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Ico, le Chateau dans la Brume, tome 1
Miyuki Miyabe
Ynnis, roman traduit du japonais, fantasy, 292 pages, aout 2021, 14,95€

Quand naît un enfant avec des cornes, il est confié au chef du village, qui veillera à l’élever pour qu’il remplisse son rôle, à 13 ans : il sera sacrifié au Château dans la brume.
Le Doyen de Toksa et sa femme élève donc le jeune Ico, même si à leur âge la tradition leur paraît encore plus cruelle.
Quand vient l’heure, tandis qu’elle tisse la Marque rituelle, il emmène Ico par-delà les montagnes interdites, pour lui montrer la puissance du Château. Mais le garçon est déjà convaincu de la nécessité de se plier à son destin.



Ynnis continue de nous faire découvrir des pépites littéraires jamais parvenues jusqu’à notre pays.
« Ico » s’avère une novélisation de Miyuki Miyabe, autrice reconnue au Japon, d’un jeu vidéo de Fumito Ueda sorti sur Playstation 2 au début des années 2000. Bien moins connu que le jeu suivant d’Ueda, « Shadow of the Colossus », « Ico » a cependant remporté un grand succès critique et posé des bases techniques et narratives dans le domaine.

Pour ma part, n’étant pas console à l’époque (ni depuis, et il semble qu’une version remasterisée d’« Ico » soit vendue avec la version collector de « Shadow of the Colossus »), je suis entré dans le roman vierge de toute référence graphique ou scénaristique.
De ce que j’ai pu lire, « Ico » (le jeu) tient en un concept : sortir du château en faisant franchir les obstacles à Yorda.
Plus de détails sur la page Wikipédia du jeu (riche en révélations sur l’intrigue, attention !)

Cette première partie d’« Ico - Le Château dans la Brume » prend le temps d’installer un peu l’univers, mais l’autrice est très économe de descriptions, préférant décrire les dilemmes qui agitent ses personnages. Ainsi, on ne saura rien du monde, contraint d’imaginer un univers de fantasy très épuré : un village isolé, des montagnes, une forêt. Une case avec un métier à tisser. Les choses se complexifient délicieusement lorsque Toto, l’ami d’Ico, brave l’interdit pour accompagner son ami, et va voir la ville morte derrière les montagnes. On découvre une cité moderne dévastée par un cataclysme magique. Mais là encore, par une économie de moyens, un vocabulaire très simple et une narration semi-interne, nous lecteurs sommes bridés dans notre perception du monde par ce qu’en comprennent - et nous disent - les personnages.

La découverte d’un Livre de la Lumière, avec une Marque différente de celle utilisée habituellement, fait renaître l’espoir chez le Doyen et son épouse : contrairement aux autres Sacrifices, Ico pourrait peut-être survivre et lever la malédiction.
S’ensuit le périple rituel du Sacrifice, encadré par un prêtre de la capitale et des gardes. J’ai un peu tiqué sur cette partie : les sacrifices n’étant pas si fréquents (un par génération, et dans les premières pages on apprend que le précédent a eu presque 100 ans avant), le prêtre maîtrise pourtant bien le chemin et les différentes étapes du rituel, sans hésitation...

Dans le château, les choses ne se passent pas exactement comme prévu : la Marque d’Ico empêche son sacrifice dans le sarcophage prévu à cet effet, et le garçon cornu, en explorant un peu, découvre une fille de son âge environ captive dans une cage suspendue. Il va la délivrer, et c’est là que les ennuis commencent vraiment : des Ombres surgissent et tentent de s’emparer d’elle ! Ico les chasse vaillamment, puis décident qu’ils doivent trouver une sortie.
C’est ici qu’on raccorde, semble-t-il, avec le jeu vidéo : l’exploration d’un château aux dimensions cyclopéennes, totalement abandonné, parfois en ruines, en d’autres lieux emplis d’une technologie que le garçon devine à peine.

Dans cette fuite, Ico est un moteur presque infatigable, et il a du mérite : la jeune fille ne parle pas, et ne semble pas comprendre sa langue. La communication est malaisée, et visiblement, elle n’a pas forcément envie, comme Ico, de fuir le château. Pourquoi ? Le jeune garçon essaie de le comprendre, grâce aux visions du passé qui déferlent sur lui chaque fois qu’il lui prend la main. Les lieux abandonnés retrouvent les couleurs de la vie, parfois de la mort, témoignant par bribes éparpillés de la chute de l’endroit. Ico croise dans ces souvenirs un guerrier lui aussi cornu, qui semble lié à la tradition du sacrifice.
On avance à petits pas, chaque pièce est une épreuve à traverser pour les deux enfants, mais elle apporte aussi des réponses - et d’autres questions.
Fort heureusement, on ne restera pas dans la brume trop longtemps, puisque la troisième partie, les 50 dernières pages, donnent la parole à Yorda, la jeune fille, et nous plonge dans le passé, aux origines de la malédiction, qui renoue avec les motifs du conte fantastique traditionnel.

On peste d’en rester là, heureusement le second tome sort sous peu.

On retrouve parfaitement dans la novélisation de Miyabe la volonté d’immersion émotionnelle souhaitée par Ueda pour son jeu, sublimée par la sobriété initiale de l’univers peu décrit, puis par cette exploration compliquée, entre dangers, visions énigmatiques et impossibilité de communiquer des deux personnages.
On apprécie de naviguer à vue, à l’affût du moindre indice, dans une trame qui relève autant de la fantasy que du conte classique. Ico est un héros sincère, généreux, curieux du monde même s’il s’est résigné à sa funeste destinée. Transformé en sauveur par la découverte de Yorda captive, il ne perd pas ses qualités, convaincu qu’il faut protéger la jeune fille, même s’il ne comprend pas l’étendue du danger qui la menace. On pourra tiquer sur le fait qu’il la force à être sauvée, et c’est ce qui ressort initialement dans la dernière partie : Yorda doit se défaire du lavage de cerveau infligé par la Reine quitter son statut de victime pour s’émanciper d’elle. Là encore c’est très délicatement tourné, et si ces dernières pages peuvent paraître bien plus riches en couleurs et en information que les 250 précédentes, elles jouent aussi de ce contraste.
Il faudra néanmoins attendre la seconde partie pour apprécier la narration dans son intégralité.
EDIT 09/2022 : La chronique du tome 2 est en ligne


Titre : Ico - Le château dans la brume (Ico, kiri no shiro, 2008)
Tomaison : tome 1/2
Autrice : Miyuki Miyabe
Traduction du japonais (Japon) : Yacine Zertoun
Couverture : Fumito Ueda
Éditeur : Ynnis
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 292
Format (en cm) : 21 x 14,5 x 3
Dépôt légal : aout 2021
ISBN : 9782376972457
Prix : 14,95 €


Ico - La château dans la brume : tome 1 & tome 2


Nicolas Soffray
10 mai 2022


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