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Temps d’un souffle, je m’attarde (Le)
Roger Zelazny
Le passager clandestin, dyschroniques, novella (USA), anticipation, 108 pages, avril 2022, 8€

La Terre a été dévastée. En orbite, une IA dans un satellite coordonne les machines qui, en surface, travaillent à rendre la planète à nouveau vivable. Dans les profondeurs, une autre IA, rivale, voudrait prendre l’ascendant, et décide de soumettre Gel, la machine coordinatrice de l’hémisphère nord, à un drôle de jeu. Gel, par un accident de programmation, est curieux, et s’intéresse aux humains. Il va donc l’abreuver de reliques des hommes jusqu’à lui faire avouer son impossibilité, malgré cela, de penser comme tel.



Dans cette novella de 1966, Roger Zelazny interrogeait sous forme de fable ce qui différencie une intelligence artificielle du l’homme. Une question aussi abordée par Philip K. Dick dans « Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? » sorti deux ans plus tard. Les machines de Turing et von Neumann, développées depuis une vingtaine d’années, sont encore loin de penser, mais les auteurs s’interrogent déjà.

Gel est donc l’objet d’un pari entre Solcomm, son créateur en orbite, et le Suppléant, la machine de secours placée par les Hommes sous la terre. Derrière cette métaphore transparente d’un dieu et d’un diable, qui plus est tentateur, Gel apparaît en Adam, création parfaite mais avec un petit accident de conception - cette fameuse curiosité - et on lui envoie Mordel, une machine/serpent, pour l’appâter avec la connaissance.
Pour les deux antagonistes, machines soumises à certains protocoles, l’enjeu est de déterminer qui a la préséance, et qui doit se désactiver. Et de cela, seul un humain peut juger.
Pour Gel, alimenté avec parcimonie d’artefacts humains, de concepts qui lui échappent pour aiguiser son appétit, c’est un long (mais le temps est sans importance) processus d’absorption d’information, et création de nouveaux outils et d’analyse de ses perceptions.
Il découvre, au fil de ses lectures et ses échanges avec Mordel, que lui n’est que machine, d’une précision absolue, quand les humains sont avant tout émotions et ressentis. Lui peut mesurer à la perfection distance, température, mais ne saura pas dire « c’est loin » ou « c’est froid ».
Gel se perfectionne, s’adapte, se dote d’organes pour percevoir et non mesurer. Et il en vient à se poser des questions, à philosopher. La conclusion de tout cela sera assez logique.

C’est vraiment un très beau texte que Le Passager Clandestin republie là, une fable accessible qui n’a pas vieilli et dégage toujours une grande force littéraire. La question de l’humanité possible d’une machine, d’un programme n’est pas épuisée en 2022, plus d’un demi-siècle après son écriture, malgré les progrès de l’informatique et les ersatz androïdes, de plus en plus poussés, qui font régulièrement la une des sites techs. Mais plutôt qu’y voir un danger, Zelazny y injecte de la poésie, et fait de l’homme, pour cette machine quasi parfaite, une création certes imparfaite mais du coup bien plus élaborée. C’est cette imperfection qui transpire de la quête de Gel, notre capacité à créer, à produire du Beau, de l’art, d’une manière qui va au-delà d’un programme ou de l’aléatoire.
Comme cette histoire d’IA.


Titre : Le temps d’un souffle, je m’attarde (for a breath I tarry, 1966)
Auteur : Roger Zelazny
Traduction de l’anglais (USA) : Jean Bailhhache, revue par Dominique Bellec
Couverture : Yanni Panajotopoulos
Éditeur : Le Passager Clandestin
Collection : Dyschroniques
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 108
Format (en cm) :
Dépôt légal : avril 2022
ISBN : 9782369355410
Prix : 8 €



Nicolas Soffray
7 septembre 2022


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