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Courage de l’arbre (Le)
Léafar Izen
Albin Michel Imaginaire, roman (France), Science-Fiction, 410 pages, avril 2022, 21,90€

Dans un lointain futur, l’humanité a essaimé à travers l’espace, perdant jusqu’à la position de sa planète d’origine. Une découverte inattendue et toujours mystérieuse, les Phytoïdes de Katz, a permis cette expansion, cette bénédiction pourvoit à tous les besoins nécessaires à la vie. Un vaste réseau de communications nommé l’Égrégore connecte toutes les personnes ensemble, s’affranchissant des distances.
Thyra est une jeune ethnologue qui étudie un peuple primitif sur la lune Okodrée. Elle ne parvient pas à comprendre leur coutume, surtout en respectant la non ingérence. L’aide de Roonis, un jeune bidouilleur en gadgets « psyentifiques », lui permet de faire une percée majeure. Encore tout à sa joie, elle reçoit l’ordre d’éliminer un autochtone, ce qui va contre toutes les préconisations. Voilà le genre d’intimation à laquelle on ne peut se dérober. Pourtant, avec Roonis qu’elle a pris en grippe, elle n’obéit qu’à moitié, cherchant à comprendre.



Le parcours de Léafar Izen ne cesse de surprendre : à 35 ans, il a quitté une carrière dans les sciences et l’ingénierie pour s’installer comme aubergiste et guide de montagne sur les pentes du volcan Calbuco en Patagonie chilienne. En 2015, l’éruption du volcan le ramène dans les Cévennes. C’est le début de l’écriture. Après son premier roman « La marche du Levant » apprécié sur la Yozone, voilà son second « Le courage de l’arbre », un ambitieux space opera.

Les étonnants Phytoïdes de Katz que Manchu illustre très bien en couverture ont rendu maints endroits habitables. Sans eux, tout aurait été bien plus compliqué, bien plus lent. Qu’importe comment cela fonctionne, pourvu que ça marche ! C’est à double tranchant, car en cas de problème, ses bénéficiaires s’avèrent bien démunis.
L’intimité a bien vécu aussi, car les implants de chacun peuvent partager les émotions, les pensées. Parler de vive voix n’est plus de mise, tout passe par les implants. L’Égrégore constitue un vaste réseau à la toute puissance. Trop même, comme le comprendra Thyra quand elle désobéira à l’ordre direct. Cette dernière veille toujours à garder une part d’elle-même secrète, restreignant avec autrui les échanges à la surface, cachant ses sentiments. De l’autre côté, Roonis est exubérant, s’épanche allègrement. On lit en lui comme dans un livre ouvert. Cet adepte des univers virtuels - il s’agit d’une célébrité dans l’un d’eux - s’est entiché de Thyra qu’il est prêt à suivre jusqu’au bout du monde. C’est le cas de le dire ! Mais pour échapper à la surveillance de l’Égrégore, il faut évoluer sous les radars donc sans implant. Est-ce seulement possible ?
Le contexte dressé par Léafar Izen s’avère vraiment intéressant avec cette dépersonnalisation des individus. Les implants prennent le pas sur les actions directes, ne pas s’ouvrir totalement apparaît tout de suite louche comme si on avait quelque chose à cacher. Le simple acte de parler est devenu une bizarrerie. L’humeur est aussi contrôlée pour éviter le stress par exemple. Instrument de bien-être ou de contrôle sur les masses ? La question est posée...
Quant à ce vieil autochtone, pourquoi veut-on sa mort ? Pourquoi l’Égrégore a-t-il franchi toutes les limites en lui posant un implant, tout révolutionnaire soit-il ? Thyra est jetée dans un jeu qui la dépasse, car elle est la plus proche, la plus à même d’agir rapidement, mais elle n’écoutera que sa conscience et sa curiosité.
Commence alors la fuite, la rencontre avec des dissidents, des gens rejetant la mainmise de l’Égrégore.

Autre point bien trouvé, la longévité de l’existence de chacun, car régulièrement des sauvegardes des individus sont exécutées, ce qui permet à leur mort la renaissance dans un autre corps. Même pas besoin d’être décédé, d’autres soi-même peuvent être implantés du vivant, ce qui permet la coexistence d’une même personne à travers plusieurs émanations. Pratique pour se démultiplier et abattre plus de boulot. Ou encore pour échapper à ses geôliers. Bien sûr, le contexte change les individus qui évoluent différemment. Léafar Izen se sert de cet aspect pour pimenter son récit et lui rajouter une dimension mystique.
L’auteur joue ainsi sur plusieurs registres : une connectivité omniprésente et toute puissante, la quasi immortalité des individus liée à l’Égrégore, la dépendance aux mystérieux Phytoïdes de Katz... le tout sur fond de space opera.
Léafar Izen interroge aussi le lecteur sur la causalité, sur les conséquences d’un acte que personne ne peut critiquer : Thyra qui ne met pas son ordre à exécution.
Et bien sûr, le récit est porté par ses deux personnages principaux : Thyra et Roonis qui ont une relation compliquée, mais appelée à évoluer...

Aussi bien sur le fond que la forme, « Le courage de l’arbre » se révèle des plus prenants. Léafar Izen use de nombreux développements et questionnements intéressants pour que le lecteur prenne plaisir à le lire. Après « La marche du Levant », « Le courage de l’arbre » montre qu’en la personne de Léafar Izen, la SF française tient une voix intéressante qui ne se cantonne pas à un seul registre et sait interroger notre avenir en posant les bonnes questions.
Un auteur à découvrir !


Titre : Le courage de l’arbre
Auteur : Léafar Izen
Illustration de couverture : Manchu
Éditeur : Albin Michel
Collection : Albin Michel Imaginaire
Directeur de collection : Gilles Dumay
Sites Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 410
Format (en cm) : 14,1 x 20,5
Dépôt légal : avril 2022
ISBN : 9782226458698
Prix : 21,90 €


Du même auteur sur la Yozone :
- « La marche du Levant »

Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
13 mai 2022


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