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E-Réel
Aurélie Zerah
La Martinière, Fiction J, roman (France), techno-thriller, février 2020, 302 pages, 14€

William est agent d’accueil à Kappa Circle, une grosse société qui développe jeux vidéo et logiciels plus utilitaires. Suite à une alerte sécurité, il est contacté par Tim, une hackeuse qui lui demande de la mettre en rapport avec Hadrien Delcazan, l’un des ingénieurs de Kappa. William se voit déjà dans le rôle d’un espion, qui flatte ses rêves de grandeur, tandis que Zack, son colocataire agent de sécurité, se moque et tente de le ramener sur Terre. L’affaire s’envenime vite : Hadrien ne lui fait pas entièrement confiance, Tim se fait très insistante, apparaissant sur divers écran pour le presser de remplir sa mission. William va découvrir qu’il a mis le doigt dans une affaire bien plus explosive qu’il ne l’espérait...



Bon, il n’y a que lui pour ne pas comprendre très vite que Tim est une Intelligence Artificielle. Le lecteur aura la puce à l’oreille dès les indices saupoudrés dans le premier chapitre sur les mystérieux travaux de Kappa sur les IA, voire dès la couverture au design fort explicite.

« E-réel » s’avère un solide techno-thriller, et si le genre peut paraître rebattu, surfant sur le délicat équilibre entre ce qu’ont compris le lecteur et le protagoniste, Aurélie Zerah se sort fort honorablement de l’exercice en proposant un roman dans les plus purs codes du genre, assorti de l’estampille grands ados/jeunes adultes.
Sa grande force est d’en faire une sorte de buddy-movie, en mettant au centre de son histoire un duo aussi éculé que fonctionnel : deux ratés, aux rêves de grandeur plus ou moins fanés, deux post-ados accros aux jeux vidéos, affamés de potins numériques et légèrement complotistes, qui se complètent dans leurs défauts. Elle va les confronter à des gens qui ne plaisantent pas, et rétifs à se confier à eux. Hadrien sera plus ambivalent, du fait de son rôle trouble qui se révélera peu à peu, et s’il n’attire pas tout de suite la sympathie il est le personnage central de cette histoire. On appréciera que le rôle du super-agent du gouvernement (ou des Men in Black) soit confié à une femme, abaissant davantage le niveau de compétence et de compréhension des deux garçons.

L’intrigue bascule dans le dernier tiers, lorsqu’on croit Tim sauvée, vers une nouvelle dimension dont on n’avait eu que des miettes au début : le rôle des IA, un projet médical de monde virtuel de convalescence, l’apparition surprise d’un vrai hackeur lui aussi ambivalent (avant qu’il révèle son vrai visage de Grand Méchant). L’influence de « Matrix » est prégnante, au point qu’« E-Réel » pourrait en être un lointain préquel.

Je suis un peu dubitatif sur l’intérêt des deux chapitres qui encadrent le roman, avec son protagoniste amnésique au sujet de cette affaire, bien plus tard. Laisser planer le doute sur son identité n’apporte rien de plus, et le roman aurait simplement pu se terminer sur les projets en suspens de Tim. Un petit plus finalement de trop.

En conclusion, « E-Réel » est fort agréable à lire, déployant une écriture, un vocabulaire, des dialogues calibrés pour les 15-20 ans, et aborde des problématiques contemporaines, souvent soulevées par William sur l’écologie, l’emploi, l’infantilisation des masses, les menaces numériques. De quoi démarrer une réflexion sur le sujet, au fil d’une lecture qui tient en haleine assez rapidement, au rythme d’un film. On l’imagine d’ailleurs aisément transposé à l’écran, tant son découpage est calé sur les codes du cinéma.


Titre : E-Réel
Autrice : Aurélie Zérah
Couverture :
Éditeur : La Martinière Jeunesse
Collection : Fiction J
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 302
Format (en cm) : 21 x 14 x 2
Dépôt légal : février 2020
ISBN : 9782732494722
Prix : 14 €



Nicolas Soffray
30 septembre 2020


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