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Totem Tom, tome 1 : Nécropolis
Patrick McSpare
Gulf Stream, roman (France), post-apo, 247 pages, mai 2019, 16€

Tom, ado des rues perdu dans le fog londonien, se fait agresser par Jack l’Éventreur avant de se réveiller 200 ans plus tard sur une Terre dévastée par la pollution et la chaleur. Pris en chasse par des raiders à motocross et un Hurleur dément, il croise une arche ensorcelée et un vieillard désorienté, Styx, qui lui tient des propos incohérents, tout aussi fous que cet univers rempli de choses qu’il n’est pas censé connaître, machines, armes, etc et dont le nom s’impose à son esprit sans hésitation.
Rattrapé par l’escouade de Styx, de jeunes adultes membres d’un mouvement de résistance, le jeune Londonien apprend que la Terre est aux mains de mages Fomoré qui oppriment une humanité moribonde, que Merlin et le peuple de Dana ont échoué à les vaincre, mais que tout espoir n’est pas éteint... Les rebelles, organisés en clans comme les Sioux, s’enhardissent au fil de leurs escarmouches. Informés qu’un mercenaire redoutable a reparu à Nécropolis, ils montent une opération d’enlèvement, décidés à se venger mais aussi à lui soutirer des informations. La visite d’une grande prêtresse du mage régnant sur l’Asie les convainc de tenter un attentat d’envergure. Hélas, malgré l’étrange magie de Tom, les choses ne vont pas se passer comme prévu...



Peut-on mélanger le folklore celte, le post-apo, la dark fantasy et les voyages temporels ? Si l’idée est originale, Patrick McSpare échoue à produire quelque chose de digeste de cette recette impossible.

Tom, amnésique, ne comprend pas pourquoi il connaît les mots, les noms de ce monde futuriste et dévasté à la « Mad Max », le maniement de fusils du XXe siècle... Cet artifice permet à l’auteur, au seul prix que de quelques « il ne sait pas comment il connaissait..., mais... », de s’affranchir d’explications sur le moindre élément qui devrait être anachronique à Tom. Certes, il y aura une explication finale à cela, et cela allège considérablement une prose déjà pas forcément légère et fluide, mais les lecteurs grands ados et adultes hoquèteront sur cette facilité.

En sus d’un improbable mélange de genres post-apo et dark fantasy, « Nécropolis » souffre d’un incessant bavardage de ses personnages. Même dans le feu de l’action (caractéristique lors de l’attentat final), l’auteur oublie totalement la règle du « show, don’t tell » et ses héros parlent, parlent, expliquent... au lieu de faire. Des pages et des pages de dialogues là où l’action brute devrait l’emporter. Même pour expliquer à Tom l’amnésique le pourquoi de l’état du monde, l’auteur préfère du dialogue, souvent très didactique.
Il faut dire que les choses ne sont pas simples, avec des Fomoré revenus du XXVIIIe siècle au XXIIe mais aussi un sort de Merlin qui a suivi le même chemin pour les empêcher de changer le passé mais qui n’a pas bien marché... Clairement, c’est trop. Je vous spoile la révélation finale : Tom est un « apprenti » de Merlin et un voyageur temporel accidenté, ce qui explique tout !

Tout cela est franchement dommage, car le roman, comme toute l’œuvre de McSpare, fourmille de bonnes choses. Hélas, elles sont noyées dans l’excès, le superflu, le trop.
Et quelques incohérences qui font tiquer. Notons Speedball qui revient « du Sud » (en fait, l’Italie) à Nécropolis (Madrid), et qui malgré son statut de mercenaire fétiche, commet un sacrilège à même de le déchoir (et pire) juste parce qu’il estime n’avoir pas assez été payé. Les distances (entre le camp sioux et Nécropolis) et l’approvisionnement dans ce monde grillé par la pollution, le réchauffement climatique et les guerres restent flous. Idem des populations à l’espérance de vie très réduite, peu ou pas exploitées malgré un embryon de société alternative avec les clans sioux.

Le message écologique est bâclé, embourbé dans un duel illisible entre les alliés de Merlin, vaguement proclamés défenseurs de la nature et les Fomoré assimilés à des démons. Même le folklore celte, pourtant le dada de l’auteur, ne supporte pas l’amalgame excessif avec les autres éléments trop hétérogènes et disparaît assez rapidement, pour se cantonner à ses seuls termes représentatifs.

Un pari risqué, et perdu. Un univers trop complexe déballé sans subtilité, une prose souvent lourde et étouffante, des personnages banals assujettis à des ressorts classiques font oublier les bonnes idées, les passages narratifs intéressants. Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation, ni quantité et qualité. Patrick McSpare semble avoir régulièrement perdu de vue son objectif, son lectorat-cible, et les règles intrinsèques du roman de (science-)fiction. Il gâche son histoire en cédant à la facilité là où il aurait fallu de la finesse, et tombe dans le détail excessif là où il fallait du rythme. Il est assez surprenant que rien de tout cela n’ait fait tiquer quiconque durant le processus d’édition.

S’adressant à un public mature du fait de sa violence, « Nécropolis » est trop fouillis, trop pataud pour convaincre ses lecteurs. Reposant sur des ressorts très littérature jeunesse (rien que le titre de la série augure bon l’avenir du héros...), empesé par un univers très complexe soit trop expliqué, soit livré tel quel, bouillie de techno-magie noire, et une violence qui confine très souvent à l’horreur (torture physique et mentale, nécromancie), il navigue dans des eaux troubles et agitées. L’inadéquation fréquente entre les choix de rythmes narratifs et le rythme de l’action achève d’en faire un ouvrage pas forcément agréable à lire en dépit d’une histoire prenante.
On l’imagine bien mieux adaptée à l’écran, où l’image animée nous débarrasserait de ces explications verbeuses et imposerait d’elle-même des dialogues plus naturels et moins ampoulés.

Plein de promesses, auxquelles je me suis accroché tout au long de ces 250 pages, et autant de déceptions. En un mot, encore une fois : dommage.


Titre : Nécropolis
Série : Totem Tom, 1/3
Auteur : Patrick McSpare
Couverture : Marie Bergeron
Éditeur : Gulf Stream
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 247
Format (en cm) : 22 x 14 x1,8
Dépôt légal : mai 2019
ISBN : 9782354886912
Prix : 16 €



Nicolas Soffray
6 juillet 2019


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