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Chemins de l’exode (Les)
Peter F. Hamilton
Bragelonne, traduit de l’anglais (Grande-Bretagne), science-fiction, 476 pages, septembre 2020, 25€

Tout comme dans « La grande route du Nord », Peter F. Hamilton nous emmène dans un monde futur qui, s’il n’est pas celui du Commonwealth abordé dans son cycle de Pandore, en est néanmoins proche dans ses grandes lignes. Un univers futuriste déjà abordé dans « Les Portes de la délivrance », premier volume de cette imposante saga, dans lequel l’auteur, fidèle à son habitude, multipliait et entrecroisait les intrigues.



Ces « Chemins de l’exode » se déroulent sur trois trames narratives parallèles. La plus fournie, celle qui se déroule en 2204, montre l’attaque de la terre et de ses colonies planétaires par les Olyix qui s’étaient présentés comme les amis de l’humanité, disposés à troquer avec elle de l’énergie contre les cellules K, une biotechnologie capable de mettre fin à mille maux humains. La seconde, en l’année 54 après bioformation, relate les aventures de Dellian, Yrella et autres combattants dont le lecteur avait, dans « Les Portes de la Délivrance » suivi l’adolescence et l’entraînement sur la planète Juloss, en vue non seulement de la survie de l’humanité, mais de la reconquête des territoires perdus. La troisième, enfin, dans l’année 56 après Bioformation, met en scène une mystérieuse entité déployée à la limite du monde matériel et capable, peut-être, de mettre les vaisseaux Olyix en échec.

« Grâce à leurs places au premier rang, et l’impact de l’invasion ne se faisant pas encore sentir, Adam et lui s’installèrent confortablement pour assister à la fin du monde en haute résolution et en couleurs. »

Les Olyix sont fous. Obnubilés par leur pèlerinage aux confins de l’espace, ils ont décidé d’offrir en obole à leur dieu de la fin des temps l’intégralité des espèces pensantes. Dont l’espèce humaine toute entière. Les voilà donc, ouvrant une porte transstellaire à travers leur gigantesque vaisseau dénommé Le Salut de la vie, par laquelle déferlent drones, missiles et vaisseaux d’attaque destinés à moissonner les humains. La résistance s’organise tant bien que mal, mais les défenses sont rapidement mises en difficulté, à commencer par celles des centres de commandement. Les Olyix se sont déjà infiltrés partout, mimant les humains, sabotant les usines énergétiques alimentant les dômes qui protégent les villes, piratant les installations des humains.

« Les gens fondaient, leurs muscles se dissolvaient pour alimenter d’étranges excroissances sur leur torse. Les membres rabougrissaient, les côtes s’élargissaient pour former une carapace protectrice autour d’organes en train de muter. Dans les cas les plus avancés, les yeux et les oreilles étaient aspirés dans le crâne, les monstres que les victimes étaient en train de devenir n’en ayant plus besoin. »

Ces humains, les Olyix ne cherchent pas à les tuer, mais simplement à les enlever, les empiler par millions, les transformer et les réduire à un état proche de celui des larves, ne conservant pas grand-chose d’autre que leurs cerveaux. Comme souvent chez Hamilton, les pires théories du complot se révèlent justes : les miraculeuses cellules K n’étaient que les chevaux de Troie de métamorphoses particulièrement hideuses. Voilà donc l’humanité contrainte à se battre pied à pied, à fuir comme elle peut, à se cacher entre les étoiles, à ouvrir à travers la galaxie un front de colonisation gigantesque et sans cesse mouvant : terraformer des planètes, s’y installer pour reprendre des forces, mais s’enfuir au terme de quelques générations, à bord de vaisseaux ou par les portails transstellaires, quand les Olyix les retrouvent.

« L’ironie, c’est que nous sommes devenus si bons pour garder le silence que nous n’avons plus aucun contact avec les autres humains. Il y a tellement de vaisseaux générationnels que, statistiquement, certains finiront par se rencontrer dans un nouveau système planétaire. De l’autre côté du noyau galactique, notamment. Mais nous n’en saurons jamais rien. »

S’ouvre donc un jeu du chat et de la souris d’une ampleur inusitée entre les traqueurs et les traqués, ces derniers espérant bien, grâce aux progrès technologiques développés dans leur fuite, par renverser un jour la situation. Mais les Olyix progressent également, et les surprises abondent dans ce jeu d’échecs qui se joue à l’échelle de la galaxie – tout de même quelques centaines de milliards d’étoiles – et au fil des générations.

Deux enjeux, deux mythes peut-être. D’une part l’Enclave, le monde d’origine des Olyix, “une section d’espace-temps”, explique un personnage, “dans laquelle le temps s’écoule plus lentement qu’à l’extérieur, produisant le même effet qu’un voyage dans le futur, un peu comme un vaisseau relativiste qui ne bougerait pas. Le cours du temps peut y être manipulé, devenir normal pour permettre à leurs vaisseaux d’émerger ou à leur réseau de détection de les prévenir de l’apparition d’espèces intelligentes dans la galaxie”. Réussir à extraire de l’esprit unique des vaisseaux Olyix les coordonnées de cette enclave serait un pas décisif vers la victoire. D’autre part le Sanctuaire, terre ou espace mythique des humains, auquel les fuyards croient, ou veulent croire, dans les années futures d’une humanité dispersée.

La station Kruse, dans le système Delta Pavonis, le centre de commandement des Utopiaux, Londres, New York, la Lune, la planète Vayan, l’astéroïde McDivitt, la station Librae, et bien d’autres encore : une profusion de lieux, une profusion de personnages (dont fort heureusement l’auteur présente la liste et la fonction en début de volume), une multitude d’inventions technologiques (comme ces imprimantes tridimensionnelles à base de tissu neural dont le niveau de conscience augmente en fonction de la complexité des tâches qu’elles sont capables d’exécuter), et toujours ce goût de Peter F. Hamilton pour les civilisations extraterrestres et les « Big dumb objects », artefacts titanesques à l’échelle d’astéroïdes et même de planètes, qui garantissent au lecteur un dépaysement d’envergure.

Les puristes et les acharnés trouveront dans ce volume quelques phrases incorrectes “ Les drones rampaient sur un relais électrique fournissant en énergie les bâtiments qu’Ollie passait devant. ” (page 23), ou “ Elles avaient passé le siècle précédent à supprimer toute dissidence urbaine et à mater les insurrections à l’étranger, jusqu’à ce que leurs prétentions à l’invincibilité et leur arrogance les faisaient se vautrer dans une autosatisfaction criminelle. » (page 311), vétilles que l’on pardonnera volontiers au traducteur qui a déjà à son actif – car ce sont toujours d’épais volumes – quelques milliers de pages de Peter F. Hamilton élégamment traduites. Les esprits chagrins reprocheront à l’auteur quelques points de détail (une pincée du politiquement correct d’aujourd’hui, tout comme le parkour et la maladie d’Alzheimer, transposés dans deux siècles, apparaissent anachroniques), mais, là encore, ce ne sont que d’infimes détails.

L’essentiel, c’est que fidèle à lui-même, Peter F. Hamilton parvient à mêler des éléments de space-opéra, de thriller, de récit d’aventures, de cyberpunk et de biopunk en un tout cohérent. Scènes d’action, combats spatiaux ou terrestres, suspense, révélations, rebondissements et mystères omniprésents : plus encore qu’avec « Les Portes de la Délivrance » , le lecteur se laisse emporter. Et ne referme le volume qu’avec un seul regret, celui de devoir attendre la suite.


Titre : Les Chemins de l’exode (Salvation Lost, 2019)
Auteur : Peter F. Hamilton
Série : Salvation (The Salvation sequence) tome II
Traduction de l’anglais ( Grande-Bretagne) : Nenad Savic
Couverture : Anna Kochman / Agsandrew / Shutterstock
Éditeur : Bragelonne
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 476
Format (en cm) : 15,2 x 23,6 x 3,3
Dépôt légal : septembre 2020
ISBN : 9791028113803
Prix : 25 €



Peter F. Hamilton sur la Yozone :
- Le cycle Salvation
« Salvation tome I : Les Portes de la Délivrance »
- La grande route du Nord
« La grande route du Nord Tome I »
« La grande route du Nord Tome II »
- Les Naufragés du Commonwealth
tome II « Une nuit sans étoiles »
- La trilogie du vide
tome I « Vide qui songe »
tome III « Vide en évolution »
- La tétralogie de Pandore
tome I « Pandore Abusée »
tome II « Pandore menacée »
tome III « Judas déchaîné »
- La trilogie Greg Mandel
tome I « Mindstar »
tome II « Quantum »
tome III « Nano »
- Un volume de nouvelles
« Manhattan à l’envers »


Hilaire Alrune
19 octobre 2020


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