Les autrices s’adressent directement aux (jeunes) sorcières - néanmoins les garçons ne sont pas interdits. Elles commencent par dresser une histoire de la magie, des pratiques savantes liées aux femmes depuis l’Antiquité. Parfois croquemitaine pour les jeunes enfants, souvent figure maternelle qu’on appelle à l’aide, la sorcière est une figure changeante mais jusqu’alors positive. Prêtresses, druidresses, femmes sages sont respectées pour leur connaissance de la nature et du fonctionnement du monde, souvent tirée de l’observation des phénomènes naturels et transmise de génération en génération.
C’est à la fin du Moyen Age que les choses se gâtent, lorsque la religion chrétienne vient souvent accuser les sorcières de tous les maux auxquels elle ne peut apporter de réponse. C’est aussi le triomphe du patriarcat, qui cherche à éliminer ces femmes à l’influence qu’il juge dangereuse. Pour peu qu’elles soient jeunes, belles, libres... Les cheveux roux sont un facteur aggravant, signe de l’enfer, mais le brun plus commun vous lie aux corbeaux, aux ombres, à la nuit... L’Eglise développe un arsenal fabuleux, dont le manuel de chasse aux sorcières Malleus Maleficarum, pour décimer les femmes qui pourraient faire de l’ombre au message divin (basé pour mémoire sur la honte du péché originel, la contrition, l’humilité et l’éternel repentir, jusqu’au Purgatoire...)
L’ouvrage revient sur diverses cas de sorcellerie célèbres, souvent pour la fin tragique de leurs participantes, accusées de magie noire, d’invocation du démon, de vengeance par mauvais oeil ou plus simplement d’empoisonnement, et condamnées à des morts rarement indolores.
Les illustrations de Laura Pérez sont somptueuses, dominées de noir et très contrastées. Les femmes y sont peintes avec la liberté dont elles se paraient, et un droit à jouir de leur corps et de sa nudité. C’est aussi cela, être sorcière : ne pas avoir honte de soi et se moquer du regard des autres.
La partie historique s’achève sur le regain d’intérêt pour la femme-sorcière en cette fin de XXe siècle, fortement lié aux mouvements féministes et émancipateurs. On souligne le rôle de la pop-culture avec des sorcières de fiction érigées en modèles par et pour la nouvelle génération, comme Willow dans la série « Buffy contre les vampires » et Hermione dans « Harry Potter » (notons au passage la permanence du roux).
La fin de l’ouvrage se veut plus « pratique », avec un herbier à potions, et plus anecdotique (à mon œil d’incroyant pétri de convictions scientifiques), sur les pouvoirs des pierres et la confection de charmes et de pendule.
Très militant, le texte n’est probablement pas à mettre entre les plus jeunes mains, mais il offre aux ado(e)s une vision dépatriarcalisée et plus juste de l’histoire des prétendues sorcières. Il rappellera à tous le rôle social majeur qui fut celui de ces femmes avant les ravages provoqués par l’Eglise et invitera la nouvelle générations à remettre en question plus fort encore les stéréotypes de genre que la société actuelle nous impose.
Il lui manque peut-être une petite bibliographie pour approfondir les mythes et les cas historiques présentés, mais ce très bel objet est une magnifique entrée en matière.
Quelques aperçus HD supplémentaires sur le site de l’éditeur
Secrets de Sorcières, une initiation à notre histoire et nos savoirs
Autrices : Julie Légère, Elsa Whyte,
Couverture et illustrations : Laura Pérez
Éditeur : De la Martinière
Collection : Jeunesse
Pagination : 77 pages couleur
Format : 24 x 31 cm
Dépôt légal : 17 octobre 2019
Numéro ISBN : 9782732491547
Prix public : 18 €
Illustrations © Laura Pérez et Éditions De la Martinière (2020)
