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Silver Batal, tome 1 : Le Dragon d’Eau
K. D. Halbrook
Lumen, roman (USA), fantasy, 469 pages, mai 2019, 16€

La jeune Silver Batal habite une ville du désert, riche d’artisans de talent, comme son père, meilleur orfèvre. Mais l’adolescente est bien trop maladroite pour marcher dans ses traces, et en plus, elle ne rêve que des courses de dragons d’eau qui ont lieu dans la capitale voisine.
Lorsque la reine vient en visite avec sa meilleure dresseuse, l’idole de Silver, Sagittaria Prodigo, elle fait tout pour attirer son attention. Hélas, rien ne se passe comme prévu : elle se ridiculise, fait honte à son père et découvre la froideur de son modèle.
Suivant dans le désert une vieille voisine qui l’encourage, elle découvre deux dragons, la mère et son petit, d’une race disparue, exterminée parce que trop dangereuse en temps de guerre. Mais Sagittaria apparaît et vole la mère, Kirja. Désormais liée au dragonneau, Hiyyan, elle va aller à la capitale sauver la dragonne...



Malgré son ambiance arabisante un peu originale, toute cette histoire brasse les éléments très habituels de la littérature jeunesse de fantasy : une ado rebelle avec un ami fidèle (ici, son cousin Brajon), des rêves d’enfance déçus, et une occasion tomber du ciel de faire ses preuves...
L’autrice prend son temps pour nous immerger dans le décor coloré et chaleureux de Jaspaton, nous présenter son héroïne et son entourage. On hésite entre compassion et irritation à son égard : maladroite, têtue, elle est dans cet âge bête de rébellion, au contraire de son cousin à qui tout et tous sourient.
Une mise en place nécessaire mais longuette, qui a découragé mon lecteur-témoin de 11 ans, pourtant dévoreur de plus gros pavés. J’ai moi-même peiné, et chaque rebondissement m’a presque freiné davantage.

La découverte des dragons est aussi brouillonne que le combat qui s’ensuit, et d’assez mauvais augure pour la suite : Kristin Halbrook peine dans ses descriptions, et ses décors sont souvent problématiques, à l’image de ces cavernes souterraines sous le désert (qui relient la petite ville à la capitale) où circule de l’eau qui semble souvent échapper à la gravité. Si le trajet en souterrain est l’occasion de rencontres terrifiantes avec des créatures peu ragoutantes, l’autrice oublie fréquemment que les deux cousins n’ont pour toute lumière qu’une lampe à huile... une lueur chiche peu cohérente avec une partie de la narration.

Ils arrivent en ville après avoir vaincu un monstre qui leur donne accès à un métal « magique » qui rend invisible, un truc très rare, bien pratique et totalement prohibé (comme devrait l’être ce genre de procédé narratif). On va creuser encore l’incohérence lorsque Silver, peu douée de ses mains, arrivera à tisser une cotte de mailles pour dissimuler les ailes de son dragon avec ledit métal magique... en quelques heures à peine. Tout comme son talent pour le tricot : tout semble simplement question de motivation.
Vous en voulez encore ? Hiyyan quadruple de taille en quelques jours que dure l’histoire, il apprend finalement très bien à nager et voler sans sa mère, Jaspaton et la capitale sont de fait distants d’une journée de marche/deux heures de vol...
Bref, rien ne va.

En ville, donc, les deux cousins sont aidés par Mele, serveuse dans une auberge mais elle aussi grande amie des dragons (ô surprise, Sagittaria lui a volé le sien aussi !) et Silver aide Ferdi à arrêter la charrette des voleurs de sa monture de course. Bien habillé, bien élevé, entouré de gardes du corps, Ferdi intrigue Silver... ô surprise (encore) après la course (que Silver gagne malgré son inexpérience !), Ferdi est un prince !

On appréciera grandement, au milieu de tous ces clichés, 2 moments un peu forts et pas juste spectaculaires : la prise de conscience de Silver qu’elle a laissé son ambition, sa rage de gagner supplanter le lien fusionnel avec son dragon, et ses excuses ; puis lors de l’affrontement final entre Silver et Sagittaria, que la dresseuse montre différentes facettes, et que le temps de deux chapitres ont se pose vraiment la question de son rôle et de son camp.
Las, le combat tourne au ridicule avec un « je sors un dragon de la cage et je t’enferme avec le tien à la place » totalement irréaliste...

C’est bien simple : un jeune lecteur peu exigeant trouvera dans « Silver Batal et le dragon d’eau » un divertissement classique, bien calibré, apte à faire imaginer les effets spéciaux d’une adaptation sur grand écran. Mais dans le fond, mieux vaut relire « L’étalon noir » de Walter Farley (1941), ce sont les mêmes thèmes (rébellion face aux règles des adultes, soif de liberté, lien fort enfant-animal) qui y sont développés.
Car pour peu qu’on gratte, comme montré plus haut, on voit que l’autrice est incapable de présenter un monde et des rebondissements un tant soit peu cohérents et logiques, cédant au contraire au spectaculaire, à la poudre aux yeux dans la lignée hollywoodienne. C’est bien dommage, car tout n’est pas à jeter.

Les deux traductrices n’auront hélas pas non plus réussi à améliorer le style : le vocabulaire est souvent pauvre, certaines expressions mal à propos. Chose rare jusque-là chez Lumen, j’ai même trouvé de vilaines coquilles passé la moitié du volume, un verbe au présent alors que toute la narration est au passé... Le summum est dans doute que l’héroïne baptise son dragon page 160, mais que son nom apparaît déjà page 155...

Aurai-je le courage de lire la seconde partie, « Silver Batal et la Pierre de Coeur » (au titre tout aussi amputé que pour le premier tome) ? Il est déjà un peu moins épais, c’est déjà cela...


Titre : Silver Batal & le Dragon d’eau (Silver Batal and the water dragon races, 2019)
Série : Silver Batal, tome 1/2
Autrice : Kristin D. Halbrook
Traduction de l’anglais (USA) : Raphaëlle Pache et Laura Pertuy
Couverture et illustrations : Ilse Gort
Éditeur : Lumen
Site Internet : page FB, Instagram
Pages : 469
Format (en cm) :
Dépôt légal : mai 2019
ISBN : 9782371022256
Prix : 16 €



Nicolas Soffray
26 août 2021


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