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Apprivoiser la Bête
Taï-Marc Le Thanh
Gulf Stream, Echos, roman (France), fantastique, 371 pages, octobre 2020, 16€

Polly, une ado, fuit, la police aux trousses. Sa mère l’avait prévenue : si elle ne revenait pas, cela risquait de se produire. Aucun refuge n’est sûr : même sa meilleure amie l’a trahie.
Mais depuis que Polly a avalé la pilule que sa mère lui a demandé de cacher, elle a des trous de mémoire, et Paris des trous tout court là où elle est passée : l’esprit de Lilith s’est réveillé en elle, transformant son corps pour lui permettre d’échapper à la mystérieuse Faction Z...



Sous la fascinante couverture de Patrick Connan, et son très bel effet de vernis sélectif sur les yeux, « Apprivoiser la Bête » démarre sur des chapeaux de roues : Polly court, fuit, sent la situation lui échapper... et là, black-out tandis qu’elle a senti une grande force monter en elle. Une fois, deux fois, trois fois, puis l’auteur veut bien nous éclairer : sa mère travaillait sur un projet secret dans son labo, et elle a infusé une pilule avec des hormones capables de transformer une femme, créature opprimée depuis la nuit des temps, en une incarnation de Lilith, la première à avoir refuser la domination masculine. Elle-même en a pris, si bien qu’elle peut venir sauver sa fille quand la Faction Z l’a capture. Mais l’évasion ne se passe pas comme prévu, et Maman n’a qu’une dernière leçon à lui donner : apprendre à apprivoiser la bête en elle... car ce sont ses émotions, surtout la colère, qui déclenche la transformation et la perte de contrôle, qui lâche la bride à la déesse de la destruction...
Bref, cela dure 180 pages, une fois maman la sauve, puis ensuite un renégat de la Faction Z lui laisse espérer un avenir sans nuage... Taï-Marc Le Thanh s’y entend bien pour ciseler un thriller ultra-nerveux, boosté comme un film Marvel. Lilith étant un mix entre Hulk et un loup-garou, un rien plus pâle et féminine quand même.
On apprécie qu’entre deux déchaînements de violence, de face-à-face avec la Faction, l’auteur s’intéresse à la psychologie de son héroïne, entre le chagrin du deuil, les pulsions de mort et l’espoir de refonder une famille. Ce ping-pong action-émotion auquel le cinéma de genre nous a habitués fonctionne très bien.

Las, pourrais-je dire, à mi-tome on enchaine avec un autre ado, que Polly a « contaminé ». Samuel, timide, à petits problèmes, sent son corps changer, devient audacieux, jusqu’à affronter la brute de son lycée à plusieurs reprises, d’abord une bravade, puis l’humiliation finale en châtiment de ses crimes, notamment un coup à sa petite amie. Construction du jeune super-héros vue et revue (ne citons que Spider-man), avec grosse prise de confiance, désir de justice et contre-coup à payer.

Les deux ados se retrouvent, façon amants maudits, et errent pour échapper à la Faction avant de tomber sur Grand Méchant premier, qui s’est injecté du sang de Polly et est devenu monstrueux. Je vous renvoie encore à Hulk (« L’incroyable Hulk », avec Edward Norton et Tim Roth). Pif paf pouf sur la tronche, et happy end vers le soleil couchant.

Je suis très partagé sur ce roman. La première partie nous plonge dans l’action, et nous maintient en haleine malgré une répétitivité et des passages obligés de plus en plus évidents, mais elle est plutôt agréable à lire. La seconde est plus classique, avec un environnement (le lycée) et une structure (découverte du pouvoir, euphorie, etc.) déjà cent fois représentée, métaphore de l’adolescence, etc. Et surtout, on perd le message féministe très fort et ultra-martelé de la première moitié : là où Taï-Marc Le Thanh nous promettait une incarnation de la lutte des femmes, certes là encore sous un procédé connu, on se perd sur un jeune héros archi-classique. Leurs retrouvailles finales qui virent à la guimauve (grillée au feu des explosions) peinent à redonner du sens à tout cela.

Nul doute que les ados, pas encore arrivés à saturation de Marvel et DC, y trouveront leur compte, d’autant que la plume de Taï-Marc Le Thanh, nerveuse, colle bien au rythme de son récit, et on se projette sans peine les différentes scènes à l’esprit. Les plus grands regretteront ce manque de sens global, voire d’audace dans le scénario, qui font ressembler cet « Apprivoiser la Bête » à n’importe quel film des licences de comics US. Mais admettons qu’en soi, ce n’est pas si mal.


Titre : Apprivoiser la Bête
Auteur : Taï-Marc Le Thanh
Couverture : Patrick Connan
Éditeur : Gulf Stream
Collection : Echos
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 371
Format (en cm) :
Dépôt légal : octobre 2020
ISBN : 9782354888046
Prix : 16 €


Mauvaise surprise, et de taille chez Gulf Stream souvent irréprochable, une dizaine d’énormes coquilles p.91, 99, 248, 257, 271, 340, 350.


Nicolas Soffray
10 septembre 2021


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