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Pasteur à la plage
Maxime Schwartz et Annick Perrot
Dunod, essai / sciences, 187 pages, mai 2022, 15,90 €


Pour ce volume de la collection de monographies « … à la plage » consacrées à des grands noms et à de grands thèmes du monde scientifique, les auteurs sont allés dénicher une véritable photographie d’époque de Pasteur… à la plage ! Une belle trouvaille concernant un individu qui aura sans doute passé plus de temps du côté des cuves à fermentation et des laboratoires de recherche qu’au bord de la mer, un individu qui se destinait plutôt à une carrière artistique mais que la contrainte paternelle aura poussé dans une toute autre voie, et, in fine, à devenir une figure majeure de la science. Car Pasteur, ce n’est pas seulement un individu, ce n’est pas seulement une série de découvertes majeures, mais c’est aussi l’ouverture spectaculaire d’un continent inexploré, celui de la microbiologie, qui à son tour ouvrira les portes d’autres domaines de la biologie.

« Du fond des cuves, du laboratoire, Pasteur a fait jaillir un monde insoupçonné, peuplé d’êtres complexes et innombrables, qui a radicalement transformé la vision que nous avions de notre environnement et de nous-mêmes. »

Les travaux sur la fermentation, la découverte en 1847 par Pasteur du phénomène de chiralité signent l’acte de naissance de la microbiologie, ou science du microbe, nom qui sera créé quelques décennies plus tard, en 1878, par le chirurgien militaire Charles-Emmanuel Sédillot. Acte de naissance d’une meilleure compréhension du vivant et des molécules qui le composent, car les travaux d’Antonie van Leeuwenhoek, qui avait découvert grâce à son microscope, au siècle précédent, ce qu’il avait nommé les animalcules, étaient jusqu’alors, faute de moyens scientifiques, restés au point mort. En s’intéressant à ces organismes minuscules, alors nommés corpuscules, animalcules, levures, bactéries, infusoires, champignons, Pasteur va faire des avancées de géant. Il va, par des expériences très simples, mettre fin à la théorie de la génération spontanée que nul n’était parvenu à infirmer. Il va démontrer que ces microorganismes sont ubiquitaires. Il va sauver l’industrie du ver à soie. Il va enrichir les travaux de Koch au sujet du cycle tellurique du bacille de charbon. Il va, enfin, mettre au point de nombreux vaccins. Mais il va, surtout ouvrir grandes les portes de la microbiologie, un continent nouveau dont les experts supposent à présent qu’elle comprend près de mille milliards d’espèces.

« Pasteur à la plage  » est donc un ouvrage qui parle de Pasteur, mais pas que. Parce que les travaux de Pasteur, en sus de leur utilité immédiate, ont ouvert les portes de nouvelles sciences : la microbiologie, mais aussi l’immunologie et la génétique s’appuient sur le socle fondateur de ses avancées. C’est donc jusqu’à nos jours que Maxime Schwartz et Annick Perrot invitent les lecteurs à les suivre, de découverte scientifique en découverte scientifique. On découvre donc les progrès de sciences qui ont avancé à pas de géant, des progrès qui se sont encore accélérés au cours des dernières décennies. La classification du vivant, les bases du fonctionnement de la machinerie cellulaire, les différents modes d’action des vaccins, la découverte des antibiotiques et des mécanismes d’échappement des bactéries à leur propriétés, les modes de transfert d’un gène d’un organisme à un autre, tout est expliqué de manière très simple et très compréhensible. Abordant au passage bien des notions de biologie, les auteurs remettent aussi un peu de bon sens dans les esprits en rappelant la théorie du microbiote et le caractère dérisoire de ses applications pratiques, à une époque où l’on entend au sujet des greffes fécales bien des délires parascientifiques, le plus souvent de la part d’individus croyant qu’il s’agit là de connaissances nouvelles (rappelons, pour notre part, qu’un célèbre individu ayant bénéficié de transplantation fécale fut… Adolf Hitler !)

Ce voyage à travers le vivant a pour mérite de faire découvrir au lecteur bien des formes de vie hybrides. Si ceux qui savent que les lichens résultent de l’association d’une algue et d’un champignon sont nombreux, il se trouve peut-être moins de lecteurs pour avoir entendu parler de l’Élysée émeraude, une limace de mer qui, en empruntant aux végétaux la technique de la photosynthèse, est capable de surmonter des jeûnes peu ordinaires. Mais le lecteur est également une créature extraordinaire : sans doute sera-t-il flatté d’apprendre qu’il n’est pas un simple être humain, mais bien plus que cela : avec ses divers microbiotes (son microbiote intestinal, comportant entre cinquante et cent milliards de bactéries et incluant environ six cent mille gènes, c’est-à-dire trente fois plus que le nombre de gènes humains) et son microbiote cutané (environ dix milliards de bactéries), il se trouve promu au rang de supraorganisme nommé holobionte !

Un lecteur-holobionte qui, lorsqu’il aura refermé ce volume, en saura beaucoup au sujet de Pasteur, des grandes étapes scientifiques de la microbiologie, depuis les théories de Jérôme Fracastor qui, au seizième siècle émit l’hypothèse d’êtres invisibles responsables de la contagion, jusqu’à l’utilisation de ces êtres invisibles dans des domaines moins prévisibles comme la lutte biologique contre les espèces invasives, les biocarburants, les méthodes de dépollution, ou encore la biolixiviation, qui permet de faciliter l’extraction des métaux.

Ce « Pasteur à la plage  » est donc un petit livre épatant à conseiller à tous, adultes comme lycéens. Facile à lire mais néanmoins rigoureux, il est agrémenté des mentions des crédits iconographiques, d’un index (y manquent toutefois quelques entrées, comme la pyrale), d’une bibliographie et d’une chronologie détaillée. Cerise sur le gâteau, la seule coquille que nous avons retrouvée (préscience pour prescience) fait un néologisme si parfaitement adapté au propos qu’elle n’a peut-être pas été entièrement involontaire, un mot nouveau qui apparaît digne d’être conservé dans la lexicographie scientifique. On recommandera à tous, scientifiques comme non scientifiques, cet ouvrage qui en moins de deux cents pages permet d’en apprendre beaucoup, avec un minimum d’attention mais sans se surmener les neurones, ce qui est la définition noble d’un livre à lire… à la plage !


Titre : Pasteur à la plage, la physique quantique dans un transat
Auteurs : Maxime Schwartz et Annick Perrot
Couverture : Marie Sourd / Atelier AAAAA
Éditeur : Dunod
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 187
Format (en cm) :14 x 20,5
Dépôt légal : mai 2022
ISBN : 9782100827206
Prix : 15,90 €


Un peu de sciences sur la Yozone :

- « L’Apocalypse des insectes » d’Oliver Milman
- « À la recherche de l’arbre-mère » de Suzanne Simard
- « Comment pensent les animaux » de Loïc Bollache
- « Éloquence de la sardine » par Bill François
- « Fascinantes araignées » par Christine Rollard
- « Biomimétisme » par Jean-Philippe Camborde
- « Le Théorème du parapluie » par Mickaël Launay
- « Lettres à Alan Turing », collectif
- « Intelligence artificielle : La plus grande mutation de l’histoire » par Kai-Fu Lee
- « L’intelligence artificielle n’existe pas » de Luc Julia
- « Mon odyssée dans l’espace » par Scott Kelly
- « Chroniques de l’espace » par Jean-Pierre Luminet
- « Mojave épiphanie » par Ewan Chardronnet (dans notre sélection Noël 2017)
- « Chasseur d’aurores » par Jean Lilensten


Hilaire Alrune
11 juin 2022


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