Herbi et Carni à la même cantine !
Dans les tomes précédents, le héros principal est un loup. Legoshi a bien dû mal à affirmer son identité car il ne veut pas être un prédateur en raison de sa sensibilité. Il tombe même amoureux de Haru, une petite lapine naine blanche. Au contraire, le cerf Louis après avoir quitté le lycée s’est progressivement imposé comme un chef du gang des tigres dans le marché noir.
Le volume neuf poursuit les intrigues précédentes. Si Legoshi refuse d’être un prédateur, il assume cependant sa puissance en devenant un protecteur des plus faibles. Entraîné par Gohin le Panda, ils partent tous les deux récupérer des carnivores échappés du centre de Gohin et qui sont en manque de viande. Legoshi est payé grassement pour cela. Cependant, ses choix sont rendus plus compliqués car il refuse de manger de la viande. Le neuvième tome permet également de découvrir le passé douloureux du héros via les souvenirs de son meilleur ami. Legoshi est en fait un hybride. Dès sa naissance son père l’abandonne, tandis que sa mère se suicide alors qu’il n’a que douze ans. C’est son grand-père, un dragon de Komodo qui l’a élevé. Il est intervenu dans des guerres inter-espèces mais le jeune loup se refuse à l’appeler depuis cinq ans. lorsqu’il découvre qui a tué Tem, il ne sait pas bien comment intervenir : venger cet élève, protéger les autres ?
Quand Legoshi espionne Louis
Ses relations avec les autres élèves vont s’en trouver modifiées. Alors qu’il paraissait hautain, Pina le Mouflon va l’aider car il a entendu le nom du meurtrier. Legoshi retrouve Louis et comprend qu’il est le chef du gang des tigres. En suivant Louis, le lecteur découvre les tréfonds du marché noir. Non seulement on peut acheter de la viande d’herbivores mais aussi de carnivores, tellement acculés par les dettes qu’ils n’ont d’autre choix que de se vendre. La phénomédi, une médecine se servant de morceaux de carnivores, est aussi un possible revenu pour qui se trouve en mauvaise posture économique !
Conflits personnels et cohabitation difficile entre herbivores et carnivores rendent la vie au lycée souvent très tendue. Un accident lors des répétitions du spectacle d’hiver montre la fragilité de la situation. Une calme panthère arrache en jouant la patte de Kibi, le tamanoir. À l’instant où le sang gicle, les herbivores sont effrayés de peur que cela fasse ressurgir les instincts premiers des carnivores. Pourtant en danger de mort, Kibi refuse d’être porté par un carnivore sauf si c’est Legoshi.
La panthère est choquée par les réactions paniquées des herbivores, même si elle en est à l’origine. Devant la recrudescence d’actes violents, les parents d’herbivores exigent que l’institut Cherryton ne soit plus mixte. Les carnivores n’ont même pas leur mot à dire ce qui montre à nouveau le paradoxe de cette société où les proies dominent. Mais à Cherryton, cette décision provoque la révolte des élèves qui veulent garder les clubs mixtes.
Aussi brillamment que dans les tomes précédents, Paru Itagaki développe le thème du contrôle du corps pendant l’adolescence. Quand Legoshi rencontre Louis, les mouvements de sa queue révèlent au gang qu’il est heureux et donc qu’il le connaît. Les ours doivent prendre des pilules pour être moins dangereux, alors que ces inhibiteurs de puissance ont de lourds effets secondaires. Chaque espèce est censé avoir une place dans la société. Mais certains individus tentent de s’affranchir de ce destin. Legoshi refuse de manger de la viande tandis que Louis se force à en consommer. Le loup choisit d’être un héros et le cerf un criminel, chacun reniant ses propres instincts. Itagaki pousse même assez loin cette réflexion sur la liberté en abordant le thème encore tabou de l’homosexualité : Juno tombe amoureuse de la lapine. Elle démontre ainsi qu’il faut expérimenter dans la vie pour comprendre les autres. Avec les sentiments des héros adolescents rendus plus troubles par leurs instincts animaux, elle dit comment les désirs de mort et de sexe se confondent parfois.
Avec ce style toujours aussi original, Paru Itagaki est toujours impressionnante pour les expressions animales : non seulement les visages sont crédibles mais un animal tout mignon devient une bête féroce dans la case suivante. Les traits nombreux rendent non seulement la lecture très dynamique mais créent une ambiance de brutalité qui correspond parfaitement au thème. Sans doute confortée par le succès de la série, elle se lance dans l’expérimentation dans le tome dix comme sur cette belle page où d’un trait on suit le trajet d’un insecte dans le corps du héros, comprenant ses sensations par le texte qui l’entoure.
Arrivée au dixième tome, “Beastars” reste une série unique. Paru Itagaki compose à la fois une histoire sur l’adolescence et sur l’instinct, sur l’amour et sur la mort. Même si certains passages sont un peu plus confus, on ne peut qu’attendre avec impatience la suite des aventures de Louis, Legoshi et de leurs amis.
Beastars (T9) et (T10)
Série : Beastars
Scénario : Paru Itagaki
Dessin : Paru Itagaki
Éditeur : Éditions Ki-oon
Pagination : 208 pages en noir et blanc
Format : 11,5 x 17,5 cm
Dépôt légal : 7 novembre 2019 et 2 janvier 2020
Numéro ISBN : 979-10-327-0505-6 et 979-10-327-0576-6
Prix public : 6,90 €
À lire sur la Yozone :
Beastars (T4), (T5) et (T6)
Beastars (T7) et (T8)
Illustrations © Paru Itagaki et Éditions Ki-Oon (2020)
