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Mon odyssée dans l’espace
Scott Kelly et Margaret Lazarus Dean
J’ai Lu, n°12933, traduit de l’anglais (États-Unis), autobiographie / document, 507 pages, juin 2020, 8,90 €


Il est né en 1964, il a été un gamin turbulent, puis un étudiant dissipé ne sachant pas trop ce qu’il voulait faire. Un jour, par hasard, il feuillette « L’étoffe des héros » de Tom Wolfe. Le déclic se fait, il a trouvé sa vocation : il sera astronaute.

L’existence de Scott Kelly, qui finira par être l’Américain ayant passé le plus de temps dans l’espace – dont un séjour continu de près d’un an dans la Station Spatiale Internationale – n’est pas tout à fait le conte de fées d’un aspirant acteur qui devient superstar. Le chemin est long, ardu, et surtout il faut travailler, travailler encore, travailler toujours. L’ivresse de piloter des avions de chasse pour la Navy est bien là, mais aussi les dangers, les obstacles, les difficultés à passer les étapes les unes après les autres, à obtenir les qualifications sur les appareils successifs. Et à chaque fois, à en apprendre plus encore : les langues étrangères, les protocoles, les sciences de l’ingénieur, les avancées technologiques, l’effarante complexité de la navette spatiale.

Du travail, donc, encore et encore, mais un travail qui paye et enfin les vols spatiaux et ces séjours dans la Station Spatiale Internationale. Kelly a décidé de tout partager avec le lecteur. Des traditions qui se perpétuent au fil des décennies (jouer aux cartes avant le départ jusqu’à ce que le commandant perde, afin qu’il épuise sa provision de malchance), des phénomènes étranges et connus des astronautes comme ces éclairs cosmiques illuminant sa rétine sous ses paupières closes, des émerveillements à contempler la terre depuis l’espace, des angoisses dues aux explosions successives des Soyouz, Progress et Space X destinés à apporter le ravitaillement, des détails prosaïques montrant comment l’apesanteur transforme la moindre tâche en difficulté (se couper les cheveux dans l’espace, manger alors que la moindre miette va dériver et obstruer les bouches d’aération au risque de déclencher les alarmes incendies, garder à l’esprit qu’il est impossible de poser quelque objet que ce soit quelque part car lui aussi va se mettre à dériver) et mille autres détails qui font de chaque geste d’un cosmonaute une véritable aventure.

Ce récit apparaît comme une ode bienvenue à la collaboration entre pays qui parviennent à s’entendre à la perfection lorsqu’ils sont unis par un même but. En suivant cette « Odyssée dans l’espace » on a l’impression que les relations entre astronautes, y compris en milieu confiné et sur de longues durées, sont immuablement au beau fixe, chaque astronaute étant un parangon de qualités et extrêmement facile à vivre. On devine toutefois à lire ici et là des entretiens avec Scott Kelly que cet aspect des relations humaines a été quelque peu atténué, soit par diplomatie, soit grâce au recul donné par le temps, mais que la sélection des profils des candidats fait que chacun est particulièrement capable de prendre sur soi et de balayer les inévitables frictions susceptibles de survenir ici et là.

Fort heureusement, de telles missions semblent conçues pour ne pas laisser suffisamment de temps pour s’appesantir sur les menus détails. Les journées de Kelly sont méticuleusement planifiées avec une surabondance de tâches qui lui laissent à peine le temps de respirer, sans compter les sorties imprévues de réparations hors de la station – occasion de chapitres passionnants qui insistent sur la longueur, la dangerosité et la pénibilité des travaux extérieurs – ni les entretiens et réparations internes incessants, que ce soient les toilettes, les recycleurs d’eau, les machines à oxygène ou autres installations de support-vie essentielles au bon déroulement de la mission ou tout simplement à la survie des astronautes. Des réparations chronophages et qui en apesanteur ne sont pas loin de rendre fou, chaque outil, chaque vis, chaque boulon ne demandant qu’à se mettre à dériver de lui-même et à aller se nicher dans un recoin invisible – il n’est pas rare, en de tels lieux, de ne retrouver de petits objets que des années après leur disparition.

Activités incessantes, donc, entre résolution de mille problèmes, échanges quotidiens avec les multiples sites de support sur Terre, communications avec la famille, communications de vulgarisation scientifique pour le grand public, et surtout expériences scientifiques. Expériences sur des souris et des végétaux (si Mark Watney, dans « Seul sur Mars » faisait pousser des pommes de terre, on fait dans l’ISS pousser des salades, et même des zinnias), mais aussi expériences sur soi-même, avec d’étranges séances de prélèvements (il est moins facile encore de se faire une prise de sang en apesanteur que sur terre, la moindre goutte de sang partant à la dérive) dont Kelly est lui-même le cobaye. Une expérience scientifique de près d’un an permettant d’étudier au mieux l’influence d’un séjour prolongé dans l’espace puisqu’il a permis de comparer les modifications physiologiques de Scott Kelly avec l’état de santé de son frère jumeau, également astronaute : en matière de « sujet témoin », il était impossible de faire mieux. Les lecteurs intéressés par ces modifications et leur évolution au cours du temps trouveront l’intégralité de la publication en suivant ce lien.

Conçu pour être lisible par tous – nul besoin du moindre bagage scientifique pour comprendre les explications de Kelly – cet ouvrage ne se focalise pas sur les missions spatiales et décrit en parallèle, depuis leur enfance, les étapes marquantes de l’existence de Scott Kelly et de son frère Mark. Des chapitres riches en épisodes prenants – la vie de pilote de chasse puis de cosmonaute réserve plus d’une émotion – et en drames (la blessure de l’épouse de Mark Kelly, la parlementaire Gabrielle Giffords, victime d’une fusillade) qui compensent par leur touche humaine les ambiances par essence plus techniques et plus froides de l’espace. Un juste dosage qui rend ce récit de cinq cents pages difficile à lâcher, et qui fait d’une aventure vécue un véritable roman.
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Titre : Mon odyssée dans l’espace (Endurance, a Year in Space, a Lifetime of Discovery, 2017)
Auteur : Scott Kelly et Margaret Lazarus Dean
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Nathalie Gouyé-Guilbert
Couverture : Marko Grob / Trunk Archives
Éditeur : J’ai Lu (édition originale : Les Arènes,2018)
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 12933
Pages : 507
Format (en cm) : 17,8 x 11
Dépôt légal : juin 2020
ISBN : 9782290169964
Prix : 8,90 €



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