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Possession
Moka
L’école des loisirs, M+, roman (France), terreur, 188 pages, décembre 2021, 14€

Malo quitte avec appréhension la clinique psy où il a passé quelques semaines depuis que sa sœur aînée Lutèce est morte, après avoir sauté par la fenêtre. Le petit garçon n’a qu’un souvenir flou de l’événement, le traumatisme l’a laissé amnésique. Mais en rentrant à la maison, le malaise le gagne : sa chambre semble abriter une présence maléfique, des objets bougent dès qu’il a le dos tourné... ou bien ce sont les médicaments qui lui causent des hallucinations ?
Et puis il y a le comportement de sa famille : Clélia, la jumelle de la défunte, fait mine d’être détachée mais semble mener leur mère, Sylviane, à la baguette. Quand à son père, Amaury, il paraît vouloir les protéger et être plus présent. Mais Malo réalise que lentement mais sûrement, la maison fait tout pour les empêcher de sortir...



L’échappatoire vient avec Alice, une camarade de classe de Malo, fouineuse, toujours à poser des questions sur tout, et fans d’émissions de chasseurs de fantômes. La fillette va impliquer sa mère, psychologue, mais surtout sa demi-sœur, Charlotte, apprentie journaliste comme leur père, pour venir en aide à Malo. Et donc Chacha va se renseigner sur la maison, sise rue de la Roue-d’abandon, et contacter Gatien Renard, une jeune chercheur en Histoire un rien lunatique. A eux deux, les jeunes gens vont découvrir le passé sanglant de la maison.

Moka n’en est pas à son premier thriller jeunesse chez l’École des Loisirs. Possession, dans la collection M+, s’adresse aux plus grands, et force est d’admettre qu’il fiche bien les chocottes. Dès le retour de Malo, contraint et forcé, on s’imprègne du malaise ambiant, au travers de ses yeux de petit garçon. Mais très vite, on réalise qu’il y a plus que les séquelles de ce deuil violent dans l’attitude de la famille : la jumelle presque cruelle, manipulatrice, la mère monomaniaque, le père qui bien que moins accaparé par son travail s’enferme dans son bureau à la maison...
Malo oscille entre la peine et la peur. Son amnésie le prive de la compréhension de ce dont il a été témoin. Les cachets lui provoque des hallucinations, à moins qu’au contraire ce soit le sevrage... Il n’ose pas s’en ouvrir à ses parents, craignant leur réaction après leur refus qu’il retourne en sanatorium, où il se sentait à l’abri. Lentement mais sûrement, on glisse du mal-être suite au deuil à la certitude qu’il y a quelque chose dans la maison qui lui veut du mal, qui leur veut du mal à tous. Que ce s’est pas Malo qui l’imagine.

L’autre pan du récit, avec la bavarde et curieuse Alice et l’enquête de sa sœur, permet de soulever le coin du voile et d’apporter une explication à tout cela, avec une histoire bien violente. Après la fausse piste de la roue-d’abandon, le dispositif qui permettait au Moyen-âge d’abandonner un jeune enfant à la porte d’un établissement religieux, Chacha et Gatien découvrent la roue-à-brandons, instrument de torture et de chasse aux sorcières, dont certains auraient abusé par pure cruauté. De quoi marquer profondément les lieux. On retrouve là une trame classique et très efficace de thriller fantastique horrifique, et encore une fois la tension monte dans un crescendo réglé comme une horloge. On nous laisse quelques respirations, avec la relation entre les deux jeunes enquêteurs, mais comme dans tout bon film du genre, le calme est brisé par un petit détail qui fait froid dans le dos. Ici, le nounours de la victime, qui apparaît spontanément aux fenêtres...
Tout cela est très fluide, et on l’imagine sans mal porté à l’écran. Et d’autant plus que l’autrice use d’un procédé assez déroutant : le point de vue bascule facilement et sans indication spécifique (saut de ligne...) d’un personnage à l’autre, comme un passage de relais ou un mouvement de caméra. C’est assez déroutant, notamment quand les personnages ne sont pas proches physiquement, mais par exemple au téléphone, et que la scène commencée chez l’un se termine chez l’autre. Idem pour les sentiments et les manies de la famille de Malo : on peut passer des craintes du garçon aux TOCs de sa mère sans la moindre rupture dans le texte. Parfois, il suffit même de placer le nom d’un autre personnage pour « rebondir » sur lui. Certes, le roman n’est guère épais, et cela permet d’aborder le psychisme de chacun, d’y faire des rappels fréquents mais hélas on ne s’attarde vraiment sur aucun. Très cinématographique mais, comme dit, assez déstabilisant à la lecture, puisqu’on ne sait jamais vraiment dans quel regard se couler.

Un classique mais très bon thriller horrifique, donc, à réserver à des lecteurs un peu mûrs au vu des thèmes abordés (deuil, suicide, emprise, torture) et de la structure narrative très fluide, qui déroutera probablement.


Titre : Possession
Autrice : Moka
Couverture : Emmanuel Polanco
Éditeur : L’École des Loisirs
Collection : M+
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 188
Format (en cm) : 22 x 15 x 1,8
Dépôt légal : décembre 2021
ISBN : 9782211317382
Prix : 14 €



Nicolas Soffray
4 avril 2022


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