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Mémoire de métal
Alastair Reynolds
Bragelonne, collection SF, traduit de l’anglais (Grande-Bretagne), science-fiction, 190 pages, septembre 2021, 6,90 €


Dans un lointain avenir, l’humanité a essaimé dans l’espace. Au terme d’une guerre interplanétaire, Scur, une jeune femme soldat, est capturée par des membres de la faction ennemie qui ignorent, ou feignent d’ignorer, qu’un cessez-le feu a été décrété. L’un deux, Orvin, avec un sadisme certain, lui injecte une « balle lente » (d’où le titre original « Slow Bullets ») qui progressera des heures durant dans son corps en lui infligeant des douleurs épouvantables avant de la tuer. Mais Scur parvient à extirper la balle avant de perdre connaissance.

Elle se réveille dans un vaisseau spatial, et, dès lors, les surprises s’enchaînent et se multiplient. Le vaisseau est un transporteur de caissons d’hibernation avec à son bord des centaines d’individus qui se réveillent les uns après les autres. Des soldats. Des civils. Des criminels de guerre. Le saut hyperspatial de ce vaisseau semble les avoir emmenés dans une portion de l’espace échappant au réseau très dense de l’humanité. Une impossibilité selon le navigateur qui y perd son latin. Mais là n’est pas, à court terme, le plus important. Comment éviter que les individus de tous bords ne commencent à s’affronter et à s’entretuer dans le vaisseau ? Comment organiser la survie des uns et des autres avec de faibles ressources ? Comment restaurer les systèmes du vaisseau et pallier l’effondrement progressif de sa mémoire ? Et, pour Scur, comment résister à la légitime tentation de prendre sur Orvin, lui aussi à bord, une revanche sanglante ?

Dès les premiers chapitres, le lecteur pourra avoir l’impression de se plonger non pas dans un récit de science-fiction pour adultes, mais, tout comme dans « Vengeresse », dans une œuvre destinée à la jeunesse. Écriture, dialogues, psychologie des personnages, tout est très simple, dépouillé, sans la moindre fioriture. Bien des passages et rebondissements apparaissent mêmes simplistes, et le lecteur devra plus d’une fois s’accrocher à la suspension d’incrédulité pour poursuivre. Pourtant, le roman en vaut la peine, car il gagne peu à peu en envergure et, malgré sa brièveté, se met à brasser une belle multiplicité de thèmes.

Il y a dans ce « Mémoire de métal  » quelques trouvailles, comme celle de ces survivants affairés à graver, dans le métal des coursives et des parois intérieures, des pans entiers des mémoires de la race humaine en train de s’effacer peu à peu, lentement corrompues dans les archives informatiques du vaisseau. Une tentative à la fois élégante et désespérée de sauver ce qui peut encore être sauvé en sachant que seule une portion infime des connaissances et des œuvres accumulées depuis des millénaires pourra l’être, un choix vertigineux pour un combat perdu d’avance, une course contre le temps et la fatalité qui permet de souder, pour un moment, les habitants du vaisseau dans un but commun.

Mais Alastair Reynolds n’est pas tout à fait naïf et si le lecteur n’est pas long à repérer dans ce « Mémoire de métal » bien des sources de complications opportunément occultées, l’auteur n’oublie pas toujours le revers de la médaille et le resurgissement de pans dangereux de la mémoire collective, comme ce Livre sacré qui ne tarde pas à susciter de fortes dissensions.

Une mémoire comme thématique essentielle puisque tous ceux des passager qui sont des soldats possèdent en eux l’équivalent d’une « balle lente » qui est avant tout un implant, une balise personnelle destinée au suivi par leur hiérarchie, mais qui contient également l’intégralité de leur mémoire personnelle. Une mémoire qu’il leur sera possible de perdre volontairement pour accueillir en eux une part de la mémoire de l’humanité. Mémoire individuelle contre mémoire collective, choix crucial de ce que l’on veut ou doit conserver, et en définitive belle ambiguïté sur ce que nous sommes ou ne sommes pas en fonction de souvenirs dont l’authenticité peut toujours être sujette à caution. Mais on trouvera aussi dans ce « Mémoire de métal » bien d’autres thèmes comme ceux de la vengeance, de la rédemption, du sacrifice, des vertiges du temps, de l’effondrement des civilisations, ou encore du contact fatal avec d’autres entités intelligentes, qui en font au final un riche récit.


Titre : Mémoire de métal (Slow Bullets, 2017)
Auteur : Alastair Reynolds
Traduction de l’anglais (Grande-Bretagne) : Benoît Domis
Couverture : Thomas Canty
Éditeur : Bragelonne
Collection : Bragelonne SF
Pages : 190
Format (en cm) : 11 x 17,8
Dépôt légal : septembre 2021
ISBN : 9791028118921
Prix : 6,90 €



Alastair Reynolds sur la Yozone :

- Vengeresse
- La Cité du gouffre
- Le Gouffre de l’absolution
- Alastair Reynolds dans Bifrost n°69
- Alastair Reynolds dans Bifrost n°43



Hilaire Alrune
9 octobre 2021


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