La découverte du vieux Rossum
C’est tout d’abord une rencontre qu’elle nous présente, celle de Helena Glory, fille du président de la Rossum Universal Robots, et de Harry Domin, qui en est le directeur. Il est empli des certitudes de son modèle industriel quand elle est submergée par sa certitude de l’inhumanité de ce système.
De cette scène fondatrice d’un couple, Katerina Cupová ouvre à la découverte folle du vieux savant Rossum, cette étrange pâte chimique qui, alliée à des nerfs, des organes, des os permettra de créer le plus parfait des fruits de l’industrie humaine ! Harry est intarissable sur le sujet des robots et les perspectives incroyables que leur production ouvre à un monde en total bouleversement quand Helena souffre de voir ces entités qui ressemblent tant aux humains, au point qu’en s’en trouve parfois à les confondre.
Leurs obsessions, totalement antagonistes, ne les empêcheront pas de tomber amoureux l’un de l’autre, et c’est autour de leurs réactions forcément très opposées que se déroule l’inexorable évolution des robots, bien aidés par quelques modifications soufflées à l’oreille d’un savant par Helena. Un peu plus d’intelligence, un peu plus d’âme, mais en modifiant leur corrélat physiologique, le savant a ouvert aux robots une conscience et surtout la perspective que l’homme leur était totalement inutile. À quoi bon conserver ce qui est inutile ? Ils décident d’anéantir l’humanité !
Piégés sur leur île, dans leur propre usine, les artisans de cette révolution des robots vivent peut-être leurs dernières heures.
Un écho du passé qui résonne encore aujourd’hui !
Par son dessin aux rondeurs agréables et aux aspérités doucement piquantes, Katerina Cupová décrit une pensée encore très naïve, presque utopiste, mais qui commence à se teinter des affres du productivisme et du capitalisme effréné. Elle rend hommage à l’œuvre de Karel Čapek en s’emparant de sa scène de théâtre qu’elle met en abyme dans son propre décor, dans sa mise en scène de la tragédie qui se joue sur une île devenue représentation d’un monde qui vit son agonie.
Si le temps a passé, la satire reste féroce et curieusement encore fort adaptée aux affres de notre temps. Comme pour les personnages de “R.U.R.”, il semble aussi compté et seul ne “survivront” alors que des robots et des intelligences artificielles, créations d’humains en mal de possession et de pouvoir.
La fin de la pièce se teintait d’un infime espoir que quelque chose survive à l’humanité... il est évident qu’il se niche dans le talent éclatant qui perce en cet album passionnant, au graphisme élégant et aux couleurs fort réussies, par la grâce d’une main toute féminine ? Katerina Cupová, retenez bien ce nom...
R.U.R. Le soulèvement des robots
Adaptation : Katerina Cupová, d’après l’œuvre de Karel Čapek
Dessin : Katerina Cupová
Couleurs : Katerina Cupová
Éditeur : Glénat
Pagination : 240 pages couleurs
Format : 20 x 26,5 cm
Date de parution : 4 mai 2022
Numéro ISBN : 9782344049921
Prix public : 25 €
Illustrations © Katerina Cupová et Éditions Glénat (2022)