Un cimetière unique, un lieu qui représente une part non négligeable de l’histoire de l’hexagone, où “ s’éternise une France du dessous ” fameuse, pléthore de dirigeants, scientifiques, militaires, artistes, littérateurs, depuis la Révolution jusqu’à nos jours : le cimetière du Père-Lachaise, explique Christian-Louis Eclimont, est un “ rébus de destins entrecroisés, un roman ininterrompu de mœurs, de politique, aux inflexions tant littéraires que philosophiques. ”
Ce rébus, il l’aborde à travers une “ Brève histoire du lieu ”, rappelant sa création en 1804 en raison de la saturation des cimetières existants, son surnom populaire qui finit par s’imposer ( celui d’un ecclésiastique qui n’y fut jamais inhumé ), sa vocation, déterminée par le préfet Nicolas Frochot, de répondre à des considérations élémentaires d’hygiène mais aussi à une vocation artistique, et sa conception par l’architecte Alexandre-Théodore Brongniart qui passa en en tour de main des hôtels particuliers à ces autres logements particuliers que constituent les habitations d’une nécropole, dans lesquels il devait prendre place en abandonnant la suite des opérations à Étienne-Hippolyte Godde.
Un million d’inhumations au total, près de soixante-dix mille tombes dans ce lieu pas toujours paisible où l’on combattit et mourut dans les combats de 1814 et les affrontements de 1871, et dont l’attractivité fut soigneusement construite par le transfert en grande pompe des dépouilles de personnages célèbres : Héloïse et Abélard, le philosophe et académicien Victor Cousin, Molière, La Fontaine et bien d’autres. Dès lors, les vivants n’avaient plus qu’une hâte : s’y faire enterrer à leur tour.
Molière, La Fontaine
“ Entrée des médiums et de leurs proches ou disciples ”, “ La Révolution, le Directoire, le Consulat et autres ”, “ L’Empire”, “ De la Restauration à la commune ”, “ De la IIIème à la V République ”, “ Écrivains – la Camarde et la plume”, et enfin “ Écrans, ondes faits-divers et planches ” : en sept parties, Christian-Louis Eclimont brasse plus de deux siècles d’histoires et nous présente plusieurs centaines de célébrités. Pour orienter le lecteur, chaque chapitre est précédé d’une “ Liste des protagonistes par ordre d’inhumation ” qui permet de choisir qui l’on voudra rencontrer.
De Molière à Alain Baschung, d’Héloïse à Pierre Daninos, de Papus à Pierre Dac, de Sophie de Condorcet à Edith Piaf, en passant par une foule de personnages historiques, pour certains encore connus de tous, pour d’autres à la gloire déjà étiolée, le ballet fantôme apparaît surpeuplé. Entre biographies et anecdotes, entre bons mots et mots de la fin (“ soit c’est ce papier peint qui disparaît, soit c’est moi ”, aurait ajouté Oscar Wilde après son fameux “ Je meurs comme j’ai toujours vécu, au-dessus de mes moyens ”), on retrouve les facettes sans nombre de la comédie humaine. Invitation à la promenade à travers ce cimetière monumental qui est aussi un cabinet de curiosités posthumes, ce « Grand livre du Père-Lachaise » nous fera aussi découvrir des personnages inattendus, la doyenne des spirites du début du vingtième siècle Rufina Noeggerath, l’inventeur de la phrénologie Franz Joseph Gall, le barbouze avant la lettre Jacques-Marie Guerry de Beauregard (1783-1868), également marquis d’Orvault, le docteur Joseph-Ignace Guillotin, connu pour sa manière d’abréger les souffrances humaines, le physicien aéronaute Etienne-Gaspard Robert, le marin Denis Decrès (1761-1820) tué à son domicile par l’explosion d’une machine infernale, le gastronome Jean-Anthelme Brillat-Savarin, la première femme aérostière Sophie Blanchard, l’inventeur du gazomètre Frédérick-Albert Winsor, l’explorateur et géographe Henri Duveyrier, Adolphe Sax, qui déposa le brevet du saxophone, le chansonnier Jules Jouy, membre du Club des Hydropathes qui sombra dans la démence, Camille Crespin du Gast, première femme pilote automobile – et bien d’autres personnages remarquables. Dans le registre des écrivains, nombre d’auteurs classiques qui auront laissé à plus d’un de mauvais souvenirs scolaires, mais aussi des auteurs de contes fantastiques qui pourront intéresser les lecteurs de genre : Charles Nodier, Gérard de Nerval, Auguste Villiers de l’Isle-Adam ou encore Oscar Wilde, et même Auguste Blanqui, fameux pour son « Eternité par les astres » qui est une véritable théorie du multivers.
Médium, une présence, un signe
Les amateurs d’architecture et de statuaire ne seront pas lésés puisque ce fort volume est agrémenté de plus de cent-soixante photographies de l’auteur. Stèles, statues caveaux, tombeaux, mausolées, inscriptions sont donc abondamment représentés. Si un sommaire détaillé et un index par division permettent de trouver facilement son chemin à travers l’ouvrage, la chose sera moins facile dans le monde réel. Il manque en effet un plan, mais le taille et le poids du volume le feront ranger non pas du côté des guides à emporter avec soi, mais plutôt sur le rayonnage des beaux-livres. Un fort ouvrage relié à feuilleter au coin du feu, et dont l’iconographie permettra de découvrir les mille merveilles d’un lieu unique et singulier.
Le Grand Livre du Père Lachaise
Auteur : Christian-Louis Eclimont
Couverture : Jef Cortes
Éditeur : Hugo et Cie
Collection : Hugo Image
Pagination : 254 pages couleur
Format : 24 x 18 cm
Dépôt légal : mai 2020
ISBN : 9782755643213
Prix : 24,95 €
