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Bifrost n°99
Rédacteur en Chef : Olivier Girard
Revue, n°99, nouvelles - articles - entretiens - critiques, août 2020, 192 pages, 11,90€

Sous l’impulsion de Payot / Rivages, notamment avec la parution récente du recueil « La loterie et autres contes noirs », le nom de Shirley Jackson est sorti d’un relatif oubli, relatif car « La maison hantée » et la nouvelle “La Loterie” figurent au panthéon des œuvres relevant de la terreur et du fantastique.
Fort justement, « Bifrost » a choisi de mettre en avant cette grande dame à travers un copieux dossier.



Jean-Daniel Brèque présente Shirley Jackson (1916-1965) qui est effectivement difficile à classifier, car ses œuvres relèvent surtout de la terreur psychologique, c’est-à-dire qu’elle n’est pas décrite mais suggérée, et puis elle a commis quantité de chroniques familiales ne rentrant de loin pas dans la case imaginaire. D’ailleurs l’ensemble des ouvrages ressortant de nos genres de prédilection sont analysés, il n’y avait pas besoin de faire des choix de par leur faible nombre. Éric Jentile s’attarde même sur la seule forme courte dans “Terreur au foyer”.
Dans la conférence “L’ail dans la fiction” prononcée en 1959 lors du congrès des écrivains de Suffield, elle explique sa façon de mener un récit, comment faire pour retenir l’attention du lecteur qu’elle apparente à un ennemi. Voilà qui est sympathique pour celui qu’elle décrit à l’occasion comme un balourd allongé dans un hamac et qui finalement lui permettait de vivre de l’écriture.
La bibliographie s’avère impressionnante avec plus de 170 nouvelles au compteur.
Deux exemples figurent au sommaire du présent « Bifrost » dont l’inédit “La souris”. Quatre pages qui débouchent sur pas grand-chose et qui laisse au final l’imagination du lecteur tourner. Même s’il a deviné pourquoi la souris est grosse, cela relève de l’anecdotique.
Heureusement que “Un jour comme les autres, avec des cacahouètes” est plus enthousiasmante. Un homme arpente la rue en se pliant en quatre pour faire le bien autour de lui. Situation étrange qui fait bien sûr penser qu’il y a anguille sous roche, qu’un motif se cache derrière cette bonté. La conclusion fonctionne ici très bien, car elle éclaire le lecteur gagné par une légitime méfiance.
Les deux illustrent très bien l’art de Shirley Jackson : une situation banale qui dérive vers l’étrange à petites touches jusqu’au final qui suggère toute l’horreur de la situation. Encore faut-il que le procédé fonctionne bien et que le lecteur accepte d’entrer dans le jeu.

Deux textes dans l’air du temps traitent d’une catastrophe qui met à mal l’espèce humaine. “Noirs vaisseaux apparus au sud du paradis” de Caitlín R. Kiernan est diablement efficace avec ses relents lovecraftiens du meilleur effet et Olivier Caruso jette la prosopagnosie en pâture à l’humanité qui se déchire, car plus personne ne se reconnaît. “Par les visages” est direct, bien dans la manière de l’auteur qui se révèle efficace en évoquant les destins si différents de deux jumelles.

Les bibliothèques sont ô combien importantes, encore faut-il que ceux qui les animent soient à la hauteur de leur mission. “Guide sorcier de l’évasion : atlas pratique des contrées réelles et imaginaires” d’Alix E. Harrow montre très bien qu’à chaque lecteur correspond un livre, que le bibliothécaire doit écouter les livres parler, vibrer, réagir à ceux qui sillonnent les allées. Toutefois, il doit aussi être le gardien du temple, ce qui peut être contraire avec ce qui précède. Texte vraiment très agréable et d’une belle inventivité, aussi bien par la forme que le fond.

Pour finir, L.L. Kloetzer nous régale d’une nouvelle dynamique et passionnante. “Ouroboros” raconte l’histoire d’une course, celle de Liane contre Eila, le jour où elle a bouclé le tour de la station en moins de 1 000 secondes. Depuis, l’état de la station s’est dégradé et le défi est bien plus grand, car il se fait en toute clandestinité. Une pépite mémorable !

Dans ce numéro la parole est donnée à un traducteur, Benoît Domis, bien connu des lecteurs de la très recommandable revue « Ténèbres » aujourd’hui disparue, et à un illustrateur dans le cadre du dossier Shirley Jackson. En effet, Miles Hyman, qui a réalisé la couverture de ce « Bifrost », ainsi qu’une adaptation en BD de “La loterie”, n’est autre que le petit-fils de l’écrivaine, ce qui explique sa présence.

Après avoir réfléchi au déplacement de la Terre, Roland Lehoucq s’intéresse au soleil et aux méthodes pour le bouger. Rien que ça ! C’est clair, net et précis.
Malgré une longue période de disette, ce ne sont pas moins d’une trentaine de pages de recensions qui figurent ici.

Un « Bifrost » centré autour de Shirley Jackson dont les écrits plairont ou non, mais qui méritent vraiment de s’y attarder, et des nouvelles enthousiasmantes à un bémol près.
Une belle mise en bouche avant le numéro 100 consacré à Thomas Day, un auteur historique de « Bifrost ».


Titre : Bifrost
Numéro : 99
Rédacteur en chef : Olivier Girard
Couverture : Miles Hyman
Type : revue
Genres : SF, études, critiques, nouvelles, entretien, etc.
Sites Internet : le numéro 99, la revue (Bifrost) et l’éditeur (Le Bélial’)
Dépôt légal : août 2020
ISBN : 9782913039964
Dimensions (en cm) : 14,9 x 21
Pages : 192
Prix : 11,90€



Pour contacter l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
2 septembre 2020


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