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Gandahar n° 17 - Cités du futur
Une publication de l’association Gandahar
Revue, n°17, SF - fantasy - fantastique, nouvelles - chroniques, avril 2019, 144 pages, 9€

Dans la foulée de l’anthologie parue dernièrement aux éditions Arkuiris, « Gandahar », dans ce numéro, nous emporte dans des villes du futur où il fait mal vivre.



Entrée en matière magistrale avec “Tour-soleil” de Christine Renard, une de ses meilleures nouvelles datant de 1977. Ici, la ville se fait enjôleuse, caressante, prodigue pour mieux aliéner ses habitants et les assujettir. Semblant décrire les situations sous une forme détachée, Christine Renard use en vérité du scalpel pour mettre à nu les ressorts d’une impitoyable mécanique. Ce texte distille un profond désespoir, tour de force qui était la marque du talent que l’on sait.

Une ville peut-elle en cacher une autre, clandestine, où se dissimuleraient les plus misérables de ses habitants ? C’est la thèse qu’exploite Frank Roger avec “New Shinjuku”. Pas d’hypocrisie ici, la société décrite est de nature policière. Les libertés sont étouffées (ou l’idée même de liberté est oubliée), les marginaux pourchassés. L’ordre doit régner. Un texte efficace.

Annaïg Le Quellec avec “Isaac” ne peint pas davantage un avenir qui chante. Une ville peut rejeter hors de ses murs un individu qui ne satisferait plus aux critères qui la gouvernent. Le malheureux se retrouverait alors livré à lui-même dans un environnement extérieur hostile. Mais, même exclu, comment résister aux mirages de la cité, au souvenir de son confort ? Une évocation réussie d’un monde sans espoir.

Là encore il ne fait pas bon vivre dans la ville imaginée par Christophe Kirgo.
“Granularité de la frontière” décrit la fuite éprouvante d’un révolté à travers des zones délabrées, vers une hypothétique frontière, un océan mort où la juridiction des drones tueurs ne s’exercerait plus. L’efficacité et la capacité d’évocation de ce futur sombre sont au rendez-vous.

Si vous êtes dépressif, cela ne va pas s’arranger avec “Comment j’ai perdu mon appartement” » de Jean-Pascal Martin. Si vous recyclez aussi bien que vous consommez, dans le meilleur des cas vous gagnerez quelques mètres carrés dans votre logis, si vous êtes en-dessous des attentes, votre appartement rétrécira et vous risquerez même de vous retrouver de l’autre côté, là où la vie n’est pas du gâteau ! Une nouvelle qui ne laisse pas indifférent.

Vous en avez marre de votre condition ? Vous voulez vous révolter ? Allez-y, tout est sous contrôle, profitez-en, cela ne va pas durer ! C’est le message distillé par ce texte particulièrement noir qu’est “Suspensura” de Frédéric Durand.

Christophe Künzi nous offre avec “Amour” (mot déposé) un récit original et poignant. Il raconte l’enfance puis l’adolescence d’un jeune homme dont les réactions, les pensées, l’écartent peu à peu de la routine des autres habitants de la ville et le poussent à fuir. Mais pour aller où ? L’univers décrit ici est à la fois intrigant et inquiétant. Une belle réussite.

“Une semaine sur Titan” d’Anthony Boulanger ne traite pas vraiment de la thématique urbaine, mais penche plutôt vers l’étude comportementale de deux frères que la vie a séparés et opposés. Leur rencontre sur Titan va bouleverser leurs existences. C’est un récit plutôt intimiste et de belle facture.

Anthony Boulanger vous a permis de respirer un peu ? Vous allez à nouveau plonger dans un futur qui déchante avec “Les soleils d’Océanopole” de Pierre Sensfelder. Ici tout est prévu, formaté, programmé. Chacun a un travail, un logis, de la nourriture et n’a pas de questions à se poser. La ville veille à tout. Mais que pourrait-il se passer si par malheur elle venait à se dérégler ? Bonne approche d’un thème pas souvent exploité.

On connaît Philippe Caza à travers ses superbes dessins et peintures qui accompagnent livres et revues de SF depuis les années 70. Nous découvrons ici Philippe Caza écrivain, et c’est un choc. “La cité des demeurants” conjugue humour noir, inventivité, peinture impitoyable d’un monde post-apocalyptique résultant de l’évanouissement subit d’une cité cubique construite par des aliens pour les hommes. Je n’en dis pas plus, le texte est d’une grande richesse, usant d’un vocabulaire parfois surprenant. Un magnifique bouquet final.

Mme la rédactrice en chef m’aurait-elle entendu ? Les rubriques littéraires - et cinématographique sur David Bowie -qui suivent sont en effet ordonnées, ce qui les rend plus plaisantes à lire puisqu’elles sont ainsi démarquées du corpus de la revue.

Presque tous les auteurs publiés dans ce numéro envisagent la ville du futur comme un enfer. Aucun d’entre eux ne s’est risqué à la décrire radieuse ou semblable à une cité céleste paradisiaque. Ce pessimisme quasi-général traduit une peur de l’avenir qui est bien dans l’air du temps.
Idéalement il manque pour introduire ces histoires une petite étude qui partirait de « Niourk » de Stefan Wul, passerait par Diaspar (« La cité et les astres » d’Arthur C. Clarke) tout en évoquant « La ville est un échiquier » de John Brunner.
Quoi qu’il en soit, cette livraison de « Gandahar » est d’une excellente tenue, servie par une très belle couverture signée Mandy.


Titre : Gandahar
Numéro : 17 - Cités du futur
Directeur de publication : Jean-Pierre Fontana
Rédactrice en chef : Christine Brignon
Couverture : Mandy
Type : revue
Genre : Science-fiction, fantasy, fantastique
Site Internet : l’association Gandahar ; Sa page facebook
Dépôt légal : avril 2019
Périodicité : trimestrielle
ISSN : 2418-2052
Dimensions (en cm) : 16 x 24
Pages : 144
Prix : 9€



Didier Reboussin
12 juin 2019


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