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Coyotes
Sean Lewis & Caitlin Yarsky
Hi Comics

Dans la cité des filles perdues, ville-frontière entre les États-Unis et le Mexique, un nouvel officier de police, Frank Coffey, arrive sur le lieu d’un massacre. Très rapidement, il se rend compte que ces meurtres ont été commis par une meute de loups-garous.



L’inspecteur de police interroge la seule survivante qui refuse de s’expliquer. C’est en flashback que ce témoin mutique nous révèle son passé.
Malgré la menace des loups, Analia refusait de rester recluse. Elle sortait avec sa grande sœur. Jusqu’au jour où cette dernière, en quittant un café, a été dévorée par une meute qui s’est ensuite attaquée à leur mère. Ces morts ont déterminé le cours de sa vie. Elle s’est désormais donnée pour mission de défendre les autres femmes.

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Au-delà de cette ado marquante, le récit possède une galerie de personnages féminins puissants. Analia a été adoptée par la Duchesse, une Afro-américaine, habillée à la mode du XIXe siècle, qui dirige les Victorias, une secte de femmes combattantes. L’une d’elle, Cache-œil, est la meilleure amie de Rouge/Analia. Les grand-mères du désert sont des magiciennes qui combattent les loups. Mais elles sont très âgées et cherchent des remplaçantes.
Progressivement, des flashbacks révèlent le passé des personnages. L’inspecteur de police, par exemple, vient d’être muté dans la ville frontière car il a voulu s’opposer à Adlin, une multinationale omniprésente. Des parenthèses souvent passionnantes mais qui ralentissent parfois le déroulé de la trame principale.

Le dessin de Caitlin Yarsky correspond bien à l’ambiance sombre et angoissante du sujet. Ses visages sont grimaçants et anguleux tout en restant réalistes. Les bulles sont de différentes couleurs selon celui qui parle (Analia en rouge et la Duchesse avec un style XIXe siècle). Elle réalise de belles cases de métamorphose. Cependant, ces superbes illustrations manquent parfois de mouvement. Le travail de la couleur est aussi notable avec un camaïeu par page.
« Coyotes » est certes un récit d’action mais également une parabole sociale. Le scénario est de Sean Lewis qui a déjà publié « The Few » chez le même éditeur.
Les meurtres auxquels il fait référence ne sont malheureusement pas pure invention - plus de 1600 femmes ont été tuées à Ciudad Juárez depuis 1993 - mais il choisit de les inscrire dans une réalité (le maquillage de Rouge vient de la fête des morts) fictionnelle (la station de métro squattée par les Victorias) pour nous dépeindre un monde inégalitaire et misogyne dans lequel les femmes ne sont pas considérées comme des êtres humains.

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Des phrases chocs, à l’instar de Duchesse disant à Analia, « Ton cul c’est de la viande », qui projettent de temps à autre le lecteur dans un film de Quentin Tarantino ou de Robert Rodriguez. Sean Lewis veut clairement que le lecteur prenne conscience de la gravité de la situation. C’est ainsi que Analia se retrouve chassée à sa puberté. Chassée par des hommes devenus sauvages. Des meurtriers qui enfilent une peau de bête pour se métamorphoser.
La frontière, espace sans loi, est le lieu d’exacerbation de cette domination. Le policier répète qu’il veut faire respecter la loi, mais sans vraiment comprendre la gravité et les raisons de ce phénomène. Selon la Duchesse, les hommes « ont horreur de nous voir vivre. » et les rappels constants à la fin du XIXe siècle ne sont pas innocents, ils correspondent à la période où le modèle conservateur de la femme s’est forgé. Portant une cape rouge, un peu à la façon d’Ellen Page dans le film « Hard Candy » de David Slade, le personnage d’Analia est une réinterprétation du petit chaperon rouge. Elle refuse de se laisser manger et choisit au contraire d’inverser les rôles.La proie devient le chasseur.

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Sean Lewis défend tous les exclus. Il dénonce leur exploitation par les puissants. La multinationale Adlin s’est enrichie avec les guerres américaines. Des scientifiques utilisent des prisonniers comme cobayes. Les femmes sont des victimes auxquelles on ne s’intéresse pas. Cette mise en avant des minorités passe aussi par l’utilisation de la langue espagnole dans les dialogues. Un choix, louable politiquement, mais qui aurait mérité une traduction pour permettre au lecteur de tout comprendre.
Les bonus, dont un court texte du scénariste et des photos de travail qui servent de base à Caitlin Yarsky, permettent de comprendre le processus créatif des auteurs.

Ce volume de quatre chapitres se lit vite et installe une ambiance gothique et politique que le deuxième volume permettra d’approfondir et de nuancer.


Coyotes Tome 1
- Scénario  : Sean Lewis
- Dessins  : Caitlin Yarsky
- Couverture  : Flavien Guilbaud
- Traduction  : Nathan Kempf
- Editeur  : HIComics
- Format  : 17,5 x 26,5 cm
- Pagination  : 136 pages
- Dépôt légal : août 2019
- Date de parution : 21 août 2019
- Numéro ISBN : 9782378870676
- Prix public : 17,90€


Illustrations © Caitlin Yarsky / HiComics



Corentin Grebert
30 septembre 2019




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