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Contes et Récits du Paris des Merveilles
Pierre Pevel, Catherine Loiseau, Sylvie Poulain, Benjamin Lupu, Bénédicte Vizier
Bragelonne, nouvelles (France), fééripunk, 350 pages, septembre 2019, 20€

Un chat mécanique apparu durant un orage magique, une relique égyptienne maudite, un aviateur elfe kamikaze, un sculpteur de talent devenu fou, une nouvelle enquête pour Tiflaux et des ponts qui n’en font qu’à leur tête...
Voici le mélange original auquel nous convient Pierre Pevel et les éditions Bragelonne.



Les univers ouverts à diverses plumes restent rares en France, contrairement aux pays anglo-saxons où l’écriture à partir d’une bible commune est monnaie courante, du monde des super-héros des comics à la littérature. On pensera notamment aux « Wild Cards » pilotés par George Martin ou « Dangerous Women » avec Gardner Dozois (J’ai Lu). Les exemples hexagonaux sont plus souvent tragiques, à l’image du très regretté « Club Van Helsing ».
L’initiative est donc fort louable : Pierre Pevel, fleuron de la fantasy française et fer de lance du catalogue Bragelonne, avait accepté un concours de nouvelles dans son univers du Paris des Merveilles, et de retravailler les textes choisis avec leurs auteurs. On est d’autant plus surpris de voir donc en couverture les noms de quatre inconnus dont, hélas, on ne saura rien de plus, pas même l’âge. Intéressons-nous donc aux nouvelles :

Pevel ouvre et clôt le recueil avec “Veni, Vidi, V...” et Sous les ponts de Paris. Le premier, récit de Louis et Isabel à leur ami Falissière d’une récente aventure, leur permet des apartés croustillants, avec une entame digne d’un duo comique, la langue de l’enchanteresse toujours piquante. Hélas, cette forme tue de fait tout suspense : difficile de s’inquiéter de la santé d’un chat mécanique trouvé mourant s’il ronronne sur les genoux de la baronne. Je vous renvoie à la très belle couverture de Xavier Collette.
Si la forme est un peu courte, on retrouve toute la maitrise de Pierre Pevel du style dumasien : dialogues rythmés en alternance de passages plus descriptifs et de scènes d’action sans fioriture excessive. Un sens de la mesure très agréable.
Sous les Ponts de Paris”, en clôture, est plus drôle, avec une bonne dose d’Histoire parisienne. On a presque affaire à un vaudeville, Isabel se plaisant comme souvent à renverser une table savamment apprêtée par son cher et tendre.

Et au milieu de tout cela, quoi donc ?

L’Urne de Râ” met en scène une jeune fille un peu rebelle, Gabrielle Chatêlet, qui à l’occasion d’une exposition égyptienne au Louvre tombe sur un mage noir, que sa gouvernante, l’austère Suzanne, met en fuite. Est-ce bien une thaumite, la pierre des mages, qui brille sur son épingle de chignon ? Gabrielle ne veut pas faire comme si de rien n’était, et presse Suzanne de renouer avec son passé de magicienne pour qu’elles deux enquêtent sur ce mystérieux voleurs, en lieu et place d’une police qu’elle juge peu efficace. La gouvernante, réticente, finit par céder, non sans appréhender les dangers à venir.
Catherine Loiseau a parfaitement intégré non seulement les clés de l’univers, mais aussi la mécanique narrative pevelienne : son duo est complémentaire, et les deux femmes sont en fréquente opposition. L’ascendant que prend Gabrielle, par la découverte de ce passé secret, sera tempéré par l’expérience et la sagesse de Suzanne face aux dangers. On voit se tisser une très belle relation maître-élève, chacun ayant gardé acérés ses griffes et ses crocs. Dans les premières pages, j’ai même cru ressentir une influence de Gail Carriger, la situation n’étant pas sans rappeler l’intervalle laissé vide entre la fin du « Pensionnat de Mademoiselle Géraldine » et le début du « Protectorat de l’Ombrelle ».

Si “Les Révoltés d’Argecimes” nous plonge en plein climat de terrorisme en usant de l’histoire mouvementée de l’Outremonde, le choix de Sylvie Poulain d’une héroïne solitaire, certes magicienne, féministe, aviatrice et débrouillarde, débouche sur une aventure très active, avec déguisements, mais plus pauvre en dialogues. Il y a bien un policier pour répondre aux initiatives d’Elisabeth d’Arbois, mais le ton est résolument plus grave.

Dans “Les Portes de l’Outremonde”, Benjamin Lupu s’empare, ne doutant de rien, du personnage de Griffont, appelé au chevet d’un Auguste Rodin, artiste-mage « sauvage », en train de sombrer dans la folie. Si là encore l’intrigue est bien trouvée, le rythme dosé, et la bible de l’univers utilisée à foison, l’absence de partenaire rend la prose plus lourde.

Bénédicte Vizier s’en sort bien avec son “Enquête d’Etienne Tiflaux, détective privé”. reprenant un personnage secondaire du « Royaume immobile », fan de Sherlock Holmes, elle lui adjoint, dans les balbutiements de son premier contrat, un chat-ailé du nom de Moriarty, qui réagit du tac au tac avec le changelin. L’intrigue encore une fois est bien trouvée, invoquant la figure de Nicola Tesla, et on ne lui reprochera qu’une ou deux facilités et un souci de relecture (le cercle Or devenant Blanc).

C’est un plaisir de replonger dans le Paris des Merveilles, en empruntant des chemins variés mais qui nous semblent tous familiers. Il n’en demeure pas moins que la patte de chacun est sensible sous le fond commun, et qu’il est bien plus difficile qu’il y paraît de copier la prose de Pierre Pevel, aussi simple et fluide paraît-elle. Car comme dit l’adage, il est très compliqué de faire simple !


Titre : Contes et récits du Paris des Merveilles
Série : appartient à la trilogie du Paris des Merveilles
Auteurs : Pierre Pevel, Catherine Loiseau, Sylvie Poulain, Benjamin Lupu, Bénédicte Vizier
Couverture : Xavier Collette
Éditeur : Bragelonne
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 350
Format (en cm) :
Dépôt légal : septembre 2019
ISBN : 9791028105631
Prix : 20 €


Le Paris des Merveilles :
1 - Les enchantements d’Ambremer
2 - L’Elixir d’oubli
3 - Le Royaume immobile
HS - Contes et récits du Paris des Merveilles


Nicolas Soffray
13 octobre 2019


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