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Afterland
Lauren Beukes
Albin Michel Imaginaire, roman traduit de l’anglais (Afrique du Sud), science-fiction, 508 pages, janvier 2022, 23,90€

Un virus a décimé la population mâle mondiale. En 2023, plus de 99,9% des hommes sont morts, les survivants devenant une denrée rare qu’il faut sauvegarder pour que l’humanité ait un avenir.
Miles a 12 ans, son père est décédé dans d’atroces souffrances du cancer destructeur, alors que lui a été épargné. Sa mère Cole veut rentrer en Afrique du Sud, quitter par tous les moyens les États-Unis où ils sont retenus contre leur gré dans l’intérêt national. Sa sœur Billie l’aide à s’enfuir d’un camp, non sans raisons cachées.
Commence alors une course-poursuite avec comme enjeu : Miles.



Lauren Beukes axe son roman autour d’un virus destructeur ne s’attaquant quasiment qu’aux hommes et déclenchant un cancer foudroyant. Résultat : les hommes ne sont plus légion, il faut les sauvegarder, se les accaparer pour garder un espoir dans l’avenir. Problème : on ignore comment se protéger du virus VCH, alors toute naissance est prohibée. Majoritaires, les femmes ont pris les rênes de la société, assumant tous les rôles. Le sperme est devenu l’or blanc qui se négocie à prix d’or, un mâle représente donc une pompe à fric, une rareté à protéger, source de toutes les envies. Dans ce jeu, Miles n’est qu’un enfant de 12 ans attirant l’attention d’adultes qui se déchirent pour sa propriété, sans que ses propres désirs entrent en ligne de compte.
Son père est mort lorsqu’ils étaient aux États-Unis, Cole et Miles y sont restés coincés, loin de leur foyer en Afrique du Sud. En voulant quitter le pays, Miles a été mis en lieu sûr dans un camp surprotégé, puis dans un autre pour raison de sécurité et ne pas garder tous les œufs dans le même panier. « Afterland » débute lors de l’évasion de Cole en compagnie de Miles. Elle est persuadée d’avoir tué sa sœur qui avait d’autres plans pour Miles. D’un côté, Cole cherche à quitter le pays avec Miles, et de l’autre, Billie essaie de la rattraper pour honorer un contrat.
En gros, voilà l’intrigue d’« Afterland » qui pèse 500 pages que l’on a largement le temps de voir passer, tant l’ensemble semble long.

En premier lieu, il est difficile d’adhérer à ce virus qui cible les hommes. Il s’agit d’un inconnu bien pratique pour arriver en un coup de baguette magique à la situation d’une société dirigée par les femmes. En effet, l’élément masculin est aux abonnés absents dans ce roman, seuls quelques hommes, surtout des garçons, apparaissent dans des camps, sans qu’ils laissent une empreinte sur le roman. Même la masculinité de Miles est rapidement effacée, sa mère le déguise en fille, le nomme Mila et le tour est joué. Personne ne détecte la supercherie. Lauren Beukes écrit même elles, lorsqu’elle parle des deux fuyards, comme si l’habit faisait tout. Elle entretient à dessein la confusion. Dans « Poumon vert » de Ian R. MacLeod, ça passe très bien, là moins.
Comme le récit s’attache aux pas de Cole et Billie, le lecteur ne voit le contexte qu’à travers une lorgnette réduite, il est loin d’embrasser la situation dans sa globalité. Des miettes sont jetées par-ci par-là, comme si l’auteure ne désirait pas approfondir les conséquences de cette pandémie, préférant s’attacher à un seul être, tout ramener à une seule personne. Parfois, suivant les besoins, on a l’impression que rien n’a changé, que la vie a repris son cours normal alors que la pandémie est toute récente. Le roman navigue dans un entre-deux pas toujours très clair, donnant une fausse idée de facilité.
Finalement, l’histoire se résume à une course-poursuite entre les deux sœurs, l’ordre nouveau servant de toile de fond et de justification au déroulement du roman.
Pour moi, ce n’est pas satisfaisant, trop artificiel pour fonctionner et j’avoue qu’il m’a fallu un long moment pour arriver au bout. Un comble, alors que Stephen King se répand en louanges en quatrième de couverture. « Un thriller splendide » pour reprendre ses mots. Je suis loin de ce constat. C’est vrai qu’il y a de bons passages, de bonnes idées comme la cohabitation de Miles et Cole avec des sœurs prônant le pardon des fautes humaines pour que tout redevienne comme avant. Mais de bonnes choses assemblées ne font pas forcément un bon livre. Par moments, l’intérêt est ravivé, avant de retomber. C’est frustrant ! « Afterland » s’annonçait prometteur, mais l’ensemble peine à prendre. Le combat d’une mère pour protéger son fils dans un monde hostile est louable, mais le récit ne convainc guère. L’évasion est éludée, apparaît trop facile, comme la solution finale pour rentrer au pays. Y croire tient presque de la foi. Cole devenue Sœur Patience pour les besoins de la couverture a mis à mal la mienne.

Avant la lecture, j’ai tout de suite fait le parallèle avec l’excellent roman « L’année du lion » de Deon Meyer, un autre auteur sud-africain. « Afterland » en est loin à tous points de vue, plus autocentré sur un cas précis, préférant l’action à une réflexion plus globale. Et pourtant c’est long, j’ai dû recommencer le livre pour dépasser les premiers chapitres, peinant à atteindre son terme. Lauren Beukes a cherché à éliminer l’homme de l’équation, pourquoi pas, mais le résultat se révèle décevant.


Titre : Afterland (2020)
Auteur : Lauren Beukes
Illustration de couverture : Aurélien Police
Traduction de l’anglais (Afrique du Sud) : Laurent Philibert-Caillat
Éditeur : Albin Michel
Collection : Albin Michel Imaginaire
Directeur de collection : Gilles Dumay
Sites Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 508
Format (en cm) : 14 x 20,5
Dépôt légal : janvier 2022
ISBN : 9782226461612
Prix : 23,90 €


Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
9 février 2022


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