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Nuit du faune (La)
Romain Lucazeau
Albin Michel Imaginaire, roman (France), Science-Fiction, 252 pages, septembre 2021, 17,90€

Entourée de vieilles machines, Astrée, une petite fille, vit seule au sommet d’une montagne. Chaque jour se répète au long des millénaires jusqu’à ce qu’un faune brise cette routine. Il a réussi à franchir tous les obstacles pour atteindre l’enclave protégée abritant Astrée, la dernière humaine sur Terre.
Le faune a bien des questions, notamment sur l’avenir de sa race primitive. De son côté, Astrée voit là l’opportunité de sortir de l’ennui, de se rappeler de la grandeur humaine. Seul un voyage peut contenter ces deux êtres.



Romain Lucazeau est connu pour son vaste roman « Latium », prix Futuriales et Grand prix de l’imaginaire. Il revient avec « La nuit du faune », roman dont le résumé laisse dubitatif sur le contenu. D’une belle minutie, l’illustration de couverture, œuvre d’Anouck Faure, s’avère magnifique, elle est chargée de détails et il est facile de s’y perdre en la contemplant. À l’image du livre, elle invite clairement au voyage, aussi bien intérieur que physique.
Dans « La nuit du faune », Romain Lucazeau s’affranchit de toutes limites, le temps et l’espace deviennent des notions qui perdent une partie de leur sens. Sous ses dehors de jeune fille, Astrée est en réalité très vieille, son âge se compte en millions d’années, alors que le faune qu’elle nomme Polémas est tout jeune. Il s’interroge et, à son contact, Astrée retrouve une certaine saveur à la vie, voit dans quelle impasse sa réclusion l’a amenée. Polémas lui redonne l’envie, celle de quitter son enclave et de tester les limites, de s’émerveiller à nouveau, alors qu’elle pense avoir déjà tout vu, tout connu. Pour répondre aux questions de Polémas, seuls le voyage, la découverte d’expériences diverses peuvent conduire vers un semblant de connaissances.
Le lecteur comprend vite qu’Astrée n’est pas forcément celle qu’il croyait, ce roman se situe bien plus loin dans le futur qu’il ne semble de prime abord. Comme Polémas, au fil des rencontres, chacun tombe dans un puits sans fond, celui du temps et de l’espace.
L’espace est si vaste que la vie n’y est pas rare, mais elle a pris des formes diverses. Les modèles de sociétés abondent, la guerre n’a pas disparu mais son ampleur diffère, ainsi que ses enjeux. Plus d’une fois, Polémas se demande s’il a rencontré Dieu, tant certains êtres s’avèrent évolués et se dérobent à toute compréhension. Même Astrée s’étonne parfois, repoussant le champ de ses connaissances en allant toujours plus loin. Sa vie d’oisiveté, de jeux pour retrouver une innocence perdue est bien loin. Polémas endosse le rôle du Candide allant de merveille en merveille, il apporte une regard neuf sur des choses qui le dépassent et lui montrent l’inutilité de sa démarche et l’insignifiance des siens. Le voyage transforme chacun. Comme revenir au point de départ ? Est-ce seulement possible ?

L’auteur domine son sujet, il étonne par sa performance, par son renouvellement en offrant sans cesse de nouvelles expériences, réussissant à pousser le curseur toujours plus loin. Métacivilisations, lutte à l’échelle de rien de moins que l’univers... La dénomination de littérature du vertige décrit bien « La nuit du faune » qui me fait penser par moments à Greg Egan sans aller aussi loin dans les explications scientifiques. L’univers devient un champs de possibles à exploiter. L’aspect philosophique n’est pas ignoré avec le rapport élève-professeur entre Polémas et Astrée et ce qui s’apparente à un chemin initiatique pour tous deux. « La nuit du faune » est vraiment très riche à tous points de vue.

Comme le montre « La nuit du faune », les limites sont faites pour être repoussées. C’est ainsi que le chemin vers la connaissance se libère, mais cela a un prix, transforme profondément et peut même entraîner des responsabilités. Par bien des côtés, il s’agit d’un roman fou, d’une performance impressionnante dans laquelle il est si bon de s’abandonner. Qu’importe la destination, c’est le voyage qui compte.
Romain Lucazeau est un auteur rare, mais dont chaque titre démontre sans ambiguïté le talent et l’ambition.


Titre : La nuit du faune
Auteur : Romain Lucazeau
Illustration de couverture : Anouck Faure
Éditeur : Albin Michel
Collection : Albin Michel Imaginaire
Directeur de collection : Gilles Dumay
Sites Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 252
Format (en cm) : 14 x 20,5
Dépôt légal : septembre 2021
ISBN : 9782226461582
Prix : 17,90 €


Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
13 octobre 2021


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