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Mother Code
Carole Stivers
Bragelonne, collection Bragelonne SF, traduit de l’anglais (États-Unis), science-fiction, 413 pages, octobre 2020, 18,90€


À la fin des années 2040, un programme d’arme biologique est expérimenté en Afghanistan, pour faire périr à coup sûr des combattants retirés dans les grottes montagneuses. Mais si cette entité biologique disséminée à travers les airs est bel et bien fatale et non transmissible, le mourant n’excrétant qu’une forme inactive et non dangereuse, l’impasse représentée par l’être humain pour cet agent invasif se trouve contournée par les ressources de la nature : il s’avère que de nombreuses espèces de bactéries primitives, nommées archéobactéries, se révèlent, à la différence des humains, capables d’intégrer cette forme inactive et de la restituer sous forme active et bien entendu contaminante. Or, de telles archéobactéries sont à peu de choses près ubiquitaires, donc impossibles à détruire en totalité, et qui plus est disséminées par les vents. À défaut d’antidote, la mécanique inexorable du pire se mettra en marche : rien moins, en l’espace de deux ans, que la destruction complète de l’humanité.

En parallèle, le roman s’intéresse au sort d’enfants qui, au début des années 2050, survivent isolément sur des terres en apparences dévastées. Chacun d’eux a été élevé par une mère robot, une intelligence artificielle capable de prendre soin d’eux, de les élever, de les défendre, et de les mener, par voie terrestre ou par la voie des airs, à des dépôts de nourriture qui semblent avoir été intentionnellement construits. Chaque enfant recherche d’autres enfants, et finira, peut-être, par retrouver une partie d’entre eux.

Ces deux lignes temporelles, comme de juste, seront menées parallèlement puis tangentiellement jusqu’à enfin fusionner. On a donc d’une part une mécanique implacable de techno-thriller, ou plus exactement de technobiothriller, d’autre part une anticipation plus ambitieuse qui cherche à décrire un mode de survie, une technique développée par une humanité condamnée pour passer de justesse le cap de cette épidémie létale et, à défaut de survivre, au moins de se perpétuer.

Comme souvent dans les romans américains, l’intrigue ne concerne vraiment que le pays, l’arrière-plan planétaire étant rapidement négligé, pour ne pas dire totalement oublié. Ce qui se passe en dehors des frontières, on l’ignore, on suppose que tous sont morts, et que cela importe peu. La contribution de l’humanité non nord-américaine aura été réduite à quelques terroristes afghans (qu’il fallait bien tuer, aussi est-ce de leur faute si l’on a inventé cette arme biologique), un scientifique américain d’ascendance pakistanaise (donc vraisemblablement terroriste lui aussi) destiné à justifier un ressort de l’histoire, et quelques pays brièvement mentionnés ici et là, pour montrer que l’épidémie s’est progressivement étendue, et pour justifier la destruction par des missiles d’installations américaines.

Si certains aspects du roman sont une vraie réussite – le postulat biologique est joliment trouvé, entièrement cohérent et bien plus vraisemblable que ceux de bien des romans prétendument de « hard-science » –, si l’écriture et les concepts à la portée de tous rendent la lecture particulièrement aisée, d’autres aspects pourront laisser le lecteur sur sa faim : l’idée de confier des bébés génétiquement modifiés à des intelligence artificielles programmées en catastrophe pour accompagner leur développement peine à générer la suspension d’incrédulité nécessaire. Et que les enfants, dans les chapitres qui leur sont consacrés, se comportent en tous points comme s’ils avaient été élevés, durant des années, dans des environnements habituels et dans une ambiance riche en interactions sociales pourra peiner à convaincre.

De la suspension d’incrédulité, il en faudra donc beaucoup au cours de la seconde partie, qui, en toute subjectivité, et pour aboutir à une conclusion – relativement – optimiste en forme de happy end, fera appel à plus d’un « deus ex machina » technique et informatique, à plus d’une péripétie pas tout à fait facile à accepter. Une seconde moitié intéressante mais sans doute plus faible, qui paraît très et trop axée « young adult ».

Bilan mitigé, donc, pour ce « Mother Code » dont l’argumentaire précise qu’il devrait être adapté au cinéma (ou tout du moins produit) par Steven Spielberg. On peut le lui souhaiter, car l’idée d’enfants abandonnés à des machines et désespérément recherchés par une mince poignée de scientifiques et de militaires survivants, mais à l’agonie, a bien plus que le potentiel émotif nécessaire. Un roman très humain, donc, un récit d’apocalypse virale qui aura eu l’étrange destin de sortir en pleine pandémie, et qui, en France tout du moins, aura, par la malchance d’une sortie programmée dans une période soumise au confinement, souffert d’un considérable manque de visibilité.


Titre : Mother Code (The Mother Code, 2020)
Auteur : Carole Stivers
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Annaïg Houesnard
Couverture : Shutterstock
Éditeur : Bragelonne
Collection : Bragelonne SF
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 413
Format (en cm) : 14 x 21
Dépôt légal : octobre 2020
ISBN : 9791028117221
Prix : 18,90 €


Un peu de pandémie ou de post-apocalypse sur la Yozone :

- « Le Facteur » de David Brin
- « Positif » de David Wellington
- « Apocalypse zombie » par Jonathan Maberry


Hilaire Alrune
15 janvier 2021


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