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Gallant
Victoria Schwab
Lumen, roman (USA), fantastique, 375 pages, mars 2022, 16€

Olivia Prior a grandi dans un orphelinat. Muette, solitaire, elle n’a jamais laissé passer les brimades de ses camarades ou des sœurs qui s’occupent d’elles, à Merrilance. Toutes ces années, elle s’est accrochée à un objet, le journal intime de sa mère Grace, dont les passages parfois cryptiques ou les aquarelles terrifiantes laissent planer le doute sur sa santé mentale. Mais Olivia est persuadée que sa mère ne l’a pas abandonnée par désamour.
Une phrase sonne comme une mise en garde : « tu seras en sécurité tant que tu ne t’approcheras pas de Gallant. » Olivia ne sait ni qui ou ce qu’est Gallant, jusqu’à ce qu’arrive une lettre de son oncle, qui propose de l’accueillir dans la demeure familiale. Gallant. Les sœurs s’empressent de la mettre dehors. Mais la jeune fille, malgré la mise en garde maternelle, a hâte de retrouver ceux qu’elle peut appeler sa famille. Qui qu’ils fussent. Quel que soit le danger.



Fer de lance de la maison Lumen, les romans de Victoria Schwab, qu’ils relèvent du thriller, de la fantasy ou du fantastique, sont dès la couverture une promesse d’excellente lecture.

« Gallant » reprend le motif de la maison hantée et, comme on le devine dès la magnifique couverture, la porte entre deux mondes. Pas d’époque clairement définie, on flotte dans un début XXe flou : il y a des automobiles, de l’eau courante, mais à Merrilance le confort est spartiate. Peu ou pas d’électricité, pour nous plonger davantage dans le frisson qu’inspirent les ombres dès le crépuscule. Si comme moi vous venez de lire « Mexican Gothic » de Silvia Moreno-Garcia, prix Locus 2021, c’est la même ambiance, avec encore moins de personnages.

A son arrivée, Olivia découvre deux vieux domestiques, Hannah et Edgar, et son cousin Matthew, dernier de la lignée. Edgar signant, elle peut poser quelques questions, mais le valet n’a pas toutes les réponses, ou en tait certaines. Hannah, en souvenir de sa mère, prend soin d’elle. Ce n’est pas le cas de Matthew, qui lui signifie clairement qu’elle n’est pas la bienvenue et qu’elle doit partir. Après ce premier choc, Olivia, dont le caractère a été bien trempé par ses années à Merrilance, est déterminée à tenir tête à son cousin. Elle découvre vite ce qu’il subit, des cauchemars très violents, et que cette mise à la porte était pour son bien.
Les deux cousions apprennent à se connaître. La communication n’est pas facile, Matthew ne signe pas et, probablement dyslexique, n’a jamais réussi à apprendre à lire. C’est autour du piano, et à travers la musique et les deux jeunes gens se découvrent.
Olivia n’est pas muette par accident, et ce n’est pas là un simple artifice narratif ou une mode de mise en avant de personnages porteurs de handicap. Son mutisme fait écho aux secrets autour de sa naissance et du mystère de Gallant, et vient redoubler la notion d’indicible de cette histoire.

Et puis, il y a ce qu’il y a de l’autre côté de cette vieille porte au fond du jardin. Ce qu’il y a dans le journal de sa mère. Qui est son père, quel est son rôle ? Quel est son rôle à elle, née du mélange entre les deux mondes ? Est-ce un avantage, ou au contraire une faiblesse ? Olivia est attirée par l’autre côté, et l’autrice nous fait parfaitement comprendre l’envie de bien faire de son héroïne, son souhait d’acheter sa place dans cette famille, de racheter une faute passée dont elle serait le produit, de prendre le relais de son cousin moribond, de prouver qu’elle peut elle aussi se battre pour la famille Prior... Et ce sera bien le cas. Par sa force de caractère, elle affrontera un mal que les hommes de la famille n’ont fait que tenir à distance. Cela veut dire aller chercher au fond d’elle, dans les promesses faites à sa mère, la volonté et le courage d’affronter des choses inconnues et inimaginables.

« Gallant » est un roman d’atmosphère, renforcé par la solitude de son héroïne et ses contraintes de communication avec les autres. Olivia doit aller chercher les réponses, lever le voile sur toutes les hypothèses qu’elle a brodées autour du journal de sa mère. Accepter que l’histoire ne soit pas aussi belle qu’imaginée, seulement tragique, et bien plus terrifiante. Victoria Schwab signe là encore un très beau roman, haletant et très émouvant, qui confirme son talent.


Titre : Gallant
Autrice : Victoria Schwab
Traduction de l’anglais (USA) : Sarah Dali
Couverture : David Curtis
Illustrations intérieures : Manuel Sumberac
Éditeur : Lumen
Site Internet : page roman (site Ricochet)
Pages : 375
Format (en cm) : 22,5 x 14 x 3,5
Dépôt légal : mars 2022
ISBN : 9782371022805
Prix : 16 €



Nicolas Soffray
4 juillet 2022


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