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Tuer le fils
Benoît Séverac
Pocket, Thriller, roman (France, 2020), Thriller psychologique, 364 pages, février 2021, 7,60€

La mère de Matthieu Fabas est morte dans un accident de voiture, alors qu’il était encore jeune. Grandir à côté d’un père l’abandonnant à son sort, lui reprochant sans cesse d’être faible, le brimant, ne l’a pas aidé à se sentir bien dans sa peau. Comment être équilibré après un tel traitement continuel ? Pour montrer à son géniteur Patrick qu’il se trompait et qu’il soit fier au moins une fois dans sa vie de son rejeton, Matthieu a tué quelqu’un, salement, mais il s’est fait prendre. Même ça, il n’a pas été capable de l’éviter lui a reproché son père.
Au lendemain de sa sortie de prison, Patrick Fabas est retrouvé mort. Cela ressemble à un suicide, mais cette théorie est vite balayée et Matthieu se révèle le parfait coupable.



Benoît Séverac décrit une relation particulièrement toxique entre un père et son fils. Patrick est violent, se définit comme un homme, un vrai, il fréquente un club de motards peu recommandable et voit en son fils, un moins que rien, un échec, d’autant que ce dernier est affligé de cryptorchidie (testicules mal descendus), ce qui le décrédibilise d’autant plus aux yeux d’un mâle viril comme Patrick. Matthieu est écrasé par cette haine, ce rejet paternel, il en souffre et cherche à briser ce carcan étouffant, croyant trouver la solution dans un acte brutal et définitif.
Les années d’incarcération ont changé Matthieu qui ne cherche pas d’excuses, il trouve un exutoire dans l’écriture comme s’il extériorisait par ce biais toute la rancœur accumulée. Un atelier d’écriture lui permet d’avancer dans la vie, de trouver un nouvel équilibre. La liberté, synonyme de nouveau départ, est courte.
L’équipe à Cérisol, SRPJ de Versailles, lui met vite la main dessus. Tout l’accable. C’est même trop facile, mais rien ne prouve le contraire et bien des preuves vont dans ce sens. Le cahier où il livrait ses réflexions, ses écrits dans le cadre de l’atelier... Le plus jeune de l’équipe, Grospierres, cherche bien à le disculper, mais malgré tout son bagage universitaire il échoue. Affaire bouclée ? Ou fracture dans l’équipe de Cérisol ?

En plus du cas exposé, l’autre point fort de « Tuer le fils » réside dans le trio de policiers menant l’enquête. Cérisol, le chef de groupe, aime la confiture, la mange à la petite cuillère par pots entiers, mais cela n’affecte pas ses capacité de déduction. Seules ses aptitudes physiques en pâtissent ! Il travaille depuis longtemps avec Nicodemo, d’origine portugaise, très famille, catholique pratiquant. Dernière recrue en date, Grospierres, recrue de choix aux nombreux diplômes et rompu aux arts martiaux. Même s’il est intégré dans l’équipe, il se sent parfois exclu, car la complicité entre Cérisol et Nicodemo est ancienne. De plus, Cérisol ne cherche pas à en connaître plus sur sa vie. Il règne un certain malaise que cette enquête va alimenter, car Grospierres ne croit pas en la culpabilité de Matthieu. Cérisol, non plus, mais il faut passer à autre chose.
Les contacts humains et la psychologie figurent au premier rang de ce roman noir. Benoît Séverac excelle dans ce domaine et la construction avec ces extraits de cahiers, fenêtres sur le passé, apporte du relief à l’ensemble, jetant de l’huile sur le feu. Le malaise devient toujours plus tangible, la relation père-fils toujours plus toxique. Le lecteur ne peut rester insensible face à cette situation et l’auteur en joue. Même si rien ne peut excuser le meurtre qui a envoyé Matthieu en prison, chacun veut croire en son rachat, à un changement qui lui offrira une seconde chance dans la vie. Mais au fil du roman, l’espoir change de camp. Et si c’était lui ?

« Tuer le fils » s’avère diabolique. La psychologie humaine en est le moteur principal. Benoît Séverac la décortique pour le pire (un père rejetant son enfant), mais aussi pour le meilleur (Cérisol et sa femme aveugle, un exemple de courage). L’équilibre est toutefois fragile et cette enquête met à mal l’équipe. Les faits et l’instinct ne font pas toujours bon ménage, la confiance est difficile à gagner mais si vite perdue. À l’occasion, l’auteur en rajoute peut-être de trop comme à la fin avec la relation entre Grospierres et son épouse, mais, porté par de beaux personnages, « Tuer le fils » ne perd jamais de sa force.
Un thriller psychologique dérangeant, habile, plaçant l’humain au centre du récit. Une belle claque, laissant un arrière goût amer au fond de la bouche.
À découvrir !


Titre : Tuer le fils
Auteur : Benoît Séverac
Couverture : Raphaëlle Faguer. Photo : © Mohamad Itani/Arcangel
Éditeur : Pocket (1ère édition : La Manufacture de Livres, 2020)
Collection : Thriller
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 364
Format (en cm) : 10,7 x 17,7
Dépôt légal : Février 2021
ISBN : 9782266313841
Prix : 7,60 €


Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
9 mars 2021


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