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Amour, la mort (L’)
Dan Simmons
Pocket, SF, recueil traduit de l’anglais (États-Unis), science-fiction/fantastique/horreur, 510 pages, janvier 2021, 8,70€

Dan Simmons a arpenté bien des genres, ne se cantonnant pas à un seul, préférant se réinventer, explorer de nouveaux territoires pour mieux surprendre son lectorat. Science-fiction, fantastique, horreur, thriller, littérature plus générale, rien ne semble lui résister.
« L’amour, la mort » contient cinq récits, allant de la nouvelle au court roman. L’auteur prend le temps d’installer les personnages, le décor et l’ensemble fait son effet.



En introduction, Dan Simmons évoque le contenu de ce recueil, sa genèse, avant de rentrer dans le vif du sujet avec “Le lit de l’entropie à minuit”. Un père part quelques jours en vacances avec sa fille. Après l’armée, il a travaillé dans les assurances, compilant dans un dossier les cas les plus improbables de sa carrière. Pas de quoi rassurer, alors que sa fille veut absolument dévaler la piste de bobsleigh.
Drame familial, détresse humaine, peur d’un futur aux mains de nombreux irresponsables... la toile de fond est posée, le père nage dans une inquiétude permanente, tant il sait que la vie est fragile.

“Mourir à Bangkok” met en scène un ancien GI retournant dans cette ville pour retrouver une femme, du moins selon son apparence. Il se souvient de son premier passage à Bangkok qui s’est terminé en drame, et demande des décennies plus tard réparation. Fantastique au programme avec une touche d’horreur, dépaysement avec voyage dans les bas-fonds à la rencontre de la perversion. Un vrai malaise s’en dégage.

Un Indien raconte un épisode glorieux du passé : le rêve de Blaireau Boiteux qui est parti de sa tribu pour embrasser sa destinée. “Coucher avec des femmes dentues” s’avère très prenant. On peut y voir une réaction au film « Danse avec les loups » de Kevin Costner, un rejet de la vision que ce dernier a donné des Indiens. Celui qui raconte l’histoire en manifeste son dégoût. Dan Simmons surprend, il séduit par cet imaginaire envoûtant, par des développements inattendus installant ces croyances dans une certaine réalité. Vraiment magnifique !

“Flash-back” est le seul récit relevant de la SF. C’est le nom d’une drogue permettant de revivre des épisodes du passé. Les États-Unis ont perdu de leur superbe, vivent dans un passé révolu à travers les souvenirs heureux et glorieux. Dans la famille au cœur du récit, chacun s’immerge dans des jours disparus. La mère veut encore ressentir le grand amour, le grand-père changer un drame qu’il n’a pourtant pas vécu et le plus jeune cherche à éprouver le grand frisson pour le revivre sans cesse et pouvoir en jouir.
Une vingtaine d’années après la rédaction de ce texte, l’auteur a développé cette idée sur la longueur d’un roman décrié pour ses idées extrémistes. Dans l’entretien figurant dans le numéro 101 de « Bifrost », il évoque justement cette nouvelle comme pour se dédouaner et édulcorer son propos. Il s’en dégage déjà une certaine nostalgie du passé, celui de la toute puissance du pays et de sa perte d’identité depuis. Doit-on lire cette nouvelle en prenant en compte les dérives de l’auteur qui transparaissent, parce qu’on ne peut s’empêcher de les chercher ? Ou s’abandonner à ce récit et à cette boucle dont certains ne veulent pas sortir ? La seconde option est bien plus satisfaisante.

« L’amour, la mort » s’achève en beauté avec le court roman “Le grand amant” se déroulant dans la boue de la Somme en pleine guerre de 14-18. Le poète et lieutenant James Edwin Rooke raconte l’inhumanité de ce conflit, la boucherie des assauts, l’hécatombe fauchant les hommes de toutes les manières possibles et imaginables. Ce journal de bord est d’une grande force d’évocation, le lecteur a beau savoir à quoi s’attendre, ces récits font toujours grand effet. Impossible de rester de marbre, de ne pas être happé par l’ambiance générale. Le poète trouve du réconfort en la personne d’une femme lui apparaissant de temps à autre et lui insufflant la force et le courage de se relever, de repartir au front. Un vrai morceau de bravoure rehaussé par des passages de poèmes, symboles de beauté au milieu de tant d’horreurs. Un roman impressionnant récompensé par le Grand Prix de l’Imaginaire 1996.

Datant de 1993, « L’amour, la mort » offre un bel aperçu du talent de Dan Simmons à surprendre, à se renouveler tout au long des cinq récits au sommaire, allant de la nouvelle d’une cinquantaine de pages au court roman dépassant les 160. Le passé y est omniprésent, l’amour de la vie transparaît ici mais la mort rôde toujours, fruit du hasard ou plus certainement de la folie humaine.
Un condensé recommandable de l’imaginaire varié et stimulant de Dan Simmons, un conteur formidable qui séduit le lecteur, l’entraînant sans coup férir dans sa prose.

À noter : la quasi totalité des ouvrages de Dan Simmons est disponible chez Pocket.


Titre : L’amour, la mort (Lovedeath, 1993)
Auteur : Dan Simmons
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Monique Lebailly
Couverture : Nicolas Caminade
Éditeur : Pocket (1ère édition : Albin Michel, 1995)
Collection : SF
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 510
Format (en cm) : 10,8 x 17,7
Dépôt légal : janvier 2021
ISBN : 9782266298063
Prix : 8,70€


Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
23 février 2021


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