Premier tome de la trilogie « La Maison des Jeux », « Le serpent » intrigue dès la première page par son ton. Un mystérieux narrateur ne cesse de nous prendre à témoin, s’adressant directement au lecteur comme s’il était un acteur du jeu qui se déroule sous ses yeux. C’est assez troublant, car on ignore de qui il s’agit : d’ailleurs est-il unique ou sont-ils plusieurs ? Il ne faut pas longtemps pour s’y accoutumer, donc accepter les règles du jeu dictées par Claire North.
Elle nous conduit à travers Venise dans les pas de Thene, obligée rapidement de revêtir une carapace d’indifférence pour ne pas être engloutie par son époque laissant les femmes en arrière. Le jeu éveille son intérêt, elle y voit le moyen d’échapper à sa condition, de s’élever au-dessus du rôle qui lui est échu de par sa naissance.
Quand Thene est conviée dans la Haute Loge, le récit prend une autre dimension. Il faut y mériter sa place et rien de mieux qu’un test grandeur nature pour prouver sa valeur. À partir de ce moment, le lecteur se rend compte de l’importance de la Maison des Jeux qui dépasse le cadre de simples joutes autour de l’argent. Elle cherche clairement à peser sur les décisions importantes et un rôle est confié à Thene qui se demande si les dés ne sont pas pipés. Manigances à court terme, à long terme servent à faire pencher la balance. Tous les coups sont quasi permis, seul le résultat compte : gagner la partie ! Qu’importe les dégâts collatéraux, les victimes sacrifiées sur l’autel d’intérêts supérieurs !
Bien des questions s’élèvent au cours du roman : le destin n’est-il qu’illusion, façonné qu’il le semble par les joueurs ? Et le libre-arbitre ? Une personne est-elle réellement libre ou un simple pion à jouer, ce d’autant plus si elle est liée à la Maison des Jeux ? Les événements ne sont plus forcément inéluctables, certains œuvrent dans l’ombre pour qu’ils suivent le chemin désiré.
Venise se transforme ici en un formidable terrain de jeux à l’échelle de la Sérénissime. En femme forte, Thene use de tous les moyens, de toutes les ruses pour démontrer qu’elle y a sa place et qu’elle ne saurait être une simple oie blanche.
La Maison des Jeux apparaît aussi comme un lieu hors de l’espace et du temps, tant ceux qui l’arpentent semblent d’horizons fort lointains. Une légende court autour ce lieu et de sa Maîtresse. Et toujours ce mystérieux narrateur nous nargue, comme si nous étions dans la confidence, jouant avec nous une partie dont nous ignorons les enjeux.

« Le serpent » ne manque pas d’attraits, ce court roman dérange et intrigue par son ton, mais aussi et surtout par les parties qui s’y jouent à l’échelle des villes, des nations. Bien des réflexions naissent de cette lecture dans les pas de Thene, une femme qui force son destin pour exister.
« La Maison des Jeux » apparaît comme une trilogie envoutante et stimulante, mais quelle direction prendra-t-elle ? En apprendra-t-on plus sur cet étrange lieu, mais aussi sur le narrateur ?
Le second tome « Le voleur » est d’ores et déjà prévu pour le second semestre 2022. Rendez-vous est pris.

Titre : Le serpent
Série : La Maison des Jeux, tome 1
Auteur : Claire North
Traduction de l’anglais (Grande-Bretagne) : Michel Pagel
Couverture et conception graphique : Aurélien Police
Éditeur : Le Bélial’
Collection : Une Heure-Lumière
Numérotation dans la collection : 36
Directeur de collection : Olivier Girard
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 160
Format (en cm) : 12 x 18
Dépôt légal : mars 2022
ISBN : 9782843449970
Prix : 10,90 €

Claire North sur la Yozone :
 « 84K »
 « La Soudaine apparition de Hope Arden »
 « Touch »
 « Les Quinze premières vies d’Harry August »

Autres titres de la collection :
 1. « Dragon » de Thomas Day
 2. « Le nexus du Docteur Erdmann » de Nancy Kress
 3. « Cookie Monster » de Vernor Vinge
 4. « Le choix » de Paul J. McAuley
 5. « Un pont sur la brume » de Kij Johnson
 6. « L’homme qui mit fin à l’histoire » de Ken Liu
 7. « Cérès et Vesta » de Greg Egan
 8. « Poumon vert » de Ian R. MacLeod
 9. « Le regard » de Ken Liu
 10. « 24 vues du mont Fuji, par Hokusai » de Roger Zelazny
 11. « Le sultan des nuages » de Geoffrey A. Landis
 12. « Issa Elohim » de Laurent Kloetzer
 13. « La ballade de Black Tom » de Victor LaValle
 14. « Le fini des mers » de Gardner Dozois
 15. « Les attracteurs de Rose Street » de Lucius Shepard
 16. « Retour sur Titan » de Stephen Baxter
 17. « Helstrid » de Christian Léourier
 18. « Les meurtres de Molly Southbourne » de Tade Thompson
 19. « Waldo » de Robert A. Heinlein
 20. « Acadie » de Dave Hutchinson
 22. « Abimagique » de Lucius Shepard
 23. « Le temps fut » de Ian McDonald
 24. « La Survie de Molly Southborne » de Tade Thompson
 25. « Les Agents de Dreamland » de Caitlin R. Kiernan
 26. « Vigilance » de Robert Jackson Bennett
 27. « La Fontaine des âges » de Nancy Kress
 28. « La Chose » de John W. Campbell
 29. « Ormeshadow » de Prya Sharma
 30. « À dos de crocodile » de Greg Egan
 31. « Toutes les saveurs » de Ken Liu
 32. « Le livre écorné de ma vie » de Lucius Shepard
 33. « Symposium Inc. » de Olivier Caruso
 34. « Sur la route d’Aldébaran » de Adrian Tchaikovsky
 35. « Simulacres martiens » de Eric Brown

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francois.schnebelen[at]yozone.fr