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Bifrost n°105
La revue des mondes imaginaires
Revue, n°105, nouvelles - articles - entretiens - critiques, janvier 2022, 192 pages, 11,90€

À l’observation du sommaire de ce numéro, comment ne pas remarquer la synergie entre l’actualité éditoriale et certains textes ? “Cavorite” de Laurent Genefort se situe dans le même univers que « Les temps ultramodernes », il est fait mention de “La tragique affaire de l’ambassadeur martien” dans « Simulacres martiens » d’Eric Brown et la réédition du « Grand livre de Mars » de Leigh Brackett ne date que de quelques mois.
Des livres lus et appréciés qui trouvent là un heureux prolongement. De quoi se faire à nouveau plaisir.



Avec “Cavorite”, Laurent Genefort aligne les faits divers liés à l’utilisation de ce matériau dont Hippolyte Corégone a cerné les caractéristiques. Entre « Les Temps ultramodernes » et l’« Abrégé de cavorologie », l’auteur poursuit l’exploration de cet univers riche en potentialités.

“La tragique affaire de l’ambassadeur martien” constitue la première enquête confiée à Sherlock Holmes par les Martiens dont la seconde invasion a été couronnée de succès. L’ambassadeur martien basé à Londres est mort dans son lit, tout signale un assassinat. La liste des suspects est courte, deux Martiens et deux humains, un homme et une femme. L’affaire est simple pour Holmes mais il tient compte du contexte avant de révéler le mystère. Eric Brown fait un nouveau clin d’œil à l’Histoire avec les deux employés humains qui se sont découverts des sentiments : H. G. Wells et Miss West, soit la romancière et féministe Rebecca West avec qui il eut un fils. Une friandise de plus à l’actif de cet auteur !

Quant à Leigh Brackett, “Toutes les couleurs de l’arc-en-ciel” s’éloigne des écrits sortis ces dernières années en France. On est bien loin des sables martiens ou de la planète Skaith. Retour sur Terre, dans l’Amérique profonde, raciste en diable. Elle dénonce clairement cet état avec le passage d’émissaires du Centre Galactique dans une petite ville où règne la suprématie de l’homme blanc, dans toute son intolérance et son ignorance. Le couple est rejeté, insulté, secoué, chassé... C’est l’escalade de la violence, sans qu’un quelconque témoin ne remarque rien de choquant. Le début de la nouvelle trouve son explication à la fin. Une Leigh Brackett dans un autre registre, engagée contre l’injustice à travers un récit qui date de 1957, ce qui le rend d’autant plus fort. Bravo !

Le dossier de ce numéro est consacré à cette grand dame de l’imaginaire. Une première version de “Dame de Mars, Vénus et autres mondes” de Charles Moreau figurait au sommaire du « Grand livre de Mars » réédité il y a peu, mais cet article trouve parfaitement sa place ici pour présenter Leigh Brackett et son œuvre. C’est avec le même intérêt que j’ai lu cette nouvelle mouture. Pierre Charrel décrit le parcours de la scénariste et explique que sa version de « L’empire contre-attaque » développait bien plus le personnage de Han Solo que celui de Luke Skywalker. Un guide de lecture et une bibliographie concoctée par Alain Sprauel achèvent ce dossier, dont un grand moment est indiscutablement l’entretien avec Leigh Brackett et Edmond Hamilton réalisé par Dave Truesdale en avril 1976. Une question débouche souvent sur une cascade de réponses, les deux reprenant les propos de l’autre. Deux grands noms de l’imaginaire, deux géants se livrent ici dans une bonne humeur communicative, ils affichent une belle complicité, apportent des anecdotes sur le milieu de la SF aux États-Unis. Un véritable morceau d’histoire qui mérite d’être lu et relu. C’est d’autant plus touchant que deux ans plus tard, aucun des deux ne vivaient plus.

Au rang des nouvelles figure un inconnu : Ray Nayler avec un improbable récit de robot venant remplacer le “Père”, mort au combat, d’un gamin de 7 ans. Au début, il le regarde avec méfiance, mais rapidement il l’adopte, car il y reconnait son papa disparu, retrouve une complicité qu’il croyait définitivement perdue. Mais tout le monde dans la petite ville n’est pas aussi conciliant, le robot fait peur et focalise la bêtise humaine. Un texte de toute beauté sur le lien entre un père et son fils, l’homme et la machine, mais pas que...

“Scientifiction” sort de l’ordinaire, car Roland Lehoucq et Fabrice Chemla font l’interview de la cane aux œufs d’or, dont l’existence a été révélée par Isaac Asimov en 1956. Elle vit toujours et essaie d’expliquer le secret de sa longévité et de cette étonnante capacité. C’est aussi érudit qu’original.

Dans la série “Paroles de...”, Olivier Legendre revient pour la seconde fois, mais sous une autre casquette. Après celle de libraire, il porte celle de représentant, ce qui change considérablement niveau lectures.

Ce premier numéro de l’année est l’occasion de donner les lauréats du Prix des lecteurs de Bifrost 2021. Je renvoie les curieux sur le forum du Bélial’ pour découvrir les gagnants en catégorie française et étrangère.
Et bien sûr, « Bifrost » c’est aussi un important volet critique, des infos sur le milieu de l’imaginaire et un éditorial d’Olivier Girard toujours instructif.

La magnifique couverture de Nicolas Fructus vend déjà du rêve, le contenu s’avère largement à la hauteur. Une lecture qui ne peut que donner envie de découvrir les différents auteurs au sommaire.
Abonnez-vous, vous ne le regretterez pas.


Titre : Bifrost
Numéro : 105
Rédacteur en chef : Olivier Girard
Couverture : Nicolas Fructus
Illustrations intérieures : Matthieu Ripoche et Philippe Gady
Traductions : Henry-Luc Plachat (Père), Michel Pagel (La Tragique Affaire de l’ambassadeur martien) et Bruno Martin, révision d’Olivier Girard (Toutes les couleurs de l’arc-en-ciel)
Type : revue
Genres : SF, études, critiques, nouvelles, entretien, etc.
Sites Internet : le numéro 105, la revue (Bifrost) et l’éditeur (Le Bélial’)
Dépôt légal : janvier 2022
ISBN : 9782843449925
Dimensions (en cm) : 15,1 x 21
Pages : 192
Prix : 11,90€



Pour contacter l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
20 février 2022


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