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Galaxies n°58 (Nouvelle Série)
Directeur de publication : Pierre Gévart
Revue, n°58, SF - nouvelles - articles - critiques, mars 2019, 192 pages, 11€

Il y a des auteurs qui ont marqué l’imaginaire français, des noms qui font rêver à leur seule évocation et qui ramènent à des œuvres pour lesquelles chacun garde une affection particulière. Gilles Thomas appartient à cette catégorie. Je me souviens encore des années 1990 où je cherchais avec avidité les Fleuve Noir à son nom, notamment d’un exemplaire original de « L’autoroute sauvage » qui était vendu chez mon bouquiniste à un tarif qui m’était inabordable, avant que je ne trouve ce graal coup sur coup à bas prix.
Je ne sais plus si sa véritable identité m’était alors connue, mais j’aurais plongé de même dans ces fictions si prenantes. Un dossier Julia Verlanger / Gilles Thomas, voilà une bonne idée.



Didier Reboussin et Xavier Dollo signent chacun un article de présentation (il s’agit d’une reprise de l’Intégrale de 2008 chez Bragelonne pour le second) et une nouvelle à la manière de ... Les deux permettent de mieux appréhender cette carrière atypique : une vingtaine de nouvelles et deux romans de 1956 à 1976 pour Julia Verlanger et une quinzaine d’ouvrages entre 1976 et 1982 sous le pseudo de Gilles Thomas. Deux thématiques principales se dégagent de ses écrits : le post-apocalyptique et les mondes rétros.
Un article de 2010 de Serge Brussolo, un entretien accordé par Julia Verlanger en 1966 à « Lunatique » et quelques extraits de sa correspondance avec Michel Jeury illustrent la personnalité de cette femme entière qui avait du caractère et ne mâchait pas ses mots. Il suffit de voir son énervement quand sa véritable identité a été dévoilée contre sa volonté pour s’en convaincre.
Deux nouvelles permettent d’apprécier sa prose : “Les rois détrônés” (décembre 1973), la dernière signée Julia Verlanger et “Répression” (1980), la seule de Gilles Thomas. Dans la première, les adolescents ont un ensemble de droits qui énervent les adultes jusqu’à ce que la situation dérape dans un déchaînement de violence. La seconde dénonce l’arrivée au pouvoir d’un régime totalitaire qui réprime une manifestation étudiante. Il s’agit là d’un véritable coup de poing, d’un texte qui laisse le lecteur hagard, tant elle place la barre de l’extrême haute.
Les deux se répondent, mettent en regard le monde adulte et adolescent, elles s’avèrent prenantes et écrites sans concession. Du Gilles Thomas pur jus !

Une interview de Bruno Lecigne au sujet des adaptations en BD de l’œuvre de Julia Verlanger/Gilles Thomas n’apporte pas grand-chose, mais montre l’intérêt qui lui est porté. Une bibliographie permet aussi de recenser ses écrits.
Deux nouvelles à la manière de... achèvent cet imposant dossier.
Didier Reboussin s’intéresse aux Mondes rétros. “Après moi le déluge” se déroule sur une planète où il pleut tout le temps, mais riche en pétrole, ce qui attise la convoitise terrienne. Rien que cet aspect ramène déjà dans le passé et prête à sourire. L’auteur a su trouver le ton et les idées pour rappeler les « Voies d’Almagiel » et autres récits.
Quant à Xavier Dollo et “Guarden” explorant le pan post-apocalyptique, j’ai eu du mal, notamment du fait qu’il raccroche la nouvelle à son propre imaginaire.

Ken Liu continue à s’intéresser à l’humain, à son devenir à travers “Ceux qui restent”. Il s’agit de ceux qui ont choisi de conserver leur enveloppe de chair, de vivre dans le réel plutôt que de quitter la sphère terrestre en se faisant numériser pour un paradis virtuel. La société périclite, remonte le temps avec des conditions de vie toujours plus difficiles. Ken Liu pose les bonnes questions, montre les problèmes qu’une telle possibilité peut engendrer, tout en restant à l’échelle de quelques individus. Toujours un plaisir et une leçon à méditer.

Shweta Taneja est une auteure indienne qui plonge les lecteurs dans une société en perte de fertilité. Une fille apte à enfanter représente un véritable trésor et est souvent mise aux enchères. C’est ce qu’Asim choisit de faire pour son aînée, mais saura-t-il faire le bon choix ? “La fille qui saigne” est bien mené, le sujet est traité avec un certain humour alors qu’il est grave, et la conclusion ne manque pas de piquant. Une incursion très agréable dans une SF indienne qui nous est pour le moins inconnue.

Petit-à-petit, “Le nouveau superviseur” abroge les habitudes des ramasseuses de naphte sur Kurganes. Ce texte n’est pas sans m’évoquer le début de “Répression”, mais la suite est tout autre, Jean-Pascal Martin reste bien plus sage, il ne se laisse pas aller comme il aurait pu, ce qui est un peu dommage.

Première apparition d’une nouvelle rubrique : “Retour vers le futur” dont l’ambition est de rééditer des nouvelles antérieures à 1948 dans les numéros ordinaires de « Galaxies ». Il existe déjà le “Service des affaires classées” pour les « Galaxies » / « Mercury », alors j’ai du mal à vraiment voir le côté novateur. Si j’avais l’esprit mal tourné, je dirais presque que c’est faute de textes français publiables reçus par la revue, ce que corroborerait l’édition d’un grand nombre de nouvelles reçues dans le cadre du Prix Alain Le Bussy (dans ce numéro, “Le nouveau superviseur”, 1er accessit du Prix).
“L’amour dans les brumes du futur (Histoire d’une romance en 4560)” d’Andreï Marsov date de 1924. Suite à une rencontre due au hasard, un homme et une femme s’aiment, mais les individus ne sont pas libres de choisir, il leur fait obéir aux choix raisonnables venant de plus haut. Belle entame pour cette rubrique avec cette traduction du russe. Il est d’ailleurs étonnant que l’auteur n’ait pas connu de problèmes après sa parution.

Dans “Musique et SF”, Jean-Michel Calvez traite de dark ambient en la personne de Brian Lustmord. Pierre-Emmanuel Fayemi livre un article très intéressant sur la “Bio-mimétique” dans l’innovation. Suit tout un ensemble de chroniques de livres et de bandes dessinées.

Un beau numéro de « Galaxies » avec un dossier Julia Verlanger qui rappellera bien des souvenirs de lectures à certains et devrait éveiller une saine curiosité à ceux qui sont passés à côté. Il n’est pas trop tard pour rattraper cette lacune.


Titre : Galaxies Nouvelle Série
Numéro : 58 (100 dans l’ancienne numérotation)
Directeur de publication : Pierre Gévart
Rédacteur en chef : Pierre Gévart
Couverture : Damien Richard
Type : revue
Genres : SF, études, critiques, entretiens...
Site Internet : Galaxies
Dépôt légal : mars 2019
ISSN : 1270-2382
N° ISBN : 9782376250708
Dimensions (en cm) : 13,8 x 20,9
Pages : 192
Prix : 11€



Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
4 mai 2019


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