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Un(e)secte
Maxime Chattam
Pöcket, collection thriller, n° 16668, thriller horrifique, 540 pages, janvier 2021, 8,70€


Atticus Gore et son collègue Eli « Hack » Hackenberg sont en bien fâcheuse posture. Pour ces deux flics de Los Angeles, trop d’énigmes irrésolues, trop de meurtres sans coupables, trop de dossier qui sont des échecs. Il leur faut un succès, et vite. Ils ont besoin de redorer leur blason, de montrer qu’ils sont bons à quelque chose. D’inverser le mouvement qui les fait glisser sur la pente descendante. C’est pourquoi, les yeux fermés, Gore accepte une affaire dont ses collègues veulent à tout prix se débarrasser. Une affaire qui sent le coup fourré. Dans un zoo désaffecté, un cadavre qui semble vieux de plusieurs semaines. La peau et les vêtements sur les os, et rien d’autre. Et pourtant, ces vêtements sont imbibés de sang frais – un sang qui se révèle être le sien. Incompréhensible. Tout autant que ces petits tas d’insectes écrasés que l’on retrouve un peu partout autour du corps.

« Vous traquez le mal, et j’espère que vous êtes préparée pour affronter ses sbires, car si vous poursuivez, c’est aux portes de l’enfer que vous allez vous rendre. »

En parallèle, Kat Cordell, une quadragénaire solitaire toute entière vouée à ion job de détective privée enquête sur la disparition d’une jeune fille dont elle découvre peu à peu qu’elle a été sujette à une mystérieuse emprise. Une jeune fille chez qui elle retrouve un chat mort. Doublement mort, car lorsqu’elle retourne une seconde fois examiner son appartement, le cadavre n’est plus tout à fait le même. Et des symboles ésotériques ont été gravés à même ses vertèbres.

« Tous ces moutons filent du berceau à l’abattoir sans même réaliser qu’ils n’ont été que les outils d’un système contrôlé par une minuscule poignée d’individus, les seuls qui sont libres, qui font des vrais choix. »

On s’en doute : les trajectoires tout d’abord parallèles de Hack et Gore d’un côté, de Kate Cordell de l’autre, vont peu à peu se rapprocher, puis finir par fusionner. Mais avant cela il y aura eu de part et d’autre un méticuleux travail d’enquête qui les conduira, loin de Los Angeles et de la Californie, jusqu’au Kansas, distant de plusieurs États, et à un mystérieux centre retiré de tout, dans lequel ont lieu à l’évidence des expérimentations épouvantables. Si Atticus Gore et Kat Cordell apparaissent comme des stéréotypes d’investigateurs obstinés et intègres, bien des journalistes enquêtant sur des pistes parallèles se révèlent de la même trempe – et le payeront de leur vie. Angoisse et peut-être paranoïa s’installent. Paranoïa ? Théorie du complot ? Pas si sûr. Les éléments concordants s’accumulent. Les multinationales, dotées de pouvoirs bien trop grands, se profilent. Les complicités entre police, pouvoir politiques et pouvoirs financiers se dessinent. Les manipulations ne sont pas peut-être pas seulement celles dont les sectes sont si familières, et à l’aide desquelles elles prennent une emprise pleine et entière sur les individus vulnérables, mais aussi celles qui se passent à un niveau plus élevé.

« Et si demain l’Apocalypse venait à s’abattre sur le monde, ce serait assurément de là qu’elle proviendrait. Les puits des Bourses mondiales étaient directement reliés aux Enfers. La finance contrôlait les destinées des hommes.  »

Disons-le d’emblée : l’argument entomologique reste assez limité, discret, en arrière-plan durant la quasi-totalité du roman. Que cette facette consacrée aux insectes soit peu documentée et limitée à quelques connaissances fragmentaires de médecine légale (les insectes nécrophages qui se succèdent au fil du temps sur les corps à l’abandon et dont tout lecteur de polar, même occasionnel, a déjà entendu maintes et maintes fois parler), pourra frustrer les lecteurs appâtés par le titre, la couverture ou le résumé. Cet « Un(e)secte » est avant tout un thriller maximechattemesque extrêmement classique, dans la droite ligne de ses précédents thrillers. Avec ici et là des situations et des scènes très cinématographiques sentant le déjà-vu ou le déjà-lu, mais qui n’en restent pas moins le plus souvent efficaces.

Point faible de Maxime Chattam, l’écriture, avec des passages qui une fois encore semblent non seulement avoir été rédigés trop vite, mais aussi n’avoir jamais été relus. L’auteur gâte ainsi ses descriptions horrifiques avec un lexique inapproprié, comme ce cadavre de chat dans lequel des vers “se cabrent” (des vers ou des chevaux ?), arrachant au lecteur des éclats de rire et non pas des cris d’horreur. Les avions “rugissent en butinant” (on reste donc dans le vaste domaine de la zoologie, quelque part entre le tigre et l’insecte), et, avec la phrase “Une succession de bosses hirsutes jalonnaient le chemin, et il fallut que Kat ait le nez dessus pour réaliser qu’il s’agissait de poules qui dormaient en liberté, en pleine ville”, on découvre des poules hirsutes, c’est-à-dire velues, ce qui peut procurer un bien légitime sentiment d’épouvante. Mais – tremblez lecteurs ! – la topographie elle-même s’anime : “Un étang impromptu se dressa devant elle.” Un étang qui se dresse ! Au moins ne se cabre-t-il pas comme le ver, on a failli avoir peur. Et puis, Maxime Chattam manque quand même un tantinet de délicatesse : “Kat haletait de peur et mit plusieurs minutes à redescendre en pression” : pas très galant, tout de même, de comparer cette femme jeune encore avec une chaudière. Il est vrai que les confusions de vocabulaire apparaissent dès le premier chapitre, lorsque (en page treize), Maxime Chattam confond la tranche et le dos des livres. Il n’a donc fait aucun progrès (du moins sur ce point) depuis 2008, année de publication de « L’Alliance des trois » au sujet duquel nous avions fait la même remarque.

Peu importent ces détails : il faut passer sur ces scories et goûter les scènes parfois convenues comme l’on peut goûter les déclinaisons sans nombre de situations analogues des séries télévisées et des longs métrages hollywoodiens En dépit d’un dernier quart de roman qui ravive l’intérêt, on garde en définitive une impression mitigée de cet « Un(e)secte » qui se lit sans déplaisir mais au final n’apparaît pas comme un des meilleurs romans de Chattam. Mais qui pourrait bien en annoncer d’autres puisqu’en mettant en scène un policier dans l’air du temps (homosexuel et amateur de métal) brossé à gros traits et finalement très conventionnel dans le rôle du flic-obstiné-envers-et-contre-tout, et une investigatrice quadra tout aussi volontaire, l’auteur pourrait bien avoir trouvé le couple gagnant pour une nouvelle série d’enquêtes propres à faire frémir.


Titre : Un(e)secte
Auteur : Maxime Chattam
Couverture : Laurent Besson
Éditeur : Pocket (édition originale : Albin-Michel, 2019)
Collection : Thriller
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 16668
Pages : 540
Format (en cm) : 11 x 17
Dépôt légal : janvier 2021
ISBN : 9782266269117
Prix : 8,70 €


Maxime Chattam sur la Yozone :

- « Le Signal »
- « La Conjuration primitive »
- « Prédateurs »
- « La Théorie Gaïa »
- « L’Alliance des Trois »
- « Le Coma des mortels »
- « Les Arcanes du Chaos »


Hilaire Alrune
5 mars 2021


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