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Fog
James hebert
Bragelonne, Terreur, traduit de l’anglais (Grande-Bretagne), fantastique / horreur, 380 pages, juillet 2019, 6,90€


« Le brouillard n’était pas rare en Angleterre, même si à cette époque de l’année sa présence semblait assez insolite. Et dans la clarté du soleil il lui était difficile d’évoquer l’atmosphère menaçante de son oppressante pénombre jaunâtre. Elle devenait irréelle, comme si elle n’était apparue qu’en rêve. »

Écrit en 1975, ce « Fog  » de James Herbert est sans rapport aucun avec le film d’épouvante « The Fog » de John Carpenter (1980). Publié en France en 1990 dans la défunte collection Pocket Terreur, réédité en 2009 par Bragelonne sous le label Milady, le voici dix ans plus tard chez Bragelonne encore, avec une nouvelle illustration de couverture laissant deviner quelques-unes des terreurs dissimulées entre ses pages.

« Rassemblant son courage, Holman s’engagea dans la rue qui menait aux pelouses entourant la cathédrale. (…) Plus il approchait de l’édifice, plus le brouillard devenait jaune. Le champ de vision se réduisit encore. Il franchit la grille cernant les pelouses qui abritaient quelques tombes, et plissa les yeux pour percer la pénombre. »

L’action commence dans un petit village du Wiltshire où surviennent soudain d’étranges évènements : on entend des explosions souterraines, le sol tremble, se fend, des habitants disparaissent à jamais dans le gouffre, d’où s’échappe un étrange brouillard jaunâtre. John Holman, agent du ministère de l’intérieur, happé avec son automobile dans les profondeurs de la faille, en réchappe avec justesse. Dans les heures suivantes, blessé, choqué, il devient fou furieux, puis retrouve la raison.

Très vite, John Holman, dont la profession est d’investiguer sur les risques environnementaux, devine que le brouillard est la cause de son délire, et soupçonne quelque projet militaire inavoué. Contre ses détracteurs, il finira par avoir raison. Et pour cause : partout où dérive ce maudit brouillard jaunâtre, tout se passe de mal en pis.

«  La panique de la nuit précédente n’était rien auprès de ce qui viendrait le lendemain, qui ferait de la ville un pandémonium étrange et tragique. »

Un pasteur qui s’attaque à ses ouailles, un fermier mis à mort par ses vaches, des élèves qui mutilent leurs enseignants, un ornithophile massacré par ses pigeons, un braconnier qui décapite les propriétaires terriens, des habitants de Bournemouth qui, tels des lemmings, s’avancent en masse vers la mer pour s’y noyer : autant de scènes horrifiques que ne sont guère que des préludes, car le brouillard maléfique continue à dériver et menace des cités de plus en plus importantes.

«  Quatre silhouettes fantomatiques avançaient dans l’épais brouillard jaune ; trois semblaient des versions grossières et contrefaites de la forme humaine et marchaient lentement, à pas inégaux, l’une d’elles tirant un chariot contenant une boîte noire oblongue. »

Miraculé, immunisé, tandis que la brume continue à dériver et à générer des désastres, Holman devra tenter de replonger dans le cœur du brouillard pour y faire les prélèvements nécessaires à la recherche scientifique et devant amener à la découverte d’un antidote. Mais rien ne se passera comme prévu et il sera confronté, dans une série d’ambiances post-apocalyptiques, à maintes péripéties. Il lui faudra faire preuve d’inventivité, de combativité et d’un courage sans faille non seulement pour sauver son amie, mais aussi pour venir à bout d’une menace qui ne cesse de s’étendre, et menace bientôt les grandes villes, pour culminer dans des scènes de démence collective et de folie urbaine d’un bout à l’autre de Londres.

« Comme la plupart des organismes utilisés en vue de la guerre biologique, le mutant Broadmeyer, comme nous le nommions en secret, était auto-reproducteur. Il ne lui fallait que du bioxyde de carbone, qui se trouve dans l’air même que nous respirons, pour croître et se développer, je dirais se multiplier. La vapeur, ou le brouillard comme vous l’appelez, est une conséquence du processus par lequel cet organisme puise le bioxyde de carbone contenu dans l’air. »

On l’aura compris : le scénario est assez simpliste et les quelques détails scientifiques figurant ici et là ne sont qu’un prétexte. Les militaires ont obtenu, par mutation d’une bactérie de type mycoplasme, un agent infectieux qu’ils ne savent pas le contrôler : qu’ils décident de s’en débarrasser en l’enterrant plutôt que de le détruire par la chaleur n’est absolument pas crédible. Qu’ils procèdent à des expérimentations d’explosions souterraines à proximité immédiate ne l’est guère plus. Qu’une banale transfusion guérisse Holman de sa contamination n’est pas non plus scientifiquement vraisemblable, et, contrairement à ce que l’auteur suggère, il est impossible à une bactérie quelle qu’elle soit de se reproduire sans substrat organique. Une série d’aberrations que même les non scientifiques remarqueront, et qui malheureusement contribuent à venir rompre la suspension d’incrédulité nécessaire à l’efficacité du récit.

Pour ce qui est de l’écriture, on émettra également des réserves. Soit le roman a été écrit très et trop vite, soit l’auteur n’apparaît guère doué : la prose est particulièrement basique et le séquençage des scènes prête à sourire avec des chronologies non maîtrisées et des transitions brutales. Les dialogues, à plus d’une reprise, sont au mieux ceux d’un feuilleton télévisé très bas de gamme. On note également des structures particulièrement répétitives dans les séquences d’horreur, avec des pointes de sexe et de « gore » gratuits, séquences desservies, qui plus est, par une psychologie basique et superficielle qui a tout du remplissage. Malgré ses efforts, qui donnent l’impression d’être eux aussi mécaniques, à savoir l’application systématique d’une recette sans véritable savoir-faire, James Herbert parvient rarement à donner corps à ses personnages, ce qui n’a pas grande importance dans la mesure où ces tentatives apparaissent régulièrement décalées par rapport aux besoins narratifs : il ne sert pas à rien de donner sur plusieurs pages un passé ou des caractéristiques psychologiques à de simples figurants qui seront réduits à l’état de cadavres trois lignes plus loin.

On reconnaît là les défauts classiques de ces auteurs qui se sont lancés dans le roman d’horreur dans les années soixante-dix et quatre-vingts, surfant sur la vague générée par Stephen King, mais sans en avoir vraiment le talent. « Fog  » fait partie de ces récits faciles à lire et écrits pour des lecteurs peu exigeants. Parmi ces romans dits « de quai de gare » qui permettent d’occuper un moment perdu sans avoir besoin de se concentrer, « Fog  », avec des aspects très visuels et une fin spectaculaire, semble surtout avoir été conçu pour une adaptation cinématographique, et fait rêver à ce qu’un bon réalisateur pourrait tirer de ce matériau brut.
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Titre : Fog (The Fog, 1975)
Auteur :James Herbert
Traduction de l’anglais (Grande-Bretagne) : Anne Crichton
Couverture : Fabrice Borio / Shutterstock
Éditeur : Bragelonne (édition originale : [Pocket], 1990)
Collection : Terreur
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 380
Format (en cm) : 11 x 17,7
Dépôt légal : juillet 2019
ISBN : 9791028104450
Prix : 6,90 €


La collection Terreur de Bragelonne sur la Yozone :

- « Les Yeux » de Sliman Baptiste Berhoun
- « « Positif » de David Wellington
- « Messe noire » de Peter Straub


Hilaire Alrune
7 août 2019


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