Xavier Mauméjean est connu – et reconnu – comme écrivain de fantastique, de SF et de thriller. Cependant, il est difficile de ranger « El Gordo » dans une de ces catégories. Il est même difficile de le ranger dans une catégorie précise. L’action se situe durant la guerre civile espagnole et narre les tribulations de deux gamins aussi dissemblables que possible, liés par une amitié qui se renforce au fil de leurs péripéties. William, le héros principal, un gamin de douze ans, obstiné et astucieux, a décidé de valider auprès de la loterie espagnole un billet gagnant (El Gordo) détenu par la veuve d’un représentant de commerce mort en Espagne juste après son achat. La mère de William remplit la fonction de bonne auprès de Mme Stratford, la veuve en question, qui vit avec sa fille Sweet dont William est amoureux. Enfin ce billet va perdre sa valeur s’il n’est pas présenté avant une certaine date dans son point d’émission sur la Grand Via à Madrid. Pour réaliser son objectif, William doit juste passer d’Angleterre en Espagne via Gibraltar et traverser un pays ravagé et désorganisé par la guerre civile. Pas de papiers, peu d’argent, des liaisons maritimes incertaines, des adultes sans scrupules prêts à tout pour s’emparer de « El Gordo » seront quelques-uns des obstacles qu’il devra surmonter avant d’aborder la péninsule ibérique puis, une fois sur place, faire route vers sa capitale en traversant les lignes franquistes et républicaines.

Disons-le sans détour : ce roman m’interpelle. Je confesse un intérêt marqué pour l’histoire de la guerre civile espagnole (1936-1939). J’ai lu et relu l’ouvrage de Hugh Thomas consacré à ce conflit et j’ai habité, dans mon enfance, à proximité de la frontière espagnole, à peine trente ans après le début de ce drame. Son souvenir était encore très vivace dans la région et je me souviens d’évocations d’horreurs qui y avaient été perpétrées, entre autre une histoire de personnes enterrées vivantes. Cela m’avait fasciné et effrayé à la fois.
Cette guerre s’est en effet caractérisée par une férocité affichée par les deux camps, parfaitement rappelée dans ce roman. On y tua et on y tortura comme on respire, dans une sorte de délectation empreinte d’indifférence et de fatalisme.
Xavier Mauméjean joue avec son lecteur et raconte son histoire comme si son rédacteur se glissait dans la peau d’un observateur détaché, voire même cynique, point de vue parfois déroutant. Il ressuscite au fil des pages une galerie de personnages historiques, depuis Quapo de Llanos en passant par Garcia Lorca ou Evola. L’évocation de ces deux figures lui permet de mettre en scène deux visions du monde, l’une féminine incarnée par Lorca sous les couleurs de la démocratie, l’autre masculine et fasciste, promue par Evola. Ces deux personnages que l’auteur oppose dans une sorte de duel surréaliste occupent une place importante dans le récit.
Au fil des pages le lecteur tombe, mine de rien, sur quelques belles sentences à propos de l’homme, de sa noirceur d’âme et aussi, paradoxalement, de l’élévation d’esprit dont il peut être capable, ici dans un contexte où le chaos l’emporte sur la raison.
Un livre fort et fascinant.

Titre : El Gordo
Auteur : Xavier Mauméjean
Éditeur : Alma éditeur
Site internet : Roman (site éditeur)
Pages : 268
Format (en cm) : 13,5 x 18,5
Dépôt légal : septembre 2022
ISBN : 9782362796067
Prix : 19 €