Chargement...
YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




Albin Michel Imaginaire : entretien confinement avec Gilles Dumay
Avril 2020
Un entretien Yozone

Un évènement marquant sur le plan de l’édition de genre en 2019 est incontestablement le passage en vitesse de croisière de la collection Albin Michel Imaginaire, dont les premiers titres étaient sortis au troisième trimestre 2018. Gilles Dumay, qui, après avoir déploré plus d’une fois, avec une honnêteté rare, les ventes limitées des ouvrages qu’il avait défendus dans la collection Lunes d’Encre chez Denoël, semble être en passe de réussir son pari chez Albin Michel. Des ouvrages de science-fiction monumentale avec les mille deux cents pages d’« Anathèm » de Neal Stephenson, du voyage temporel non moins ambitieux (« Terminus »), de la fantasy populaire avec Peter A. Flannery, du lovecraftoïde de choix avec Jackson Bennett et Shaun Hamill, mais aussi des auteurs français (Franck Ferric, Jean-Michel Ré, Gauthier Guillemin). Pour l’amateur du genre, Albin Michel Imaginaire apparaît comme la collection la plus excitante du moment, ce qui n’est pas peu dire vu l’abondance de production tous éditeurs confondus. Mais qu’en est-il une fois les éditeurs confinés ?



JPEG - 26.4 ko

L’ESPRIT DE LA COLLECTION, BILANS ET PERSPECTIVES

Vous avez à plusieurs reprises fait le constat que la littérature de genre contaminait de plus en plus la littérature générale, ce que l’on aurait du mal à nier. Votre collection a pour ambition de couvrir toutes les littératures de l’imaginaire mais revendique également son caractère très typé « genre ». Du coup, on a l’impression de segments à la fois différents et complémentaires. Pourrait-on envisager, malgré tout, que des ouvrages monumentaux, mais dans lesquels les aficionados du genre ne se retrouveraient pas forcément (un bon exemple nous semble être « La Maison des feuilles », de Mark Z. Danielewski) puissent un jour entrer au catalogue d’Albin Michel Imaginaire ? (Hilaire Alrune)

Ça me semble compliqué.
Votre question soulève deux facettes du même problème : le coût des traductions et le positionnement des titres en littérature étrangère ou en rayon imaginaire (quand il existe – beaucoup de librairies en France n’ont pas de rayon dédié).
Publier « Anatèm » ou « Gnomon » (qui à mon sens jouent un peu dans la même catégorie que « La Maison des feuilles » ou « Jerusalem » d’Alan Moore) devient un pari insensé si on ne peut pas couper les ouvrages en deux. Disons que jusqu’à 700 000 signes, les traductions sont tenables si on vend 5000 exemplaires en grand format (un score qu’on est loin de faire souvent) et dès qu’on dépasse cette barre de 700 000 signes (donc un coût de traduction de 11 000 euros environ), les comptes d’exploitations s’affolent et les aiguilles tremblotent dans le rouge profond. À 900 000 signes vous avez quasiment aucune chance d’arriver à l’équilibre, sauf à péter un score à 8000 ex. Donc plus c’est gros, plus c’est compliqué, risqué sur le plan financier. Il y a des livres que je reçois qui font mille pages en anglais, faudrait les couper en 3 ou 4. Le lecteur est assez peu réceptif à ce saucissonnage, et il me semble qu’il l’est de moins en moins. Certains auteurs le refusent, comme Stephen King qui ne souhaite plus que ses livres soient coupés en deux.
Par ailleurs, si je devais recevoir un titre comparable à « La Maison des feuilles » chez Albin, je ne suis pas sûr que la maison (qui publie Stephen King) aurait envie de le jouer en Albin Michel Imaginaire, c’est à dire en mettre deux ou trois mille exemplaires en place. Elle aurait peut-être envie de le jouer sous la marque de la maison-mère et mettre huit mille, dix mille exemplaires en place, en rayons de littérature étrangère. Le cas a été clairement évoqué pour « Le Livre de M » de Peng Shepherd. Il y a des livres d’imaginaire qui sont « acceptables » pour le grand public / le rayon littérature étrangère et d’autres non.
Commercialiser des livres d’imaginaire en France est un casse-tête et plus on se rapproche de la littérature dite générale plus les choix son déchirants.

On trouve dans la collection Albin Michel Imaginaire des romans indépendants, des diptyques (« Anatèm », « Rivages », et bientôt « Gnomon »), une trilogie (« La Fleur de Dieu ») une trilogie en cours (« Mage de Bataille »). Des recueils de nouvelles sont-ils envisagés ? (HA)

D’abord « Mage de bataille » n’est pas une trilogie ; c’est un gros roman coupé en deux. Peter A. Flannery a fini son nouveau roman « Decimus Fate and the talisman of dreams » et il n’a aucun rapport, si j’ai bien compris, avec « Mage de bataille ». J’attends d’ailleurs le texte.
Quant aux recueils de nouvelles. J’ai des projets. Et je vais même aller plus loin : j’avais des projets. Je ne sais pas comment Albin Michel Imaginaire va se sortir de la crise du coronavirus, mais une chose est sûre, elle tombe au plus mauvais moment. La troisième année était à mes yeux de loin la plus importante en termes de développement. En seconde année, on a dû éponger les retours du lancement, on le savait avant de se lancer, mais bon il y a parfois un gouffre émotionnel entre la théorie et la pratique.
Contraints et forcés, nous allons reporter un certain nombre de parutions, et malheureusement je ne suis pas sûr que nous allons pouvoir les maintenir toutes. Il y a une espèce de consensus qui semble se dessiner autour d’un marché du livre qui reprendrait mollement et qui ne serait pas capable d’avaler une production normale. En sachant qu’avant la crise, nous étions en surproduction démentielle. En surchauffe totale.

Vous avez lancé Jean-Michel Ré et Gauthier Guillemin, deux auteurs français dans des genres très différents. J’imagine qu’en ces temps où les droits et les frais de traduction ne cessent d’augmenter, vous êtes toujours à la recherche de romans francophones ? (François Schnebelen)

Les droits n’augmentent pas (en tous cas, je n’achète pas cher, ça n’a jamais été mon kif’ donc je n’ai pas vraiment d’enjeux d’a-valoir). Le coût des traductions n’augmente pas non plus, au grand dam de certains traducteurs. Je paie mes traducteurs à peu près la même chose qu’il y a vingt ans quand j’ai commencé Lunes d’encre. La seule nouvelle problématique à laquelle nous sommes confrontés, c’est la surproduction, et encore elle est relativement « nouvelle ». J’ai toujours travaillé dans un climat orageux de surproduction. L’orage est devenu une tempête permanente qui s’accentue un peu plus chaque année. Le CA de l’imaginaire adulte n’augmente pas, il baisse ou quand il augmente c’est de l’ordre de 1%. Le nombre de titres enfle chaque année et même s’il est très compliqué de faire des études, on arrive à 1200, 1600 parutions en rayon adulte pour 2019, selon la méthodologie, c’est clairement dix fois trop. Pas besoin d’être mathématicien pour comprendre que les livres se vendent en moyenne moins au titre. Et que les auteurs, toujours plus nombreux, se partagent un gâteau qui ne grossit pas. Le souci c’est donc la médiatisation des auteurs. Et c’est vrai que j’y réfléchis à deux fois (voire trente fois) avant de signer le contrat d’une autrice ou d’un auteur francophone. Il faut être en capacité de lui apporter la médiatisation qu’elle ou il mérite, dans un climat de surproduction plombant. Il y a forcément des « morts ».

Quand on lance un titre, c’est bien sûr qu’on y croit ou qu’on a envie de le porter, car il le mérite. Aujourd’hui, avez-vous des regrets quant à certains titres publiés ? Auriez-vous changé certaines choses ? (FS)

Bien sûr que j’ai des regrets. Je n’ai pas réussi à faire de la trilogie de « La Fleur de Dieu » un succès, alors que si j’ai publié une œuvre qui parle du monde d’aujourd’hui et de ses enjeux spirituels / philosophiques (que j’opposerai ici aux enjeux matériels / superficiels), c’est bien celle-là. Je ne regrette pas de l’avoir publiée. Elle a plu à des lecteurs. Il y a eu de la presse, des interviews. C’est une trilogie qui n’est pas passé totalement inaperçue. Après, j’ai sous-estimé un certain nombre de choses : les lecteurs de SF veulent des gros livres. Vraiment gros. Et ont donc pour certains reproché la brièveté relative des tomes. Beaucoup de lecteurs de SF ne veulent plus se battre avec un texte, alors que pour ma génération (disons 45-55 ans) c’est parfois là, dans cette bataille pour la compréhension et la découverte d’altérités, que nous trouvons notre plaisir.
Franck Ferric n’a pas eu de prix pour « Le Chant mortel du soleil ». Et à mon sens, il méritait un prix.
On peut toujours refaire l’Histoire et tous les autres éditeurs peuvent faire de même.

Et inversement avez-vous eu des bonnes surprises ? (FS)

Oui. Chaque fois qu’un livre marche, c’est une bonne surprise. « Mage de bataille », « Anatèm », « Terminus », « Une cosmologie de monstres », « Semiosis ».
On a quand même l’impression de se battre pied à pied, de devoir défendre ses titres de façon filée et permanente. C’est fini l’époque où les livres partaient en librairie et où on se contentait de croiser les doigts pour que ça se passe bien.

Que pensez-vous de la production actuelle dans le milieu de l’imaginaire en France ? Je lis souvent que le gâteau n’augmente pas, mais qu’ils sont toujours plus à vouloir le croquer, ce qui est une image révélatrice. (FS)

Vous êtes lecteur, vous vivez un âge d’or. La création est à son top. De nouveaux auteurs passionnants, il s’en publie chaque année. Certains d’ailleurs, en France, arrivent à créer leur niche, leur écosystème socio-économique avec rencontres scolaires /réseaux sociaux / festivals / ventes en librairie / ventes en numérique / ventes directes.
Moi je pars du principe que « sauf miracle » on ne peut pas en vivre. Je ne promets jamais à un auteur qu’au bout deux ou trois livres il va pouvoir en vivre. J’ai vu des éditeurs le faire et ça me met toujours dans un état de colère confinée assez douloureux. Et en même temps on est un peu là pour vendre du rêve aux auteurs. C’est paradoxal. Je peux citer « mes » GPI, le succès de « Latium » de Romain Lucazeau, indéniable. On a les titres de gloire qu’on peut.
Vous voulez être auteur d’imaginaire : il faut un boulot à côté qui vous laisse du temps ou faut être le meilleur (ou un des trois meilleurs). Ou alors être prêt à produire jour et nuit, sept jours sur sept.
Vous êtes éditeur : ça va être dur, très dur.

Au début d’AMI vous avez souvent parlé d’un bilan qui serait fait au bout de quelques années d’existence. J’imagine que la collection ne sera pas jugée sur le bon accueil critique de ses titres. Craignez-vous cette échéance ? (FS)

L’échéance, nous sommes dedans, comme un oisillon tombé au centre d’une bouse, c’est celle du coronavirus. Et comme tout le monde, je ne l’avais pas vue venir.
C’est une contrainte (et je dirais même plus un ensemble de contraintes) sur laquelle je n’ai aucune prise.
Donc, j’attends de voir ce qui va se passer. J’attends des instructions.
On a déjà quelques indices sur la tempête de merde qui va nous heurter de plein fouet : programmes à alléger, titres reportés, titres qu’il faudrait peut-être penser à annuler, etc.
Évidemment, ça va être épouvantable. Je plains ceux qui croient le contraire.
J’ai la chance de travailler dans une maison qui m’a certes mis en activité partielle, mais qui n’a pas baissé ma rémunération mensuelle.

D’ailleurs disposez-vous d’un ou de titres porteurs vous permettant de prendre des risques, de publier un titre difficile ? De vous faire plaisir finalement ? (FS)

Je crois qu’on est passé au-delà de ça. La question va devenir : « quels titres allez-vous pouvoir prendre le risque de publier fin 2020 et en 2021 ? » D’ailleurs j’utilise le futur, mais la question est déjà posée de façon explicite. Je vais essayer de faire une liste de ce qui est le plus solide et le plus capable de faire du CA sans générer d’énormes retours potentiels.
Après, je trouve que mon « portefeuille » (c’est comme ça qu’on appelle l’ensemble des contrats signés) est solide, très solide.

JPEG - 149.8 ko

UN PRÉSENT ASSEZ PARTICULIER

Albin Michel Imaginaire semble avoir véritablement pris son essor durant 2019, et avoir bien commencé l’année 2020, pour laquelle étaient prévus onze titres. On imagine que compte tenu de la nécessité de « lancer » les livres au moment idoine, en sus du planning, la préparation marketing des sorties était déjà orchestrée. Pour Albin Michel comme pour d’autres éditeurs, la redistribution des cartes – confinement, puis sans doute paupérisation de bien des clients potentiels – avec d’inévitables modifications des programmes de parution, doit apparaître comme un véritable casse-tête ? (HA)

Oui c’est un casse-tête.
Et il est en évolution constante.
La décision qu’on a prise avant la 3e allocution de Tartenpion va être balayée par les mesures annoncées par la 4e allocution de Bidultruc.
Puis à un moment, ça va redémarrer. J’ai pas la prétention de savoir ce que les gens vont avoir envie de lire après une crise comme celle que nous traversons. Personnellement je lis du Stephen King depuis le début de la crise, j’avais un recueil de nouvelles et quelques romans de retard. Paradoxalement, vues les horreurs auxquelles il nous confronte, sa voix est extrêmement apaisante. Pour en revenir à la librairie, au marché, j’ai l’impression que la chance et la malchance vont faire leur show, et encore plus que d’habitude.
Il y aura forcément au moment des bilans, un grand sentiment d’injustice. Et il touchera à peu près tout le monde.

Vous aviez expliqué ailleurs, je crois, que le contact avec les libraires est essentiel, qu’ils représentent un terrain sur lequel il faut être présent. La puissance de distribution d’Albin Michel est un élément clef de cette stratégie. Or, les fermetures imposées par les évènements pourraient précipiter la fin de mille et une petites librairies en équilibre précaire et qui ne disposent sans doute pas d’une trésorerie leur permettant de tenir longtemps sans aucune activité. Le paysage pourrait donc se modifier considérablement durant les mois à venir, avec un impact négatif sur les ventes que le numérique ne suffirait sans doute pas à combler. Cela pourrait-il conduire, à terme, à annuler des publications ? (HA)

J’essaye autant que possible d’aller à la rencontre des libraires. J’aime ça et j’essaye de les écouter, j’essaye de comprendre les habitudes d’achats de leurs clients et ce qu’ils attendent d’Albin Michel Imaginaire. Le problème, à mon sens (d’où le récent cri d’alarme d’Antoine Gallimard), c’est que la librairie, la restauration, l’hôtellerie... ça va être difficile pour l’état de sauver tout le monde. Évidemment, j’ai rien contre les brasseries et les magasins de chaussures, mais j’espère qu’un maximum de librairies va être sauvé.
Les librairies sont des commerces particulièrement fragiles. La survie de certaines tenait déjà du miracle perpétuel avant la crise.

La vie d’un directeur de collection, en période de confinement, est ce que ça change vraiment beaucoup ? Du travail, encore du travail, toujours du travail ? (HA)

Là, je suis en activité partielle à 50% jusqu’au 30 avril (j’imagine que ça va être prolongé jusqu’au 11 mai). J’avais pris six jours de congés au début du mois d’avril, mais mon fils aîné a été malade (la joie des urgences de Creil en pleine crise du covid19), donc je n’en ai pas beaucoup profité. Je bosse, oui, je jardine beaucoup. Je prépare mon bois pour l’hiver prochain (je chauffe au bois depuis douze ans maintenant). En fait, j’ai pas vraiment le temps de m’ennuyer. Je suis à jour dans mes refus de manuscrits. Je m’apprête à attaquer le gros morceau qu’est la relecture de traduction de « Gnomon » de Nick Harkaway. J’avais prévu de finir avant le 30 avril, pas sûr que ça soit aussi urgent que ça. On verra. La préparation de copie du roman d’Emilie Querbalec « Quitter les Monts d’Automne » va arriver.
Non, en fait, le boulot ne manque pas.
Ça me laisse du temps pour regarder des séries comme « Preacher » et à jouer au remake de « Final Fantasy VII », qui est en fait le seul de la série que je trouve vraiment intéressant sur le plan scénaristique et politique.

JPEG - 156.6 ko

LE FUTUR

Il semble que la collection Denoël Lunes d’Encre va diminuer le nombre de nouveautés annuelles. N’avez-vous pas envie de rapatrier certains auteurs que vous avez publiés du temps où vous étiez le directeur de la collection (par exemple, Franck Ferric a été publié aussi bien dans une collection que dans l’autre) ? (FS)

Pas vraiment. Ça ne marche pas comme ça. J’ai une liste d’auteurs que je veux suivre chez Albin Michel Imaginaire. C’est ma priorité. Franck Ferric m’a suivi chez Albin. D’autres non. C’est un choix qui appartient aux auteurs (et à leurs agents, quand ils en ont). Et puis Albin Michel Imaginaire doit beaucoup à Alexis Esmenard, ce n’est pas un nouveau Lunes d’encre.

« Les étoiles sont légion » de Kameron Hurley semble avoir peiné à trouver ses lecteurs. On se souvient de la formule d’Eva Sinanian, votre attachée de presse à l’époque : « Le livre qu’il faut lire quand on a envie de s’arracher l’utérus à mains nues ». Les AMI devant commencer à être repris en collection de poche en 2021, peut-on espérer une seconde chance pour cet ouvrage ? (HA)

Je crois qu’il est au programme du Livre de poche pour 2021. Après c’était le programme d’avant la crise. Je viens justement de demander des nouvelles des parutions poche, pour un autre titre.
Oui le Kameron Hurley est un peu tombé à plat en grand format. À mes yeux, c’est clairement injuste. Mais beaucoup de lecteurs abordent les livres avec une idée précise de ce qu’ils doivent trouver dedans pour être satisfaits ; c’est quelque chose qui me frappe de plus en plus. C’est clair que les romans de Kameron Hurley ou de Shaun Hamill ne fonctionnent pas comme ça. Il faut les aborder en acceptant d’être surpris par ce qu’ils contiennent au final. Ce sera aussi le cas pour les romans de Léafar Izen et de Peng Shepherd, ces romans ne sont pas ce qu’ils semblent être au départ, on ne peut pas les mettre dans une petite boîte réconfortante. Leur couverture française n’est qu’un indice, un point de départ, il ne traduit pas l’ADN du livre dans sa totalité.

« American Elsewhere », de Robert Jackson Bennett, fonctionne à la perfection, entre autres parce qu’il se déroule dans une bourgade en apparence paisible mais où l’étrange n’est jamais dissimulé très loin sous la surface, typiquement une de ces petites villes américaines qui à travers romans et nouvelles (King, Dick, Simak, Robert Charles Wilson et bien d’autres), mais aussi films et feuilletons, ont modelé l’imaginaire de beaucoup d’entre nous. « Foundryside », du même auteur, sera dans un genre totalement différent. Pouvez-vous nous en dire plus ? (HA)

« Foundryside » est un roman de fantasy industrielle qui fonctionne comme un roman cyberpunk. Ça se passe dans un monde fantasy / steampunk plutôt italien dans ses influences où l’on peut modifier les propriétés des objets en les reprogrammant grâce à une magie particulière : l’enluminure (en VF). C’est un très chouette roman d’aventures. La suite est plus « profonde ». J’ignore quand le T3 sortira en VO, Robert était très en retard sur le T2, c’est pour ça que j’ai repoussé la parution de « Foundryside » au printemps 2021.

Des romans prometteurs sont annoncés, entre autres « Le livre de M » de Peng Sheperd et « Émissaires des morts » d’Adam-Troy Castro, pouvez-vous nous annoncer de futurs titres déjà signés ? (FS)

Tout est annoncé sur le site Albin Michel Imaginaire. Rien de nouveau depuis des mois, je crois. Mon dernier achat est « Quitter les monts d’automne » d’Emilie Querbalec qui sortira en septembre 2020, sous réserve que rien ne change d’ici là.
Mon gros coup de cœur de l’année sera aussi publié en septembre : « La Marche du Levant » de Léafar Izen. À mes yeux, la publication de cette fresque de fantasy de 700 pages est clairement un événement. Ça se passe sur une Terre qui tourne sur elle-même en 300 ans. On suit le destin, sur soixante-dix ans environ, d’une assassine émérite qui œuvre pour la cité d’Odessa, une ville-convoi qui avance de 300 pas par jour pour éviter d’être grillée par le soleil de Long Jour.
C’est une fantasy d’ingénieur et d’astronome ; la langue est très belle. Et il y a une ambition, une ampleur assez rare en imaginaire de langue française.

Avez-vous un rêve ? Si vous aviez un joker, quel livre souhaiteriez-vous faire découvrir au lectorat ? (FS)

Ça fait des années que je rêve de publier « Dhalgren » de Samuel Delany (un projet qui n’aurait guère de sens chez Albin Michel Imaginaire, je le crains). Une éditrice a acheté les droits il y a de nombreuses années, mais j’attends toujours que ça sorte.

Et pour finir, des projets inédits, un peu d’optimisme, une prédiction positive pour le futur ? (HA)

Quand les gens frappés par cette crise disent aspirer à un monde « différent » ou « nouveau », je le comprends comme un monde où les gros ne vont pas profiter de la crise actuelle pour bouffer tout cru les petits. Je vieillis sans doute mal : j’ai l’impression que les intérêts économiques en jeu sont devenus tellement énormes que cette « réorientation des valeurs » ne peut plus arriver, sauf par le biais d’une véritable guerre / révolution violente. J’ai des enfants, je n’ai aucune envie qu’il connaisse la guerre, des émeutes ; j’aimerais plutôt qu’ils puissent participer pacifiquement à la construction d’un monde avec moins d’inégalités.
Si on veut que ça se passe relativement en douceur, à mon sens ça ne peut passer que par un contrôle accru sur la Finance et la mise en place de taxes dissuasives sur les transactions financières. Pour que l’investissement soit rééquilibré vis à vis de la spéculation pure et qu’il puisse rémunérer davantage. Il y a dans les « outils spéculatifs » des choses absolument honteuses / révoltantes qui n’ont aucun autre but que de permettre de gagner de l’argent sur le malheur ou la malchance de certains secteurs économiques. On ne doit plus l’accepter. Ces outils nous sont présentés comme des outils d’assurance, mais il y a longtemps que plus personne ne les utilise comme ça.
Comme tout le monde ou presque, je ne mesure pas la déflagration qu’on va prendre dans la gueule dans les mois qui viennent. Je ne peux pas m’empêcher de penser à tous les gens qui vont tout perdre et, pour certains, sombrer dans un désespoir compréhensible.
Derrière la crise de 2008 il y a eu des milliers sans doute des millions de drames humains.
Il ne faut pas oublier les êtres humains que l’on cache jour après jours derrière des cascades de chiffres.
Ça m’évoque ce code vert dans « Matrix » qui coule comme de l’eau et cache une bien sinistre réalité.
Il ne faut pas se laisser hypnotiser par le code.
Pour moi, si quelque chose de positif doit sortir de tout ça, ce serait une révolution douce de la finance mondiale. Je crois qu’on doit tous peser de notre minuscule poids pour que les outils de spéculation soient massivement émoussés, bridés, démontés, et que l’on redonne à l’investissement et donc au progrès la place qu’ils méritent.

Merci beaucoup à vous d’avoir accepté de répondre à nos questions.

JPEG - 26.4 ko

Albin Michel Imaginaire sur la Yozone :

- « Un Océan de rouille » de C. Robert Cargill
- « Mage de bataille, tome 1 » de Peter A. Flannery
- « American Elsewhere » de Robert Jackson Bennett
- « Les étoiles sont légion » de Kameron Hurley
- « La cité de l’orque » de Sam J. Miller
- « Terminus » de Tom Sweterlitsch
- « Le chant mortel du soleil » de Franck Ferric
- « Une cosmologie de monstres » de Shaun Hamill
- « La fleur de Dieu », tome 1, tome 2 et tome 3 de Jean-Michel Ré
- « Rivages » de Gauthier Guillemin
- « La Fin des étiages » de Gauthier Guillemin
- le lancement d’Albin Michel Imaginaire

Liens utiles :
- le blog Albin Michel Imaginaire
- le site Albin Michel Imaginaire


Hilaire Alrune
François Schnebelen
25 avril 2020


JPEG - 40.5 ko



JPEG - 1.8 Mo



JPEG - 26.6 ko



JPEG - 32 ko



JPEG - 23.2 ko



JPEG - 30.6 ko



JPEG - 25.4 ko



JPEG - 33.3 ko



JPEG - 35.7 ko



JPEG - 27.4 ko



JPEG - 27.3 ko



JPEG - 23.4 ko



JPEG - 14.6 ko



JPEG - 21.6 ko



JPEG - 29.8 ko



JPEG - 27.9 ko



JPEG - 32.9 ko



JPEG - 29.9 ko



JPEG - 15 ko
Illustration de Manchu pour « Quitter les Monts d’Automne » par Emilie Querbalec (à paraître)



Chargement...
WebAnalytics