déchaîner les éléments pour raccourcir leurs vies déjà si brèves.

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Comment ?
Mère Nature va égrener les saisons en choisissant une carte parmi 2 et n’aura de cesse de faire tomber des calamités sur la tête des autres joueurs. Sachez bien qu’elle sera prolixe en la matière : sacrifier des ressources, accabler les humains de blessures, les empêcher d’effectuer des actions vitales, sécheresse, inondations… toutefois, si rarement que c’est à souligner, les gratifier au tournant d’une saison d’une offrande.

Démarrent les tours des joueurs, chacun réalisant 1 seule action à la fois jusqu’à ne plus pouvoir en faire, et passer son tour de jeu.

Néandertal utilise la pose d’ouvrier. Il place ses meeples sur les dessins de 6 actions différentes qui lui permettent de marcher d’un territoire à l’autre, de collecter des ressources, de les utiliser pour fabriquer des outils, de chasser, d’attaquer les autres tribus. Parfois d’en fonder une nouvelle au détour d’une rencontre amoureuse, afin de récupérer des bonus et de se rapprocher de son objectif de victoire.

Sapiens joue avec un deck de cartes. Les 5 qu’il pioche à chaque saison lui permettent d’effectuer lui aussi des actions similaires, exceptée la création d’une tribu. Après avoir joué sa carte, il peut soit acheter de nouvelles cartes dans une rivière étalée devant lui, et ainsi effectuer son évolution, soit dépenser de la nourriture pour avancer dans la réalisation de ses œuvres.

Et pendant que les 2 tentent de survivre, Mère Nature joue des cartes Action sans aucune clémence (même s’il existe 4 cartes Don dans son deck) à chaque tour.

Si Néandertal ou Sapiens atteint son but avant que 10 saisons se soient écoulées, la partie s’arrête immédiatement et il est déclaré vainqueur. Sinon, Mère Nature sort victorieuse du jeu.

On en pense quoi ?

Dès la pose du matériel sur la table, on s’y croit, comme diraient les enfants (que nous sommes probablement restés).
Certes les illustrations du plateau central disparaissent sous les tuiles, ressources et meeples qui cachent un peu les graphismes des territoires, ce qui ne se révèle d’aucune incidence sur la mécanique de jeu, et n’est donc pas pénalisant.

L’asymétrie proposée pour chaque joueur installe la thématique avec justesse et subtilité.

La pose d’ouvrier de Néandertal est simple, intuitive, reflétant le comportement de notre lointain ancêtre. On collecte des ressources, on les travaille pour les améliorer, puis on chasse, le but final étant la fondation d’une tribu, la perpétuation de l’espèce.
Néandertal est si robuste, qu’il ne subit des dégâts qu’après 3 blessures. Il peut aussi se protéger grâce aux vêtements. Loin de la fashion week mais diablement efficaces pour ces vallées désolées.

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Sapiens, lui, est moins vigoureux face aux éléments, et 2 blessures commenceront sérieusement à le mettre à mal. Un atout pourtant dans son jeu : les cartes d’un deck qu’il pourra combiner entre elles. Chacune a des pouvoirs importants, mais elles peuvent se conjuguer en duo pour permettre une Adaptation, augmentant sa capacité de déplacement, de chasse ou d’attaque des autres tribus.

Comme pour tout deckbuilding qui se respecte, il faudra l’améliorer en achetant des cartes, tout en évitant de surcharger son deck. On aurait envie de tout acquérir, chaque carte proposant des actions intéressantes, mais il faudra mettre en place une stratégie d’amélioration pour pouvoir en profiter, et pas noyer toutes ces cartes en ayant l’impression que les bonnes cartes sont enfouies au fond du deck et qu’en surface nous sommes condamnés à un sort funeste.

Les 2 systèmes de jeu précipitent les joueurs dans un tourbillon thématique. Au fil des manches, on construit sa tribu et on assiste à son évolution ou à sa…chute.

Sans oublier la si souvent cruelle Mère Nature.
Vous aimiez jouer le méchant dans la cour de récréation ? Alors emparez-vous des cartes de Mère Nature. Votre rôle sera d’accentuer la rudesse des contrées pour mener la vie dure aux joueurs au fil de la partie. Vous disposez d’un immense pouvoir, celui de vie ou de mort sur les autres. Votre puissance est aussi immense qu’effrayante !

En début de saison, vous décidez des éléments, et pendant le tour des joueurs, vous pouvez abattre vos cartes, faisant pleuvoir les fléaux sur les joueurs qui tentent de survivre malgré les éléments.
Comme dit plus haut, il existe des cartes plus favorables, certaines portant même le doux nom de Don. Mais franchement, lorsque vous êtes à la place de Mère Nature, nous vous assurons que la sombre partie de vous-même aura pris le contrôle de ce qui reste d’humanité à votre cerveau.

Tous ces éléments asymétriques, qui pour le coup n’alourdissent pas le jeu, mais le servent à merveille, donnent des parties très différentes selon les configurations autour de la table.

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À 2, Mère Nature est jouée par tous les joueurs, chacun ayant des cartes Action en main et pouvant les utiliser durant le tour de son adversaire. On se trouve alors quasiment dans un jeu d’affrontement direct où l’on doit à la fois assurer sa propre survie et orchestrer toutes les manières possibles de laminer son comparse. Mais on le fait via Mère Nature, car les 9 territoires laissent assez d’espace et suffisamment d’animaux pour éviter d’avoir à se battre directement.

À 3, le joueur incarnant Mère Nature deviendra votre meilleur ennemi, surtout qu’il est impossible de se retourner contre lui. Il est tout puissant. Cela révélera sans doute votre côté obscur. Mais encore une fois, chaque joueur aura la place de se développer sans forcément avoir besoin de croiser le silex.

À 5, la donne change. Les 4 joueurs ont les 9 territoires à se partager, et l’accès aux troupeaux devient plus ardu. Les attaques entre tribus semblent inévitables pour gagner du terrain. Et pour Mère Nature, la tâche se complique puisqu’elle ne peut s’attaquer qu’à une seule tribu par tour. C’est sans doute la configuration qui laisse le plus de chance à Néandertal et Sapiens de gagner.

Quel régal que ce jeu !
Quel que soit le nombre de joueurs autour du plateau, « Aurignac » procure un plaisir ludique grandissant à chaque partie. On a envie d’incarner tous les rôles, mais aussi de les approfondir, de tenter diverses stratégies, de trouver les astuces qui nous feront gagner la course à la survie.
Ce jeu est accessible et profond et le plaisir de chaque partie toujours renouvelé. Un soin historique autant qu’écologique a été apporté à sa réalisation. Si vous souhaitez retrouver les sensations de « la guerre du feu », n’hésitez plus, ce jeu est fait pour vous.

Nous espérons surtout qu’il sera apprécié à sa juste valeur et qu’il aura le succès qu’il mérite car c’est un très gros coup de cœur pour nous, qui remplit les fonctions de ce que nous attendons d’un jeu, stratégie, prise en main et découverte d’un univers. Le faire partager est très plaisant car il s’explique aisément et son côté pédago sans en faire trop peut permettre en famille, ou entre amis, de s’intéresser à ces ancêtres communs dont nous avons encore tant à découvrir.


À lire sur la Yozone :
- L’entretien avec Loïc Lamy, auteur d’« Aurignac »
- L’entretien avec Loïc Vaiarello, illustrateur d’« Aurignac »

Pour aller plus loin…
- « Aux origines de l’humanité », Pascal Picq & Yves Coppens, Fayard, 2001
- « L’homme préhistorique est aussi une femme », Marylène Patou-Mathis, Allary Editions, 2020
- série « Sous le vent du monde », Pierre Pelot, Gallimard.
- « Il était une fois ... l’Homme (T1) La Préhistoire », Jean-Charles Gaudin, Jean Barbaud et Studio Minte, Editions Soleil, 2016


Aurignac
Thème : la rencontre choc entre néandertal, sapiens et mère nature
Mécanique(s) : pose d’ouvrier, deckbuilding, gestion de ressources, course aux objectifs
Âge : 12 ans et +
Nombre de joueurs : 1 à 5
Durée d’une partie : 30 minutes par joueur environ
Auteur(s) : Loïc Lamy
Illustrateur(s) : Loïc Vaiarello
Éditeur : Oka Luda
Date de sortie : 14 octobre 2022


Illustrations © Loïc Vaiarello & Oka Luda


Christelle Espinosa
Michael Espinosa
7 novembre 2022



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