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Voyages du fils (Les)
Jacques Abeille
Gallimard, FolioSF, fantastique / littérature blanche, 290 pages, janvier 2019, 7,90€


« Mais je me suis efforcé de ne point trop lâcher bride à mon imagination qui, sur ces questions comme sur bien d’autres, n’a que trop tendance à me présenter pour vraies les fantasmagories les plus noires et les moins probables. »

Il se nomme Ludovic Lindien, il est le fils de Barthélémy Lécriveur, personnage principal et héros du « Veilleur de jour », qui était, on s’en souvient, arrivé à Terrèbre avec une amnésie partielle, ayant tout oublié des années antérieures à sa condition de forestier. Désireux de savoir qui était réellement son père, Lindien quitte Terrèbre à son tour et se dirige vers les Hautes Brandes, région des Forestiers et des Charbonniers, où, depuis, se sont également installés et fondus dans la population quelques-uns des Barbares ayant occupé transitoirement Terrèbre.

Tout comme « Un homme plein de misère », « Les Voyages du fils » apparaît comme un voyage non seulement à travers les Contrées mais aussi à travers la mémoire, une investigation à multiples facetted qui se poursuivra au retour, dans la ville de Terrèbre, où apparaîtront de nouveaux éléments encore. À travers sept récits successifs (l’éditeur, semble-t-il, n’a pas jugé bon de se fendre d’une table des matières qui n’aurait pas coûté grand-chose), on retrouvera ou l’on entendra parler de personnages croisés ou évoqués au fil des volumes précédents, tels Léo Barthe, Uen Lord, Félix et quelques autres.

Des rapports avec le Cycle des Contrées, certes, mais qui ne sont pas toujours évidents. Ainsi le récit intitulé « L’Auberge verte » apparaît-il plus comme un récit indépendant mêlant des ingrédients du conte fantastique classique – la « Ghost story à l’ancienne », l’allongement de la durée façon anecdote de Césaire d’Heisterbach, le village qui vous garde captif. Avec ce récit, tout comme pour « La Barbarie », qui terminait le volume « Un Homme plein de misère  », mais pour des raisons différentes, le rattachement au Cycle des Contrées peut apparaître quelque peu forcé.

« C’est vrai, me répondit-il, je ne laisse pas le lecteur maîtriser son rêve. Un rêve ne se commande ni ne se dirige, il s’impose avec une évidence ahurissante. Je veux que le lecteur y soit plongé. C’est ensuite, au bout d’un certain temps, que la mémoire fera son travail d’appropriation. Alors, le lecteur pourra reprendre une rêverie dans les termes et les formes de son imagination propre. Encore faut-il que le livre existe d’abord. »

On pourra s’étonner des coïncidences, de la facilité avec laquelle le fameux fils rencontre les bons personnages et trouve les informations qu’il cherchait, et même plus encore, comme si toute quête ne pouvait qu’aboutir. Mais, comme on a déjà pu le constater à travers les dialogues – dont beaucoup, tout comme dans les volumes précédents, semblent écrits pour être récités avec style et emphase sur la scène d’un théâtre – l’aspect réaliste n’est pas toujours au premier plan. Peu importent, au demeurant, ces raccourcis d’une quête qui semble aboutir trop systématiquement et trop vite. La lenteur que l’amoureux du Cycle des Contrées attend, il la retrouve dans les digressions, les descriptions, les récits inclus, narrés par les protagonistes, et la manière dont ils viennent, les uns après les autres, dérouler et dévoiler de nouveaux pans de la fable.

« L’Homme nu », « Les lupercales forestières », « Les champignons de sang », « L’Auberge verte », « L’Oiseau grèvelong », « Le Notaire et le typographe », « L’Oncle Léo » : cette série de récits qui se terminent au point de départ vient également se refermer sur les livres secrets et obscènes du pornographe, faisant également écho à l’obscénité du tout premier volet. La lumière que vient en effet jeter Abeille sur les zones d’ombre des Contrées, à travers une écriture toujours très classique, est en effet souvent crue, violente, sans fard. Fallait-il vraiment venir éclairer ces recoins, ne valait-il mieux pas laisser des zones floues, laisser perdurer des mystères qui faisaient partie des charmes du cycle des Contrées ? Le lecteur jugera, et admettra que demeurent encore, dans les tréfonds de ces épais volumes, bien des mystères qui ne demandent qu’à être explorés.


Titre : Les Voyages du fils
Auteur : Jacques Abeille
Couverture : Anne-Gaëlle Amiot
Éditeur : Folio (édition originale : Le Tripode, 2016)
Collection : Folio SF
Site Internet : page roman
Numéro : 622
Pages : 290
Format (en cm) : 11 x 17,8
Dépôt légal : janvier 2019
ISBN : 9782072753572
Prix : 7,90 €


Jacques Abeille sur la Yozone :

- « Les Jardins statuaires »
- « Le Veilleur de jour »
- « Un Homme plein de misère »


Hilaire Alrune
29 mars 2019


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