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Sigló
Ragnar Jónasson
Éditions de La Martinière, roman traduit de l’islandais, policier, 270 pages, septembre 2020, 21€

La nuit du jeudi saint, l’inspecteur Ari Thór est appelé pour ce qui ressemble à un suicide, celui d’une jeune fille qui se serait jetée d’un balcon. En l’apprenant, la mère est effondrée mais ne croit pas du tout que sa fille ait pu mettre fin à ses jours, penchant pour un meurtre. Ari promet de mettre toute la lumière sur ce cas tragique.
Lorsque Ugla, une ancienne connaissance, lui signale qu’un pensionnaire d’une maison de retraite a écrit sur le mur de sa chambre : elle a été tuée, les deux font le rapprochement avec la mort de la jeune fille. Ces écrits sont à prendre avec une pincette, car il n’a plus toute sa tête et sa chambre ne donne pas sur le lieu du drame. Pourtant Ari ne peut ignorer ce fait.
Alors que sa femme doit passer le week-end de Pâques à Siglufjördur, l’occasion pour Ari de passer du temps avec son fils de 3 ans, cette affaire vient ternir la joie des retrouvailles et, comme si cela ne suffisait pas, une tempête de neige se profile.



Il aura suffit de deux romans « Snjór » (2016) et « Mörk » (2017) à Ragnar Jónasson pour conquérir le public français. Les lecteurs se sont rapidement attachés au personnage d’Ari Thór qui a choisi le petit port de pêche de Siglufjördur, tout au nord de l’Islande, comme première affectation. Il est à signaler que l’ordre de publication française ne reflète en rien l’ordre chronologique des « Enquêtes de Siglufjördur ». Si « Snjór » est bien la première histoire à se dérouler dans la petite bourgade, « Mörk » est en réalité la cinquième, ce qui donne un dénouement étonnant à la relation d’Ari avec Kristine restée à Reykjavik et Ugla rencontrée au nord de l’Islande. Depuis ce vide a été comblé avec les parutions de « Nátt » et « Sótt » en 2018 et de « Vík » en 2019.
L’engouement pour cette série ne s’est jamais démenti et pour cette sixième enquête, « Sigló » (contraction de Siglufjördur), les Éditions de La Martinière ont réussi un beau coup éditorial, car il s’agit d’une avant-première mondiale. L’auteur s’en explique dans une lettre manuscrite en début de volume. Pour la première fois, l’édition française n’est pas une traduction de l’anglais, mais de l’islandais.
Ultime précision : le personnage d’Ari Thór est apparu pour la première fois en 2009 dans « Fölsk nóta », roman inédit dans notre langue mais ne ressortant visiblement pas du cycle de Siglufjördur.

Avec Ragnar Jónasson ne vous attendez pas à du sanglant, à de l’action à tout-va, à des meurtres en rafale pour relancer l’intrigue ou à un rythme effréné jusqu’à résolution de l’affaire. Rien de tout ça ici, les personnages sont tout simplement humains. Ari a une vie à côté, il éprouve des sentiments, de l’empathie envers les famille de victime et a un sens aigu de sa mission, cherchant aussi bien à expliquer les actes qu’à panser les âmes. Pour ce faire, il prend le temps de poser des questions, écoute ce qu’on lui raconte même si le rapport n’est que très lointain. Beaucoup auraient conclu de suite à un suicide et seraient passés à autre chose, mais pas lui, réceptif à la détresse de la mère et désireux d’apporter des réponses, même s’il s’agirait bien d’un suicide ce que rien ne semble démentir. De même, il ne traite pas à la légère le message d’un vieil homme sénile.

Depuis le début, Ari connaît une relation compliquée avec sa compagne Kristín et qui n’est pas sans servir de fil rouge au long de ses enquêtes. Séparés, ensemble... il y a des hauts, beaucoup de bas et un fils Stefnir qu’Ari ne voit quasi plus, maintenant que Kristín est partie poursuivre ses études en Suède. Il comprend bien que cela ne peut plus continuer ainsi, que cette histoire est morte depuis longtemps et que toutes les tentatives de sauver leur couple sont vouées à l’échec. Ari vit avec ce constat qui le mine et l’empêche d’avancer dans une vie qui lui tend pourtant les bras. Ne doit-il pas tourner la page définitivement ?
Il s’agit d’un personnage très attachant, comme cette petite ville au climat rude où Ari a enfin été accepté.

« Sigló » s’apparente à un retour aux sources, car ce roman possède bien des points communs avec « Snjór ». Ugla qui l’avait à son arrivée détourné de Kristín se manifeste à nouveau, une terrible tempête de neige se profile, menaçant d’isoler Siglufjördur du pays et surtout Ari a pris la place de son mentor, prenant sous ses ordres une recrue sans expérience, comme s’il voulait lui accorder la chance dont il a bénéficié voilà quelques années. Les amateurs ne pourront manquer ces clins d’œil, rappels au début de cette série qui a rapidement rencontré un succès mérité dans notre pays.

« Sigló » poursuit brillamment les « Enquêtes de Siglufjördur », reprenant sans faillir les marqueurs de la série : le mystère autour d’une mort, un autre cas développé en parallèle qui se rapporte plus ou moins avec la précédente et bien sûr le quotidien d’Ari Thór dans la petite ville côtière de Siglufjördur. Le policier doute toujours, mais ne baisse jamais les bras avant de mettre toute la vérité sur l’affaire.
L’amateur de Ragnar Jónasson entrera dans ce roman avec une certaine jubilation, goûtant chaque détail en connaisseur. Le néophyte appréciera aussi l’incursion, avec de fortes chances après coup de vouloir découvrir les autres enquêtes d’Ari. Rien de plus normal, car le cosy murder à la Ragnar Jónasson offre un incomparable plaisir de lecture et un dépaysement islandais bienvenu.

Si vous ne connaissez pas l’auteur, n’hésitez pas à lire un de ses livres. Pourquoi pas « Sigló », une bonne porte d’entrée dans les « Enquêtes de Siglufjördur », ou encore mieux « Snjór » ? Si vous êtes déjà conquis, vous savez ce qu’il vous reste à faire...

Il est à noter que Ragnar Jónasson est aussi l’auteur de la trilogie « La dame de Reykjavik » attachée à la policière Hulda Hermannsdóttir, dont les deux premiers volets ont également été traduits par les Éditions de La Martinière.


Titre : Sigló (Vetrarmein, 2020)
Série : Enquêtes de Siglufjördur, tome 6
Auteur : Ragnar Jónasson
Traduction de l’anglais : Jean-Christophe Salaün
Couverture : ©loops7/Getty Images
Éditeur : Éditions de La Martinière
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 270
Format (en cm) : 14 x 22,5
Dépôt légal : juillet 2020
ISBN : 9782732493510
Prix : 21 €


Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
11 septembre 2020


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