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Royaumes ennemis, tome 3 : Les Héritiers
Sylvie Kaufhold
Editions du 38, Collection du fou, roman (France), fantasy, 298 pages, novembre 2021, 18€

Treize années ont passé depuis la création du Cocon, qui a prospéré avec l’empire des Steppes. Tandis que Zeizei accompagne Khazan et Iridiane à l’Est pour soumettre les Lins, de l’autre côté, dans la Ruche, Violette fourbit sa vengeance contre Matricia. Régnant en coulisse, elle a préparé la Ruche à la guerre contre les Steppes, et elle est prête à beaucoup pour rester la seule Reine.
Okai retourne à Méri. Il fait escale, avec appréhension, à Cayenne, où il a laissé l’amour de sa vie, Myosotis. L’ancienne mousse n’est plus, mais il trouve un fils, Sahin, qui a hérité de la magie de Toxine. Le jeune garçon veut marcher dans les pas de son père, quitter cette île et voir le monde. A Méri, où le prince s’apprête à succéder à sa mère épuisé par les cristaux de fulgurite, son fils rencontre Asadila fille de Tin et l’héritière des royaumes du Sud, née maudite : elle est atteinte de blancheur, une tache qui décolore sa peau à mesure qu’elle utilise une magie puissante qu’elle contrôle mal.
Tout ce petit monde rejoint le Cocon, où Lulaï et Matricia préparent la nouvelle génération à vivre ensemble.



Pour ce troisième et dernier tome, Sylvie Kaufhold nous fait faire un bond en avant, après le bond en arrière des « Origines ». Un temps nécessaire au mûrissement des victoires qui marquaient la fin des « Magiciennes » et la bonne pousse des enfants conçus.

Dans la capitale des Steppes, le Cocon est devenu une académie où jeunes humains de tous les royaumes et papillons apprennent de concert. Le fils de Khazan, Dzhan, et la fille d’Iridiane, Ayal, côtoient les fils de chefs soumis, mi-otages pour garantir la paix, mi invités intégrés au meilleur cursus du monde, comprenant cours de vol avec des ailes mécanique et initiation à la magie pour qui détient le talent. Et dans cette ambiance d’internat, on voit naître des alliances, des amitiés sincères, et même des amours qui ne s’arrêtent pas aux liens noués par les adultes ou à la race, comme avec Clic, le fils de Matricia et Mitril. L’arrivée des derniers ados, Sahin et Asadi, confirmera ce message qui irrigue tout le roman : les héritiers des guerres entre Méri et les Steppes, les Lins, les îles et même le Sud portent en eux des métissages (parfois surprenants, souvent effrayants pour les foules) qui leur ont chevillé à l’âme qui l’Autre n’est pas un ennemi et que nous formons un grand tout. Et dans ce Cocon à l’image de l’école Xavier des « X-Men », ils forment ensemble un cocktail des peuples du monde, la quintessence produite par les métissages. Et cela se double parfois d’un héritage politique, avec un titre qui leur permettra de parler au nom d’un pays, d’un peuple, et d’en prendre la direction. C’est dans ce sens que Lulaï et Matricia les forment : une génération de souverains éclairés, et d’amis.

Les événements vont se charger de forger entre eux des liens indéfectibles. On retrouve la même structure d’alternance des lieux et points de vue, qui nous font passer d’un bout du monde à l’autre, les anciens héros devenus vieux affrontent leur passé, leurs regrets, et voient la nouvelle génération marcher dans leurs pas. Le parallèle le plus flagrant, après Sahin qui prend la mer avec son père, est Zeizei, portrait craché de Lulaï (ce qui trouble Khazan) : la petite dernière des filles de Zei est désormais une puissante magicienne et le chaperon des plus jeunes.
On apprécie de lire des rapports souvent positifs entre les personnages, notamment Sahin, véritablement empathique, malgré le cadre de fantasy guerrière. Le garçon aux écailles est le premier à soutenir Asadi et son pouvoir qui la terrifie, une relation là aussi qui n’est pas sans rappeler le couple Cyclope/Jean Grey.
J’aime beaucoup la forme de sa « malédiction » : la tache décolorée sur la peau s’étend à chaque fois que son pouvoir se manifeste ou grandit, jusqu’à la laisser blanche, l’infamie suprême, impossible à dissimuler dans les Terres du Sud. Rien que dans ce détail, l’autrice dit tellement de choses, en renversant nos repères habituels.

Sylvie Kaufhold nous livre une nouvelle fois un récit rythmé, pétri d’émotions et d’humanité, mais aussi une grande fresque épique, avec son lot de complots pour le pouvoir et sa juste dose de batailles. Si les humains sont nombreux, il est intéressant qu’ils forment, à l’exception des héros, une masse, un peuple indistinct, et que ce troisième volume est le théâtre de l’affrontement de deux visions du peuple papillon : celle incarnée par Violette, conservatrice, rêvant d’une gloire passée, d’une domination du monde et des êtres jugés inférieurs, contre celle adoptée par Matricia, acceptant l’évolution et encourageant la solidarité et le métissage.
Violette, avec le nouvel Élu et ses matrices mécaniques, reproduit un système de castes, entretient une aristocratie et des liens de pouvoir, qui reposent sur les mariages des filles nobles (dont la sienne, qu’elle agite sous le nez des prétendants au gré de ses besoins politiques). Matricia, en adoptant une vie à l’image de ses hôtes humains, en acceptant son évolution vers plus d’individualisme, développe sa personnalité et transfert son esprit de ruche à son nouveau clan : elle est une femme épanouie, et une mère spirituelle pour tous ceux qui vivent et étudient au Cocon.

Mon seul petit bémol va peut-être à la forme de l’épilogue de cette trilogie, un exercice guère évident après avoir balayé un si vaste monde sur de si longue années. Mais il fallait bien mettre un point, pas forcément final ni définitif, à cette histoire, qui satisfasse le lecteur après tant de bons moments passés aux côtés des personnages. Tout comme on aura vu d’autres personnages disparaître du premier plan, et lire avec satisfaction que pour eux aussi, quelque part, la vie continue.

Ce fut en tout cas une très belle histoire, toute en nuances, pleine d’aventures et de magie pour ses personnages ballottés par leurs choix cornéliens. Et derrière les conflit, un grand message de paix et de solidarité, une main tendue vers l’Autre.


Titre : Les Héritiers
Série : Royaumes ennemis, tome 3
Autrice : Sylvie Kaufhold
Couverture : Step / Anne-Eléonor Olivier
Éditeur : éditions du 38
Collection : collection du fou
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 298
Format (en cm) : 21,5 x 14
Dépôt légal : novembre 2021
ISBN :
Prix : 18 € ou 6,99€ en numérique


Royaumes Ennemis :
« Les Magiciennes »
« Les Origines »
« Les Héritiers »


Nicolas Soffray
23 avril 2022


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