« La Fille aux Cheveux Rouges » avait mis la barre haut. Dix-mois plus tard, Marie-Lorna Vaconsin confirme en beauté avec « Le Réveil des Adjinns ».
On y retrouve la même étrangeté d’univers, le même empressement qui s’empare de ses héros, emportés par les événements.
Désormais familiers de cet outremonde fluctuant, aux strates mouvantes, on y replonge avec bonheur. Davantage que Pyth et Louise, encore sous le choc, mais contraint de collaborer pour le bien de leurs proches. En effet, le père de Pyth s’est réveillé, mais demeure mentalement dans un autre monde, et les Garde-fous ont deviné que son fils n’était pas étranger à ce réveil. Melrik, leur contact, n’est pas tendre, prenant son rôle de gardien très à cœur. Et il n’a pas l’habitude d’entrendre discuter ses ordres. C’est dans son entourage que les ados découvrent leurs premiers Adjinns. En effet, ces parias sont exploités par les Garde-fous pour leurs pouvoirs, et tenus en laisse (et en vie) grâce à une encre noire... Seulement, comme Pyth va le découvrir, ce peuple vénère la liberté par-dessus tout, et cette survie, enchaîné, n’est pas compatible avec leur mentalité.
A moitié adjinn suite à l’explosion, Pyth est victime de crises violentes, durant lesquelles cet autre en lui prend le dessus, cet autre qui ne connaît pas les freins de leurs mondes, ses liens avec Louise... En pleine explosion hormonale, cette situation ambigüe chamboule un Pyth qui se laisserait presque porter, quitte à accuser l’autre de ses actes. Quelques moments tendus avec Louise... et avec lui-même, ainsi qu’une remise en cause de toute son éducation, sa manière d’être.

Mais au fil des pages, et des nouvelles alliances qui se nouent, Louise et Pyth refusent de n’être que des pions, et enquêtent sur ceux qui n’ont cessé de surveiller le père de Pyth, et cherchent à retrouver Foresta, dont ils sont sans nouvelles depuis la bataille de l’Empoing. Ils recroiseront sa route lorsqu’ils ne s’y attendront pas, lorsque de nombreuses routes se croisent, et que certaines questions commencent à trouver leurs réponses. L’autrice n’oublie pas le vernis scientifique de son intrigue et l’entremêle au merveilleux terrifiant de son univers. Les ondes, les déchirures entre les mondes, et le bolt, tout cela prend doucement sens. De même que le rôle de chacun. Là encore, M-L Vaconsin ne sombre pas dans un manichéisme simpliste, c’est même tout le contraire : rarement on aura vu des clans aussi légitimes dans leurs revendications qu’inquiétants dans leurs actes. En suivant Pyth, on aura tendance à prendre le parti des Adjinns, dont le statut de parias parés de tous les maux et vices fera penser à toutes les minorités opprimées et incomprises, Tsiganes au premier rang. Mais l’équilibre de ce monde est précaire - et lié au nôtre - aussi tout bouleversement sera lourd de conséquences.

Au-delà de l’urgence de l’action quasi-omniprésente et de la puissance dramatique de certaines scènes (les possessions de Pyth, le concert), sans parler de l’éblouissant finale, l’autrice sait nous ramener sur Terre avec les petits tracas de l’école de Loiret en Retz, de la sauvegarde de son château d’Herbauges qui divise la population, ou d’exaspérants soucis de canalisations de toilettes bouchées. Rien n’est innocent, vous vous en doutez. Et par petites touches, l’humanité, l’épaisseur des personnages secondaires se construit, avec notamment la mère de Maxence, desperate housewife au bord de la dépression.

On en avait eu quelques bribes dans le premier tome, la musique prend tout son sens ici, vibration profonde des corps et des âmes. Les sensations qu’elle procure sont parfaitement décrites, et son pouvoir ne nous aura jamais semblé si proche. Avec le personnage de Silo, mystérieuse idole des adolescent(e)s, la frontière entre art et magie s’affine encore. Chaque scène résonne différemment, les territoires submergés carillonnent d’étrangeté tandis que le lycée dissone d’une normalité trop terre-à-terre.

Je pourrais chipoter sur quelques excès hollywoodiens sur la prise du bolt. Je vais m’abstenir, pour terminer sur les qualités confirmées par ce second volume : on a avec « Le Réveil des Adjinns » une histoire haletante, sombre, pleine de nuances, de vie, et un roman dans lequel il faut accepter de se laisser happer, sans résister, pour en prendre de plein fouet toute la puissance. C’est un régal de lecture, Marie-Lorna Vaconsin ne se laissant jamais aller à la facilité rédactionnelle, c’est riche, c’est chatoyant jusque dans les lieux les plus sombres et crasseux.

On n’y plonge pas, on s’y immerge, totalement, sans remonter avant la fin.

Titre : Le Réveil des Adjinns
Série : Le Projet Starpoint, tome 2
Auteur : Marie-Lorna Vaconsin
Couverture : Yeaaah Studio
Éditeur : La Belle Colère
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 418
Format (en cm) : 21 x 14 x 2,7
Dépôt légal : octobre 2018
ISBN : 9782843378881
Prix : 19 €

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